Un texte du Père Guillaume de Menthière, dans "Magnificat" :
"Caché dans un recoin, j'observe les gens qui entrent dans l'église. La plupart s'y engouffrent avec un air pressé bien peu seyant en cette demeure de l'Eternel. Quelques uns pourtant prennent le temps d'esquisser un furtif mouvement de la main qu'avec beaucoup d'imagination on peut assimiler à un signe de croix. Des chrétiens sans doute ? Mais alors ils devraient savoir que les signes religieux ostensibles sont autorisés dans l'église, qui n'est pas soumise à la laïcité. Pourquoi des signes si lilliputiens, à peine perceptibles, et non pas "le bel agenouillement droit" dont parlait Péguy, ou le beau vêtement de la croix dont on se drape comme d'un manteau ? Pourquoi nos fidèles auraient-ils la croix honteuse et non la croix glorieuse ?
Autrefois, la première leçon de catéchisme ne portait pas sur les dogmes, mais sur la gestuelle du chrétien. "Que dois-je faire le matin à mon réveil ?" demandait-on à l'enfant. Et la réponse fusait : "Au réveil, je trace sur moi le signe de la croix." Avant même d'habiller son corps, on habille son âme de l'ample manteau du salut. Des générations de petits marqués du signe de la croix pouvaient ainsi dire avec l'Apôtre : "Pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde ets crucifié pour moi, et moi pour le monde." (Ga 6, 14).
Un jour, une pieuse femme vint visiter l'abbé Poppe agonisant en lui réclamant un souvenir, une relique, une image de lui. Le bienheureux prêtre décrocha le crucifix au-dessus de son lit et le tendit à la visiteuse en disant : "Voici ma photo, priez pour qu'elle soit ressemblante !"
Bon dimanche !