Jean de Saint-Chamas a été l'un des plus proches collaborateurs de Jean Ousset. Il a fondé et animé le Centre d'Etudes des Entreprises.Le dernier numéro de l'Appel de Chartres lui donne la parole au sujet de l'économie divine :
"Pour comprendre l'enseignement social de l'Eglise, il est nécessaire de se replacer dans la perspective de l'Economie Divine, de l'action de Dieu dans sa Providence. Dieu est le bien infini. Il est l'auteur et la source de tous les biens (Jcq 1, 17). Il est le « bonum diffusivum sut », c'est à dire qu'il est Amour, communication de biens, don de Lui-même à ses créatures. Il veut se communiquer et communiquer des biens qui sont en Lui.
Dieu donne l'être : c'est son acte créateur. Mais Il ne se contente pas de donner à ses créatures d'exister, il leur donne aussi la dignité d'agir par elles-mêmes, le pouvoir d'être causes et principes les unes des autres, et de coopérer à son dessein divin (CEC, 306). Aux hommes, Il donne le pouvoir d'être causes intelligentes et libres, ministres et collaborateurs de sa Providence, pour la distribution des dons qu'il veut faire parvenir à chacun. Il leur fait même un commandement de s'acquitter de cette mission de charité, de faire fructifier les talents reçus pour les mettre au service du prochain, et c'est sur ce point qu'il les jugera au dernier jour (remarquez que le jugement, sur le critère du don au prochain, suit et complète la parabole des talents : « c'est bien, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup… J'avais faim et tu m'as donné à manger… J'étais seul, malade, étranger, et tu ne m'as pas visité » (Mt 25, 14-45). Là est le fondement et la source de la communauté humaine et de la vie sociale, et aussi leur finalité (CEC 1880).
A l'opposé de l'individualisme égalitaire, l'Eglise reconnaît que Dieu nous a créés interdépendants (CEC 306-307, 340, 357), qu'il nous accorde ses dons, immatériels et matériels, par des médiateurs qui, ici-bas, sont l'Eglise, nos parents, nos enseignants et nos supérieurs, notre Patrie et les communautés où nous vivons, notre conjoint, les personnes que nous voyons, les institutions qui nous régissent et influencent nos comportements. En effet, Dieu, dans sa sagesse, a voulu que chacun put recevoir d'autrui ce qui est nécessaire à son développement physique et moral. « En venant au monde, l'homme ne dispose pas de tout ce qui est nécessaire au développement de sa vie, corporelle et spirituelle. Il a besoin des autres… Les « talents » ne sont pas distribués également… Ces différences appartiennent au plan de Dieu, qui veut que chacun reçoive d'autrui ce dont il a besoin… : quant aux biens temporels, je les ai distribués avec la plus grande inégalité, et je n'ai pas voulu que chacun possédât tout ce qui lui était nécessaire, pour que les hommes aient ainsi l'occasion, par nécessité, de pratiquer la charité les uns envers les autres, et qu'ils fussent mes ministres pour la distribution des grâces et des libéralités qu'ils ont reçues de moi » (CEC 1936-1937 et sainte Catherine de Sienne, dialogue I, 7).
Voila l'économie du don et de la gratuité. Ce que j'ai, je l'ai reçu, donc je le dois à qui n'a pas. Avoir, savoir, pouvoir, c'est pour pratiquer la charité ! « Lire, dans la foi, les dons et les talents reçus de Lui » (Christifideles Laici, 58), les accueillir avec reconnaissance et pitié, les faire fructifier et, nous faisant à notre tour ministres de ses dons, les mettre au service de ceux qui en ont besoin, tel est la vie de charité envers Dieu comme envers nos prochains, la source et le moteur de la vie sociale et économique. Elle nous est rendue plus aisée ou plus ardue, selon que les communautés sociales et les institutions temporelles dont nous vivons aident ou font obstacle à cette communication mutuelle des biens en quoi consiste la charité : «pour que les institutions favorisent l'exercice de la vertu au lieu d'y faire obstacle» (Lumen Gentium, 36, CEC 909, 1888, 1895)."