Dans le nouveau numéro de L’Homme Nouveau, Alain Chevalérias revient sur l’idée, pas si farfelue, de Donald Trump d’acquérir le Groenland :
[…] Pour comprendre, il faut regarder une carte. Pas celle à laquelle nous sommes accoutumés, qui prend l’Europe pour centre du monde, mais une carte dont le milieu serait le pôle nord. D’un côté nous voyons l’Amérique du Nord, de l’autre, la Russie. Entre les deux, l’océan Glacial Arctique et les mers froides avec, en plein cœur, le Groenland.
Or, dans cette région du globe, le réchauffement climatique permet d’ouvrir des routes maritimes jusqu’ici rendues inutilisables par les glaces la plus grande partie de l’année. Pour les marines commerciales comme pour les marines de guerre, c’est une aubaine. Moscou s’intéresse à ces nouvelles possibilités et inquiète du même coup Washington qui se sent menacé dans sa périphérie nordique. Dans ce cadre, pour les États-Unis, le Groenland apparaît comme un poste avancé face à la Russie.
Du reste, l’intérêt des Américains pour le Groenland n’est pas nouveau. À deux reprises, ils ont fait des propositions d’achat. La dernière en 1946, sous le président Harry Truman, pour 100 millions de dollars. En outre, depuis 1941, l’armée américaine dispose sur l’île d’une base militaire de 10 000 hommes à Thulé. Celle-ci était très active pendant la guerre froide.
Mais, outre le réchauffement climatique et l’activité russe autour du pôle, il y a une autre raison à la mobilisation de Washington autour du Groenland : la Chine. Dans le cadre d’un appel d’offres pour l’extension des capacités aéroportuaires du Groenland, la « China Communications Construction Company » (CCCC) fait figure de favorite avec cinq compagnies européennes. Aussi bien les États-Unis que le Danemark, dont le Groenland fait partie, craignent l’entrisme de Pékin et le passage de l’île sous son contrôle.
Certes, on n’en est pas encore là mais la situation peut vite devenir alarmante. En effet, en droit, le Groenland appartient au Danemark. Néanmoins, les 57 000 habitants de l’île bénéficient depuis 2009 d’un régime « d’autonomie renforcée » voté par référendum. Derrière les mots, on sent que l’idée d’indépendance n’est pas loin.
Comme pour rendre le dossier plus explosif, sur le plan économique Washington a engagé une partie de bras de fer avec Pékin. Or, il faut savoir que l’industrie américaine de haute technologie est dépendante des « terres rares », des métaux précieux dont la Chine a le quasi-monopole de production. Du moins jusqu’à aujourd’hui car, dans les environs de la ville groenlandaise de Narsaq, on a découvert ce qui semble être le plus grand gisement mondial de ces « terres rares ».
En clair, le Groenland est devenu l’endroit le plus convoité de la planète et celui qui en prendra le contrôle deviendra le maître du monde. On peut dire Trump maladroit, mais certainement pas idiot !