Récit par Conflits :
Le 24 décembre 1994, quatre islamistes issus du GIA prennent le contrôle de l’avion d’Air France stationné à l’aéroport d’Alger.
Un Airbus A300 composé de 220 passagers (dont 100 Algériens et 72 Français) et 12 membres d’équipage est immobilisé par les islamistes. La prise d’otage s’est faite grâce à la complicité d’un inspecteur de la police aux frontières, qui a permis aux islamistes de s’emparer d’un véhicule d’Air France afin de s’approcher de l’avion et d’y entrer.
À 11h05, ils entrent dans l’appareil en se présentant aux membres d’équipage comme des policiers, puis vérifient les passeports des passagers. Puis les quatre hommes révèlent leurs intentions et prennent le contrôle de l’avion. Ils demandent à l’avion de décoller vers Paris. Leur objectif est de transformer l’avion en bombe en s’écrasant contre la tour Eiffel ou la tour Montparnasse.
Édouard Balladur, alors Premier ministre, doit dans un premier temps négocier avec le gouvernement algérien qui, refusant de laisser partir l’avion, menace la vie des otages. Alger envisage de donner un assaut rapide, ce qui se traduirait par un carnage.
À 13h30, un premier otage est abattu. Au total, quatre otages seront tués à Alger, dont le cuisinier de l’ambassade de France.
Édouard Balladur permet que des femmes et des enfants soient libérés. Le 25 décembre à 13h, ce sont ainsi 65 passagers qui sont libérés. Mais Alger continue de laisser partir l’avion ainsi que de permettre l’intervention du GIGN français. Finalement, Edouard Balladur menace le gouvernement algérien de couper les aides de la France. Alger se couche et accepte de laisser partir l’avion.
Par manque de carburant, celui-ci se pose sur l’aéroport de Marignane. Les islamistes veulent faire le plein de carburant pour se rendre à Paris, mais le gouvernement français est bien décidé à ne pas laisser repartir l’avion.
Le vol AF 8969 se pose à Marignane le 26 décembre à 3 h 12 du matin. Fatigués par la prise d’otage, les membres du commando maintiennent le silence radio et en profitent pour dormir.
Le GIGN propose au commando d’organiser une conférence de presse à l’avant de l’appareil. Le commando accepte, vide l’avant de l’avion de ses passagers, ceux-ci étant amenés vers l’arrière de l’appareil. L’organisation de la conférence doit permettre non seulement de gagner du temps pour préparer l’offensive et vérifier que les portes de l’avion ne sont pas piégées avec des explosifs, mais aussi d’accentuer la fatigue du commando.
À 17h12, le commandant du GIGN donne le signal de l’assaut.
Trois passerelles motorisées s’approchent de l’avion, deux vers les portes arrière avec 11 hommes de chaque côté, et une passerelle de 8 hommes à l’avant de l’appareil. Ils ouvrent avec difficulté la porte avant droite de l’appareil, car la passerelle est trop haute et bloque l’ouverture de la porte. Elle est reculée puis avancée à nouveau, une fois la porte ouverte, blessant un homme du GIGN. Les membres du commando terroriste, réfugiés dans le cockpit, tirent à travers la cloison.
Le premier gendarme à pénétrer dans l’avion est Éric Arlecchini, dit « Arlé » (blessé par balles au cours de l’assaut, il décédera accidentellement en service deux ans plus tard avec un autre gendarme) qui se met en appui face à l’arrière de l’appareil pour couvrir le reste du groupe. Il est suivi de Thierry Prungnaud qui s’approche du cockpit et parvient, sous l’effet de la surprise, à tuer deux terroristes et à en blesser un troisième, avant de recevoir un feu nourri.
L’échange de tirs se poursuit entre les hommes du GIGN et le dernier preneur d’otages, caché sous la tablette de navigation de l’appareil. Celui-ci lance une grenade qui atterrit à 80 cm de Thierry Prungnaud, toujours au sol, et qui a le réflexe de tourner le dos à l’objet pour se protéger de l’explosion, qui génère un trou de 20 cm dans le plancher de l’avion. Thierry Prungnaud reçoit des éclats dans le bas du dos et les jambes et perd connaissance pendant quelques secondes.
À 17 h 18, l’ensemble des passagers et du personnel navigant commercial est évacué par les portes arrière de l’appareil via les toboggans de secours. Malgré la violence de la fusillade, moins de trente personnes sont blessées. Avec les sirènes des ambulances comme fond sonore, le commandant Favier envoie un message radio laconique à la tour de contrôle : « Opération terminée, pertes limitées ».
À 17 h 29, soit vingt minutes après le début de l’assaut, le dernier terroriste est abattu d’une balle dans le cœur. Plus de 1 000 munitions ont été tirées au cours de l’assaut.
30 ans après, la gendarmerie tire les leçons de cet assaut.
[…] Si l’assaut de Marignane est considéré comme un succès à juste titre, il marque aussi un tournant pour l’unité. Les enseignements qui en ont été tirés sont nombreux et omnidirectionnels, que ce soit en matière d’équipement (armes, véhicules, protection balistique), de doctrine d’emploi (stratégie de négociation, gestion des médias, approche de l’assaut) ou de formation (intégration à l’écosystème aérien). « En premier lieu, avec l’arrivée des chaînes d’information en continu et, plus largement, de la communication en temps réel, nous avons mené une réflexion sur la façon de mieux travailler avec les médias, c’est-à-dire sur la manière d’intégrer le fait que l’adversaire ait connaissance de notre dispositif, voire de nos intentions, dans nos modes opératoires. Partant de ce postulat, cela a eu des conséquences sur notre stratégie de négociation, sur celle de décision d’emploi, de même que sur l’assaut proprement dit », explique le général de division Ghislain Réty, arrivé pour la première fois au Groupe en 1995 et actuellement à sa tête. La deuxième ligne d’opération est l’enseignement technique. À ce titre, l’année 1995 a marqué un véritable tournant. À Marignane, on voit un opérationnel monter armé d’un revolver, ce qui nous paraît complètement dépassé aujourd’hui. »
À partir de là, le GIGN revoit en effet tout son équipement, de la protection balistique au sens large, avec l’arrivée des boucliers et la réflexion sur les gilets pare-balles, à l’armement, en passant par les vecteurs de mobilité. Des armes plus puissantes font ainsi leur apparition au sein du groupe, avec des calibres permettant de tirer de plus loin, de percer plus facilement des matériaux tels que les pare-brise d’avion, et d’avoir moins de déviation par rapport au vent. Pour pallier le manque de protection conférée par les passerelles utilisées à Marignane, le GIGN travaille également sur des véhicules quasi dédiés à l’assaut des avions, mais qui pourront également être utilisés pour mener un assaut au deuxième ou au troisième étage d’un bâtiment. […]