Pour La Vie, Jean Mercier relate le voyage de Benoît XVI en Allemagne. A le lire, il semble que le journaliste a été conquis par le style "Benoît XVI" :
"Benoît XVI s'est quand même bien défoulé hier à Fribourg. Un peu comme un père de famille, une fois par an, balance une droite à l'un de ses pré-ados un peu pénibles. Le Saint Père administré une correction sévère aux deux groupes qui, outre-Rhin, agrippent le bord de sa soutane pour faire valoir leurs revendications... Il a collé une bonne claque et flanqué une belle fessée.
La claque est pour les protestants. Elle s'est présentée de manière indirecte, lorsque le pape a rencontré les représentants des Eglises orthodoxes, à Fribourg. Il a commencé ainsi son discours : « Je repète volontiers ce que j'ai dit ailleurs : parmi les Eglises et les communautés chrétiennes, l'Orthodoxie est théologiquement la plus proche de nous; catholiques et orthodoxes ont tous deux la même structure de l'Eglise des origines. Nous pouvons espérer ainsi que ne soit pas si loin le jour où nous pourrons de nouveau célébrer l'Eucharistie ensemble ». Annoncer, le lendemain du discours aux autorités de l'EKD (l'Eglise protestante allemandes), que le jour de l'intercommunion avec les orthodoxes est proche, voilà qui est un affront. La participation à la table eucharistique commune est l'attente commune des protestants allemands, notamment dans un pays où les mariages mixtes abondent, mais la chose est « strikt verboten » du point de vue de Rome. La phrase du pape a tourné en boucle sur toutes les radios allemandes, comme s'il s'agissait d'un scoop, ce qui ne faisait qu'humilier davantage l'EKD…
Il 'agit d'autant plus d'un affront qu'à Erfurt, la veille, le pape a rappelé que l'oecuménisme n'était pas un sport diplomatique où l'on se rencontre entre partenaires. Une façon de dire : je reste le pape de l'Eglise universelle, vous n'êtes que les protestants allemands. On ne joue pas dans la même cour. Le lendemain de sa prestation au couvent de Martin Luther, les grands titres des journaux soulignaient donc la déception des héritiers de Luther. Ils attendaient du pape un geste fort – notamment quelque chose autour de l'intercommunion – et ont finalement reçu une leçon désagréable, puisque le pape leur a dit qu'ils n'étaient pas assez fidèles à la pensée originale de Luther, en mettant de côté la question du péché, et en ayant oublié son inquiétude envers le salut. En d'autres termes, le pape leur a expliqué qu'ils ont trahi leur fondateur…. Dur à avaler. Même si deux amis pasteurs réformés que j'ai interrogés depuis m'ont confié que le pape n'avait pas tort sur le fond… […]
Par des sources vaticanes, j'ai appris que le pape a longuement médité son discours aux protestants. Alors que les autres textes du voyage allemand étaient écrits et traduits depuis longtemps, il a bossé sur ses deux discours destinés aux protestants – dont le premier a été dit à huis clos- toute la journée qui a précédé son départ. Sa procrastination montre que, jusqu'au bout, il s'est battu avec le sujet… Fallait-il, ici en Allemagne, donner cette correction aux frères de la Réforme ? « Klarheit und Wahrheit », me répond un confrère de la presse allemande. Clarté et vérité. Selon lui, il vaut mieux un coup d'arrêt brutal que de continuer à nourrir des rêves d'une facile réunification entre les Eglises catholiques et protestantes, qui ont trop duré depuis 40 ans et qui n'ont produit que des aigreurs. […]
