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Pays : Russie

Vladimir Poutine, 25 ans de pouvoir et de popularité

Vladimir Poutine, 25 ans de pouvoir et de popularité

D’Antoine de Lacoste dans Politique Magazine :

Les oligarques russes sont parfois étranges. Ils ont favorisé l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir pensant le manœuvrer à leur guise pour continuer à piller la Russie. En commettant une telle erreur de jugement sur la personnalité d’un homme, ils ont directement mis fin à leur toute puissance, à la grande satisfaction du peuple russe. Un taiseux n’est pas nécessairement un falot, un travailleur acharné n’est pas toujours un rouage docile.

Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut revenir aux années terribles de la décennie qui a suivi la chute du Mur et l’éclatement de l’Union soviétique.

Lorsque Mikhaïl Gorbatchev arriva au pouvoir en 1985, l’URSS était à bout de souffle. Il n’y avait plus d’argent, la course aux armements était perdue face aux Etats-Unis qui l’avait financée à coups de déficits budgétaires, gentiment abondés par l’ensemble du monde occidental. Il fallait faire quelque chose, tout changer pour que rien ne change selon la vieille formule du Prince Salinas, le Guépard (il faut lire ce superbe roman).

Mais Gorbatchev devait le savoir, le communisme c’est la terreur, la répression, les camps. En affirmant que dorénavant tout cela était terminé mais que le communisme continuerait quand même, il a accéléré la destruction d’un système vermoulu. Il a tenté en vain la Perestroïka, la reconstruction en Russe. Une sorte de « communisme à visage humain » : l’oxymore a son charme, mais il a ses limites quand il atteint les frontières de l’absurde.

Boris Eltsine prit les choses en main. Il obligea Gorbatchev à lire à la tribune de la Douma (l’assemblée) un texte mettant fin au système. Le pâle Mikhaïl s’exécuta, le tonitruant Boris prit sa place.

L’Amérique, qui n’avait rien anticipé, s’adapta très vite et les réseaux du mondialisme heureux se mirent à l’ouvrage. Ils surent flatter Eltsine et le convaincre de libéraliser l’économie à grande vitesse. On vit beaucoup Soros à Moscou et de nombreux économistes américains expliquant au pouvoir russe dépassé comment il fallait procéder. Tandis que les Républiques socialistes soviétiques proclamaient leur indépendance les unes après les autres, la grande fédération de Russie s’enfonçait dans la crise.

L’anarchie s’installa. Les mafias russes organisèrent le pillage du pays. Les règlements de compte furent sanglants : le gâteau à partager était considérable. Les plus habiles, les plus violents aussi, firent des fortunes en volant usines et matières premières, en assassinant leurs concurrents. Les oligarques étaient nés. Eux et leurs hommes représentaient 1% du peuple russe. Les 99% autres sombrèrent dans la pauvreté, l’alcoolisme et, chose incroyable, la faim. Le déclin démographique fut vertigineux et l’espérance de vie s’effondra.

Il faut savoir tout cela pour comprendre pourquoi Poutine fut fêté comme un libérateur et pourquoi sa popularité reste immense dans ce pays où le patriotisme est la règle de vie commune numéro un. Nos journalistes et nos « élites » occidentales ne comprennent pas cette mentalité, pourtant inhérente à la Russie. Le « dissident » Navalny fut un artifice occidental, Poutine est une réalité russe.

Eltsine signait tout, s’enrichissait aussi et buvait trop de vodka. Il arrivait saoul à des réunions internationales et, parfois ne pouvait même pas sortir de sa voiture. Le comble fut atteint lorsqu’à la sortie d’une réunion et d’un repas à la Maison Blanche, Eltsine fut pris d’un fou rire, bientôt imité par Bill Clinton. Mais l’un était ivre et l’autre pas. Le monde entier vit ces images, la Russie était ridiculisée, son peuple humilié.

De plus, la révolte d’islamistes tchétchènes, discrètement soutenus par l’occident, provoqua une guerre que l’armée russe, en pleine déliquescence, perdit (1994-1996).

Des émeutes se produisirent dans plusieurs villes du pays. Les Russes voulaient le retour de l’ordre et manger à leur faim. Ils ne voulaient plus du « supermarché américain », selon l’heureuse formule de Giovanni da Empoli dans Le mage du Kremlin. En 1998, une grave crise financière acheva de déconsidérer le pouvoir.

