De Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique :
L’angoisse de la fin de la France étreint aujourd’hui le cœur de tous ceux pour qui notre pays n’est pas qu’un lieu de consommation et de production mais d’abord un héritage partagé. Leur anxiété rejoint celle de ceux qui s’alarment du désordre du monde. Revenons d’abord à l’essentiel :
« Non seulement ce déchaînement de malheurs a envahi l’univers parce que la plupart des hommes ont banni Jésus-Christ et sa loi très sainte de leurs coutumes et de leur vie particulière comme de la société familiale et de l’Etat, mais encore l’espoir d’une paix durable entre les peuples ne brillera jamais tant que les individus et les Etats s’obstineront à rejeter l’autorité de notre Sauveur » enseignait Pie XI dans l’encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925.
Ces écrits, bientôt centenaires, nous apparaissent, chaque jour, d’une plus tragique actualité. Pensons à la guerre en Ukraine que personne n’avait anticipée. Au bilan désastreux du quinquennat d’Emmanuel Macron avec, à son « actif », le prolongement à quatorze semaines du délai légal d’IVG, une fracturation sociale d’un niveau jamais atteint, une dictature sanitaire dont personne ne voit la fin, – « La racine des régimes totalitaires ce sont les décisions contradictoires »(Hannah Arendt) – une insécurité croissante, la suspension de tout culte public pendant plusieurs semaines, l’incendie de deux cathédrales, etc. Et en prime, la perspective, terrifiante, d’en reprendre pour cinq ans.
Quelques faits d’histoire
Dans ce contexte anxiogène, toutes les attentions et énergies se concentrent sur les élections à venir. Chacun passe au crible les déclarations des candidats et somme son voisin de se rallier à sa position. C’est sans doute, faire l’impasse sur plusieurs réalités incontournables.
- L’enseignement ci-dessus rappelé de Pie XI et conforté par le programme qu’il s’était fixé : Pax Christi quod est regnum Christi (La paix du Christ qui est le règne du Christ) n’est globalement audible que par 100 000 personnes soit, peu ou prou, les personnes usagères, en France, de la messe traditionnelle et un peu circonspectes sur certains textes conciliaires en particulier la constitution Gaudium et spes. En effet, la fête liturgique du Christ-Roi fixée, par Pie XI, le dernier dimanche d’octobre et devant rappeler que « les magistrats et les gouvernants sont tenus, tout comme les citoyens de rendre un culte au Christ et de lui obéir » est devenue, à l’occasion de la réforme liturgique, une fête du « Christ-roi de l’univers » fixée au dernier dimanche de l’année liturgique, semblant ainsi renvoyer cette royauté à la fin des temps. De plus, la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse Dignitatis Humanae a sonné le glas de ce qu’il était convenu d’appeler la Royauté sociale du Christ et donc signé le certificat de décès de l’état chrétien. Ce que confirme le très officiel Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, ne faisant aucune référence à cet enseignement et ne citant pas une fois, en 500 pages, l’encyclique de Pie XI sur la Royauté Sociale du Christ : Quas Primas.
- Aucun changement de régime en France n’a été le fruit de l’élection. Citons 1789, 1815, 1848, 1870, 1940, 1944, 1958. Le processus électoral avalise et légitime l’insurrection, l’émeute, le coup d’état ou …gère la défaite. Il serait cependant incongru de mettre sur les mêmes plans, au regard des intérêts de la France, la chambre royaliste de 1871 et celle, républicaine, de 1876, la chambre bleu horizon de 1919 et celle du Front Populaire de 1936. Si l’insuffisance du processus électoral, pour redresser notre pays est certaine, le refus, par principe, de l’utilisation de « tous les moyens même légaux » serait tout aussi irresponsable tant « la vérité n’est pas le contraire de l’erreur ».
- Confrontés au totalitarisme communiste les dissidents d’Europe de l’Est édifièrent une société parallèle (cf La polis parallèle de Vaclav Benda) permettant de suppléer aux carences de l’État, de transmettre une tradition nationale et religieuse que l’État moderne s’efforçait, sous d’autres modalités qu’aujourd’hui de détruire. C’est le défi qui nous est lancé. Là est l’essentiel du combat à mener, sans négliger tous les moyens à notre disposition pour manifester nos inquiétudes, les faire connaître et préparer la conversion des élites politiques sensibilisées à la survie de la France comme nation, au moins de culture chrétienne, aux conséquences ultimes de leurs soucis de cohérence.
- Primum vivere deinde philosophari. Le premier des biens c’est d’exister. Quand le malade est mort les débats entre médecins sur les meilleures thérapies à mettre en œuvre pour le sauver deviennent caducs voire incongrus. Il est un fait que les périodes électorales sont l’occasion de soulever des enthousiasmes, de gagner des esprits à la cause nationale, de réveiller les consciences endormies devant la disparition possible de notre civilisation. N’est-il pas miraculeux, à cet égard, qu’il existe encore des centaines de milliers de Français, jeunes et moins jeunes, pour vibrer à l’évocation des batailles de Bouvines ou de Marengo, au souvenir de Clovis ou de Jeanne d’Arc ?
La prophétie de saint Pie X
Notons enfin que la liturgie nous invitait il y a quelques jours à méditer la parabole de l’enfant prodigue. C’est du fond de sa détresse qu’il se tourne vers son père. Tant qu’il eut les moyens de faire la fête, le fils prodigue demeura insensible à tout remords, à toute conversion. Purifié par l’épreuve il eut l’humilité de demander pardon à son Père qui, bien sûr, lui pardonna. Analogiquement il est, ainsi, à craindre que notre pays, « bonnes élections » ou non, ne soit condamné à subir des épreuves purificatrices avant de renouer avec son destin et sa vocation actualisant la célèbre prophétie de saint Pie X le 29 novembre 1911 :
Un jour viendra, et nous espérons qu’il n’est pas très éloigné, où la France comme Saül, sur le chemin de Damas sera enveloppée d’une lumière céleste et entendra une voix qui lui répétera : « Ma fille, pourquoi me persécutes-tu ?»Et sur sa réponse : « Qui es-tu Seigneur? » La voix répliquera : « Je suis celui que tu persécutes. Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon, parce que dans ton obstination, tu te ruines toi-même ». Et, elle tremblante et étonnée, dira : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Et lui : « Lève-toi, lave les souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein tes sentiments assoupis et le pacte de notre alliance, et va Fille aînée de l’Eglise, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, mon nom devant tous les peuples et les rois de la terre. »
Depuis 1911, ces lignes n’ont rien perdu de leur actualité. L’urgence est plus que jamais à la réforme intellectuelle et morale, tout particulièrement en ces temps d’élection.