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Histoire du christianisme

Xavier Martin : “Napoléon est un condensé d’esprit des Lumières”

Xavier Martin : “Napoléon est un condensé d’esprit des Lumières”

Xavier Martin, professeur émérite à l’Université d’Angers et auteur d’une œuvre importante d’analyse critique des Lumières, a été interrogé dans La Nef sur Napoléon. Extrait :

Vos livres ont montré comment les Lumières et la Révolution avaient voulu régénérer l’espèce humaine, s’approprier l’homme : Napoléon s’inscrit-il dans cette démarche ?

Le regard sur l’humain qui sous-tend cette chimère est le sien. Le temps dont il est fils est celui de l’homme machine, réduit à l’organique, dénué de libre arbitre, assujetti mécaniquement à l’égoïsme. L’intériorité humaine, rétrécie au jeu du sensitif pur, ipso facto est modifiable à volonté par l’avisée télécommande des sensations : là est le ressort des pédagogies neuves, et bientôt de la propagande révolutionnaire. Bonaparte a baigné dans tout cela, et exsude le scientisme asseyant cette approche. Le corps, à ses yeux ? « une machine à vivre ». Lui-même est « la montre qui va, et ne connaît pas son horloger », etc. Brumaire venant, il cajole les tenants de l’idéologie (traduire : science [exacte !] des idées), qui systématisant ce dépôt des Lumières, ruminent plus que jamais de régénérer l’homme, et vont d’emblée, à cet effet, tabler sur lui. Mais l’affaire est fumeuse ! Parvenu au pouvoir, criblé d’urgences concrètes tout autres, il les tient à distance et les couvre d’honneurs pour qu’ils lui fichent la paix. À cela se réduit son fameux différend avec les « idéologues », qui tout au plus auront boudé, galonnés d’or, sous les lambris. Leur anthropologie demeure en fait la sienne, et le convainc qu’avec adresse on tient les hommes, intégralement, par l’intérêt. Aussi exècre-t-il les désintéressés !

Vous avez écrit un livre en 2003 qui s’intitule Mythologie du Code Napoléon (DMM) : en quoi ce Code est-il une « mythologie » ?

Le Code civil de 1804 n’est pas une mythologie. Ce qui en est une, c’est le discours convenu, dans les manuels de droit, sur la très haute idée de l’homme – optimiste, éthérée, spirituelle – dont ses rédacteurs, enfants des Lumières, étaient du même coup, croit-on, pénétrés. À les lire, saute aux yeux l’évidence du contraire. Car la décennie révolutionnaire leur a imprimé un profond pessimisme sur l’homme, qui vient aggraver le réductionnisme matérialiste issu des Lumières ! C’est l’étonnante mise au grand jour de ladite bourde « académique » sur l’état d’esprit de 1804, qui aiguillonnant ma curiosité, m’a fait remonter jusqu’au pot aux roses : l’invraisemblable contresens sur les Lumières, leur « humanisme », etc. Étrange parcours. J’en ai narré les singulières péripéties dans mon Retour sur un Itinéraire (DMM, 2010). […]

Le Concordat de 1801, en rétablissant culte et hiérarchie, ramène la paix religieuse, tout en interdisant le retour des réguliers : comment l’analysez-vous ?

Le Concordat (et ses « articles organiques », non négociés) ? D’une pierre, deux coups. Au premier degré, Bonaparte apaise les mauvaises fièvres religieuses dont la persécution vient d’accabler la France, et on lui en sait gré. Au second degré, le calculateur guigne les dividendes sociopolitiques du catholicisme. En cela, strictement, il est voltairien : nécessité d’une religion pour contrôler la populace. Quant à la haine des moines, c’est aussi un poncif hérité des Lumières, qui n’épargnait pas la haute administration monarchique, et qu’au reste, en Autriche, illustra vertement Joseph II, le frère de Marie-Antoinette. C’est sous tous rapports (esclavage inclus, à divers égards) que Napoléon est un condensé d’esprit des Lumières.

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2 commentaires

  1. L’histoire ne s’arrête pourtant pas là. Le P. Pascal Ide explique comment Napoléon a retrouvé la foi pendant sa “retraite” à Ste Hélène

  2. Exactement, ou presque exactement. Nous ne sondons pas les coeurs pour savoir si sa foi fut vivante et donc catholique. Il a demandé un prêtre, … et a eu un enterrement catholique. Comme Heidegger qui a voulu et eu des funérailles catholiques. Jésus-Dieu est le vainqueur de notre ennemie radicale, la mort. La vérité est la seule force solide avec laquelle il faut entrer en relation, souvent dans un faisceau de preuves.

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