Vladimir Boukovski, né le 30 décembre 1942, est mort le 27 octobre 2019 à Cambridge (Royaume-Uni). Ancien dissident soviétique naturalisé britannique, il a passé douze ans de sa vie emprisonné (camp Perm-36, prison, hôpital psychiatrique). Il dénonça l’utilisation de l’emprisonnement psychiatrique contre les prisonniers politiques en URSS. Dans un article traduit par Benoît-et-moi, Antonio Socci rapporte ses propos :
« C’est vraiment une énigme pour moi de comprendre pourquoi, après avoir enterré un monstre, l’Union soviétique, nous en construisons un autre qui est remarquablement similaire: l’Union européenne ».
« L’Union soviétique était gouvernée par quinze personnes non élues qui s’attribuaient mutuellement les postes et qui n’étaient obligées de rendre de comptes à personne. L’Union européenne est gouvernée par deux douzaines de personnes non élues, qui s’attribuent mutuellement les postes (…) elles n’ont de comptes à rendre à personne et on ne peut les destituer. On pourrait dire que l’Union européenne a un parlement élu. Eh bien, l’Union soviétique avait aussi une sorte de parlement, le Soviet Suprême, qui ne faisait qu’estampiller les décisions du Politburo plus ou moins comme le fait aujourd’hui le Parlement de l’Union européenne.
[…] Ensuite – entre autres analogies – , il parlait des « eurobureaucrates aux salaires très élevés, avec leur staff, qui passent simplement d’un poste à un autre, quels que soient leurs résultats ou leurs échecs. N’est-ce pas exactement comme sous le régime soviétique? »
Ici, pourrait objecter que l’Union soviétique imposait sa volonté par la répression et, même aux membres du Pacte de Varsovie, par la force brute, alors que l’UE n’utilise pas la force militaire, mais il est difficile de donner tort à Bukovski quand il affirmait que toutefois, elle utilisait le « harcèlement économique ».
« A nous, on a dit que le but de l’Union soviétique était de créer une nouvelle entité historique, le peuple soviétique, et que nous devions oublier nos nationalités, nos traditions ethniques et nos coutumes. La même chose semble se produire avec l’Union européenne, puisqu’ils ne veulent pas que vous soyez anglais ou français: ils veulent que vous soyez tous membres d’une nouvelle espèce historique, les Européens, pour supprimer tous vos sentiments nationaux et vivre comme communauté multinationale. Après 73 ans, ce système en Union soviétique a engendré plus de conflits ethniques que partout ailleurs dans le monde. En Union soviétique, l’un des grands objectifs était la destruction de l’État-nation, et c’est exactement ce que j’observe aujourd’hui en Europe. Bruxelles veut absorber les États-nations pour qu’ils cessent d’exister ».
En fait, il apparaît évident que l’Union européenne n’est plus – comme la première Communauté européenne – une libre union d’États coopérant sur certaines questions, mais sans abdiquer leur indépendance et leur identité. Les énormes difficultés qu’éprouve aujourd’hui la Grande-Bretagne (même la Grande-Bretagne!) à sortir de l’Union européenne font que l’UE ressemble vraiment au Pacte de Varsovie. Ce n’est plus une union libre d’États, mais quelque chose qui limite la liberté, parce que les endroits d’où il est difficile et presque téméraire de partir ne sont pas des maisons, mais des prisons.
La dernière objection que l’on peut faire à la comparaison de Bukovski entre l’URSS et l’UE concerne les libertés fondamentales, car il est clair qu’en Union soviétique la liberté de pensée et d’expression était niée. Mais cela, personne ne le sait mieux que Bukovski, lui qui l’avait vécu et l’avait payé dans sa propre chair. On ne peut donc pas faire comme si de rien n’était si un tel homme, avec une histoire comme la sienne, continue à nous mettre en garde, en soutenant qu’il existe dans l’Union européenne « un goulag intellectuel appelé politically correct« , au point que si quelqu’un s’exprime sur certaines choses « ou si ses opinions diffèrent de celles approuvées, il est mis à l’index. C’est le début du Goulag, le début de la perte de liberté.
En URSS – explique Bukovski – « on nous a dit qu’il nous fallait un État fédéral pour éviter les guerres. Dans l’Union européenne, ils vous disent exactement la même chose. Bref, la même idéologie soutient les deux systèmes.
Selon Bukovski, l’Union européenne « s’effondrera » comme le communisme soviétique parce qu’elle est « incapable de se réformer », comme l’URSS, et quand cela arrivera, elle « laissera derrière elle une destruction massive et nous nous retrouverons avec d’énormes problèmes économiques et ethniques ». […]