Questions à Guilhem Golfin, philosophe et directeur du Collège St Germain:
- Vous organisez ce samedi 18 juin, dans le cadre des activités du Collège Saint Germain, une journée d’étude consacrée à l’eugénisme. Pourquoi un tel sujet aujourd’hui ?
Cette journée d’étude est très exactement organisée en commun avec l’ECLJ. En ayant eu l’idée, j’ai aussitôt demandé à Gregor Puppinck s’il souhaitait y participer. Il a non seulement accepté mais aussitôt proposé d’aider à l’organiser, ce dont je le remercie vivement. C’est une aide précieuse pour le Collège Saint Germain, encore embryonnaire, mais dont j’espère développer régulièrement désormais l’activité de recherche, qui est sa raison d’être.
Pourquoi l’eugénisme, qui pourrait paraître aujourd’hui une pratique du passé ? En fait, si nous sommes loin de nos jours de l’eugénisme triomphant et ouvertement revendiqué d’il y a un siècle, l’eugénisme n’a pas disparu. Il est passé comme à l’arrière-plan, caché derrière les politiques malthusiennes, qui elles sont très largement promues, mais avec lesquelles l’eugénisme a des affinités évidentes. Sa manifestation la plus directe de nos jours est à chercher dans la sélection de factoopérée par les techniques artificielles de reproduction, et la pratique très largement diffusée de l’avortement, lequel n’est pas réductible à une pratique de sélection des individus mais y contribue objectivement.
- Quels problèmes pose l’eugénisme ?
Il pose des questions philosophiques et morales évidentes et aiguës, quant au pouvoir que l’homme s’octroie sur lui-même, c’est-à-dire certains hommes sur une partie de leurs semblables, au nom de “la science“, du “bien-être“ ou de la “liberté“ de certains, mais aussi et surtout d’intérêts financiers colossaux. Au-delà, il y va d’une conception de l’homme dont la signification ultime est une négation de l’imago Dei, et du caractère à ce titre sacré de l’homme. L’eugénisme est ainsi solidaire d’une conception athée de la vie, qui le déborde, car cette conception trouve à s’exprimer de plusieurs façons, mais dont il a été et demeure l’un des aspects et soutiens. Historiquement, l’eugénisme est l’une des facettes de ce que l’on peut nommer l’idéologie moderne. Son effacement à la suite des crimes nazis a été très relatif : ainsi que le fait très justement remarquer l’historien de la biologie André Pichot, dans La société pure, l’eugénisme n’a fait l’objet d’aucune condamnation au tribunal de Nuremberg, ni de déclaration de la part de l’Unesco, à l’instar du racisme. Et ce alors même que les premières mesures d’éradication en Allemagne ont visé des handicapés allemands, et obéissaient à une logique eugéniste et non raciste. Mais condamner officiellement l’eugénisme aurait impliqué trop de monde dans une large part des pays occidentaux, avant tout parmi les biologistes. De sorte que l’eugénisme pose aussi la question complexe de la place et de l’autorité dans nos sociétés de ce qui se revendique comme science. Question qui, sous des aspects en partie autres, n’a de cesse de se poser à nous aujourd’hui encore.
Le dossier est donc immense. Le but de notre journée est d’en présenter certains des principaux problèmes, d’un point de vue historique et philosophique, et ainsi d’attirer l’attention sur ce sujet et ses diverses implications.