Dans le nouveau numéro de L’Homme Nouveau, Rémi Fontaine publie une nouvelle contribution sur le communautarisme catholique. Extrait :
[…] Des sociologues comme Guillaume Cuchet ou Jérôme Fourquet l’ont assez répété : les catholiques ne sont plus qu’une infime minorité, même si elle demeure créative. De son côté, Yann Raison du Cleuziou nous a bien expliqué comment, pour se perpétuer et durer, les catholiques observants ont besoin, en sus de leurs propres paroisses, de communautés temporelles et autres réseaux autonomes explicitement confessionnels (écoles, scoutisme, médias…). Mais pour ne pas se replier sur eux-mêmes dans un communautarisme de mauvais aloi, ils ont également besoin de s’adresser aux autres, de s’ouvrir à eux non seulement dans un message missionnaire (spirituel et confessionnel) mais aussi dans une action politique à destination universelle (par nature aconfessionnelle).
Pour le dire autrement, si en chrétienté les institutions confessionnellement catholiques étaient souvent pour tous (infidèles et incroyants compris) à cause de leur respect du droit naturel et de la liberté religieuse, les institutions aconfessionnelles mais conformes au droit naturel ne sont pas aujourd’hui exclusives des catholiques ! Cette apparence d’inversion copernicienne n’est pas contradictoire, au sens où loi naturelle et loi surnaturelle proviennent du même Dieu. Elle souligne simplement, hélas, la perte d’influence de la loi évangélique et la réduction des catholiques à cette faible minorité. Laquelle minorité, cependant, peut encore être politiquement réformatrice, avec d’autres, sous l’angle du bien commun temporel ouvert à la loi surnaturelle, comme le bon sol à la semence, dans la mesure d’une juste soumission et donc d’un retour au réel. […]
Selon Leonardo Lugaresi, la question fondamentale que nous devrions nous poser à l’égard des premiers chrétiens n’est pas : « Comment ont-ils fait pour conquérir l’Empire romain ? » mais bien : « Comment ont-ils fait pour vivre en chrétiens dans un monde qui ne l’est pas encore ?… », en milieu hostile ? Cela vaut aussi pour les « derniers »chrétiens ! Non pas : « Comment conquérir l’empire séculariste ? » mais :« Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus ? » C’est la question que pose Rod Dreher dans son fameux livre si disputé sur Le Pari bénédictin.
Un sain et légitime « communautarisme chrétien » est objectivement fondé dans la réalité. Ordonné au bien commun de la nation, dans cet équilibre vital entre l’enfouissement et l’identité, la dispersion et le regroupement, il ne correspond évidemment pas aux caricatures qu’on en fait habituellement, le comparant par exemple à l’entre-soi des végans ou des mormons ! « Au lieu d’un château fort dressé au milieu des terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetées dans le ciel », disait Maritain. […]