Après la baffe, la fessée… Elle a été administrée par Benoît XVI au Comité Central des catholiques allemands, le ZDK. Un énorme mouvement qui réunit les laïcs partisans du christianisme social, dont beaucoup sont très engagés sur le terrain politique. Le patron du ZDK, Alois Glück, monte régulièrement au créneau pour réclamer des réformes dans la structure de l'Eglise – particulièrement l'ordination d'hommes mariés. Fidèle à son style – poigne d'acier dans un gant de satin – le pape a corrigé ses trublion avec une sorte d'humour noir au second degré. Fait peu courant, il a nous a raconté une petite histoire à la mode des Lettres Persanes de Montesquieu. Mais quand un homme aussi fin que le pape prend ce détour littéraire, ça peut faire très mal… Benoit XVI est parti d'une réalité très « tendance » qui consiste, pour les riches, à aller chez les pauvres du tiers monde pour voir le monde avec leurs yeux et changer de lunettes : ça s'appelle, nous explique le pape, le programme « exposure » (notons au passage la pointe d'ironie en direction du jargon humanitaire anglo-saxon, lequel doit prodigieusement l'énerver…) « Imaginons-nous qu'un tel programme exposure ait lieu ici en Allemagne. Des experts provenant d'un pays lointain viendraient vivre pour une semaine auprès d'une famille allemande moyenne. Ici, ils admireraient beaucoup de choses, par exemple le bien être, l'ordre et l'efficacité. Mais avec un regard non prévenu, ils constateraient aussi beaucoup de pauvreté : pauvreté pour ce qui concerne les relations humaines et pauvreté dans le domaine religieux ». Le pape fait ensuite un diagnostic assez sévère de l'individualisme et aussi le « relativisme subliminal qui pénètre tous les domaines de la vie. Parfois, ce relativisme devient batailleur, se dirigeant contre des personnes qui affirment savoir où se trouve la vérité ou le sens de la vie ». Entre d'autres termes, les catholiques eux-mêmes se sont laissés gagner par l'esprit de rébellion, contre Rome. Il est vrai que le ZDK s'est toujours implictement compris comme un contre-pouvoir face à la hiérarchie.
La « correction » paternelle a été cruelle lorsque le pape a reproché indirectement au ZDK de ne s'intéresser qu'à sa propre réussite institutionnelle, et de ne pas être suffisamment branché sur l'extérieur. « En Allemagne, l'Eglise est organisée de manière excellente. Mais derrière les structures, se trouve-t-il aussi la force spirituelle qui leur est relative, la force de la foi en un Dieu vivant ? Sincèrement, nous devons cependant dire qu'il existe un excédent de structures par rapport à l'Esprit. J'ajoute : la vraie crise de l'Eglise dans le monde occidental est une crise de la foi. Si nous n'arrivons pas à un véritable renouvellement de la foi, toute réforme structurelle demeurera inefficace. » En clair, cessez vos meetings (une passion allemande, je peux en témoigner), quittez vos bureaux, arrêtez de chercher le pouvoir interne à l'Eglise : sortez dehors pour parler de Jésus et rentrez en vous mêmes par la prière et les sacrements. La leçon ne peut être que dure pour cette élite du catholicisme social volontiers autosatisfaite, mise devant la pauvreté de son rayonnement spirituel. « Le pape veut en finir avec l'aspect mondain du ZDK » me confie un observateur."
crockett
Excellent, cela fait plaisir à entendre, car personnellement je me suis toujours senti plus proche des orthodoxes que des protestants qui sont fourbes à mon goût.
Dalet
Pour résumer ce très bon résumé, je dirai que le Saint Père a utilisé les expressions en vogue après Vatican II pour remettre les laïcs catholique dans le droit chemin de la véritable tradition qui n’est ni la sclérose ni la Révolution mais la compréhension toujours plus grande de la révélation divine dont l’Église est la gardienne. Ce “teuton” a décidément beaucoup d’humour. Viva el Papa !
Nicolas
Le fond de l’article est peut être correct, le vocabulaire est des plus stupide (“Baffe”, “fessée”, “balancer une droite”, “On ne joue pas dans la même cour”) et serait plus que probablement renié par le pape s’il lisait “La vie” ou “Le salon beige”.
A mon humble avis, Benoît XVI, est beaucoup trop intelligent et bon pour avoir envie de relancer les guerres de religions ou la guerre de trente ans (plusieurs millions de morts) !