Les oligarques comprirent le danger, d’où la recherche d’un homme d’ordre mais sans envergure que l’on pourrait manœuvrer afin que les bonnes affaires se poursuivent. Boris Eltsine, dans ses moments de lucidité, était sur la même ligne et joua d’ailleurs un rôle essentiel.

Vladimir Poutine semblait avoir le profil. Ancien du KGB, en poste en Allemagne de l’Est, il fit preuve de sang-froid lorsque la foule allemande, après la chute du mur, voulut attaquer les locaux des services secrets de Dresde que Poutine dirigeait. Il rejoignit ensuite sa ville natale de Saint Pétersbourg. Attiré par la politique il se rapprocha d’Anatoli Sobtchak, nouveau maire de la ville, dont il devint le bras droit. Il noua des relations à Moscou où il fut appelé en 1996 pour occuper des fonctions dans la sécurité. En 1998, il fut nommé directeur des services de sécurité de la Russie et c’est ainsi que les oligarques pensèrent à lui : un homme d’ordre qui rassureraient les Russes.

La suite est bien connue. Les oligarques furent rapidement mis au pas, certains connurent la prison et tout le monde comprit qui était le nouveau patron. Après 10 ans d’anarchie, la Russie était enfin dirigée. (« Il y a un nouveau sheriff en ville » aurait pu dire JD Vance).

Le nouveau président, élu face à un communiste (c’est dire le rejet de la classe politique des années Eltsine), ne perdit pas de temps. Il réforma l’armée, limogea des milliers d’officiers et gagna la deuxième guerre de Tchétchénie. Il remit de l’ordre dans l’économie et nomma des proches à la tête des grandes entreprises. Il restaura la sécurité en s’attaquant durement à la criminalité.

En politique extérieure, Poutine, on l’a oublié, tenta de se rapprocher de l’Europe et des Etats-Unis. Les Américains firent semblant de trouver l’idée excellente mais, fidèles à leur vieille doctrine géopolitique d’isolement de la Russie, ils firent tout pour couper l’Europe de la Russie.

Parallèlement, ce furent les grandes manœuvres des guerres impériales de l’OTAN. On bombarda la Serbie en 1999 pour qu’elle lâche sa province historique du Kosovo. Les Américains y ont ensuite construit leur plus grande base d’Europe. Après le 11 septembre, les Américains envahirent l’Afghanistan puis l’Irak en 2003. Parallèlement, les pays d’Europe centrale adhéraient à l’Europe et à l’OTAN, les deux marchant de pair.

Les réseaux mondialistes, Soros et USAID (récemment démantelé par Donald Trump) multipliaient les opérations de déstabilisation des voisins de la Russie : « révolutions de couleur » en Géorgie (2003), en Ukraine (2004), au Kirghizistan (2005). La CIA était également à la manœuvre.

A Munich, en 2007, Poutine se fâcha et avertit : la Russie se sent menacée et devra réagir. Georges Bush répondit en annonçant la prochaine adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN, chiffon rouge absolu pour la Russie. C’était l’époque du néo-conservatisme dominant en Amérique, tendance reléguée dans les poubelles de l’histoire par Trump et Vance.

Sagement, Angela Merkel s’opposa à cela. Elle savait que les Russes n’accepteraient jamais l’adhésion de ces deux pays à l’OTAN. De plus, elle connaissait bien Vladimir Poutine, avec qui elle échangeait directement en allemand.

L’affaire géorgienne fut réglée lors d’une guerre de cinq jours en 2008. Un tout petit pays, éloigné de l’Europe, l’affaire était facile. L’Ukraine, c’est autre chose. Les grandes manœuvres commencèrent en 2014 avec le coup d’Etat de la place Maïdan. Depuis, l’Amérique prépare sa guerre contre la Russie par Ukraine interposée.

Malgré ses défauts et son consternant tropisme immigrationniste, Angela Merkel est la seule à avoir lu le jeu américain et s’y opposer. Après son départ, il n’y eut plus de frein.

L’Amérique néo-conservatrice a eu sa guerre, espérant déstabiliser la Russie. Mais c’est le contraire qui s’est produit. Certes, la Russie espérait une guerre courte. Mais le peuple russe a fait bloc derrière son chef dont la popularité reste immense. Pour une raison simple : Poutine a rendu sa fierté à tout un pays et cela compte plus que tout le reste.

Antoine de Lacoste

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