Pitch
Jean Mercier ose quand même écrire en fin d’article, au sujet des solutions proposées par Benoît XVI : “On peut y voir un hommage à Mgr Albert Rouet, qui a mis en place à Poitiers une vie micro-communautaire”.
Ben voyons… Quand on voit avec quelle rapidité le Vatican a accepté la démission du prélat pour limite d’âge (cf http://www.perepiscopus.org/divers/la-demission-de-mgr-rouet-a-ete-acceptee-sans-delai ), on a du mal à croire à cet hommage.
VD
Coup classique de réthorique d’un article progressiste intelligent et tordu : très bon article à 95 % mais à la fin il dit que Mgr Rouet et l’Emmanuel c’est la même chose ! En fait le journal “la Vie” est en train de vouloir draguer l’Emmanuel pour essayer de détourner ce courant de Benoit XVI. Et ce n’est pas le premier essai… Mais on est pas dupe : “la Vie” c’est le journal “le Monde” et ce journal c’est le courant militant homosexuel !
Coligny
la fessée à l’E.K.D. est bien méritée d’autant que le Pape a rendu hommage à Martin Luther dont l’enseignement est bien oublié dans le protestantisme allemand…
SD-Vintage
“« Klarheit und Wahrheit », me répond un confrère de la presse allemande. Clarté et vérité. Selon lui, il vaut mieux un coup d’arrêt brutal que de continuer à nourrir des rêves d’une facile réunification entre les Eglises catholiques et protestantes, qui ont trop duré depuis 40 ans et qui n’ont produit que des aigreurs.” : ce serait bien de faire la même chose avec la Turquie à propos de son adhésion à l’Europe.
Sinon, d’accord avec Nicolas :
“Rédigé par : Dalet | 26 sep 2011 09:35:48
Le fond de l’article est peut être correct, le vocabulaire est des plus stupide (“Baffe”, “fessée”, “balancer une droite”, “On ne joue pas dans la même cour”) et serait plus que probablement renié par le pape s’il lisait “La vie” ou “Le salon beige”.
A mon humble avis, Benoît XVI, est beaucoup trop intelligent et bon pour avoir envie de relancer les guerres de religions ou la guerre de trente ans” :
le Pape a salué le travail des bénévoles de l’Eglise allemande.
e
@ Coligny
Un subtile hommage qui mettait surtout les protestants face à leurs contradictions! (mais aussi les catholiques “tièdes”): magistrale leçon du Successeur de Pierre pour l’église Universelle.
Artemis
Quelle joie d’entendre B16 dire tout haut ce que je pense tout bas! Je n’aurais été pas aussi violente dans l’interprétation que ce blog fait des discours de B16 mais c’est vrai qu’il a d’abord rappelé que les contestataires feraient mieux de s’appliquer à eux-mêmes la contetation. Et c’est tout aussi vrai en France. Pdc
chouan 12
Du bon Benoît XVI comme d’habitude.
Jean Theis
L’excédent de structures n’existe pas seulement dans l’Eglise : il se retrouve partout où les choses vont mal: gouvernement, médecine, éducation, associations, etc.
Millions de comités Théodule, d’observatoires, d’assoces …
Que de temps passé par les prêtres dans ces structures au détriment de leur paroisse.
yf
à crockett : les protestants “qui sont fourbes à mon goût” ? et les Musulmans ? et les Juifs ? et les Corses ?
sans blague, ce genre de propos général n’apporte rien.
crockett
@yf
N’ est-il pas dit dans le credo ;” Je ne reconnais qu’une seule Eglise, catholique et apostholique ” . Cela résume tout, mais Benoit XVI ne parle ni des juifs ni des musulmans ici. Quant aux Corses, eux au moins tiennent à leur religion catholique et le font savoir.
Bien cordialement,
SAURAT
MERCI POUR LES CORSES
MILLE BRAVO POUR LE SAINT PERE ET POUR LE SAINT ESPRIT QUI L’INSPIRE