En exclusivité, votre blog publie l'allocution du nouveau père abbé de Notre-Dame de Fontgombault, prononcée le 7 octobre dernier (l'homélie de Mgr Maillard, archevêque de Bourges, est en ligne) :
« Une chose qu'au Seigneur je demande, la chose que je cherche, c'est d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, de savourer la douceur du Seigneur, de rechercher son palais» (Ps. 27, v. 4).
Excellences, mes Très Révérends Pères, bien chers Prêtres, chers Frères et Soeurs, mes très chers Fils.
Alors que la cérémonie suggestive de la bénédiction abbatiale s’achève, les paroles du psalmiste me reviennent à l’esprit. Dieu a répondu à notre prière en ces instants plus proches du ciel que de la terre. Oui, nous savourons la douceur du Seigneur, Oui, nous habitons sa maison, Oui, nous voyons sa bonté. Pour tant de bienfaits reçus comment remercier notre Créateur, si ce n’est en prenant à nouveau chacun notre bâton de pèlerin, cheminant à la suite du Christ dans le concret de la vie, assuré de la fidélité de Dieu, jusqu’au jour où se révèlera enfin pour chacun d’entre nous son visage.
Aux temps de Gombault et de Pierre de l’Etoile, aux jours de gloire de l’Abbaye Royale comme dans la désolation de ses ruines, restant fidèle à son sanctuaire, Marie est demeurée l’Abbesse de céans. L’antique statue de Notre-Dame de Toutes Grâces (aujourd’hui dénommée Notre-Dame du Bien-Mourir), insigne témoin des temps de notre première jeunesse reste le gage de l’alliance. La Vierge immaculée, la glorieuse Reine du ciel, la Reine du rosaire n’a pas cessé de chanter avec ceux qui ont usé leur vie en ces murs son cantique de simplicité, de vérité et d’amour. Qu’elle continue à faire de ce monastère un joyeux foyer de vie mariale, un paradis d’enfance spirituelle, de simplicité dans la liberté des enfants de Dieu, une source jaillissante et intarissable d’eau vive où tous peuvent puiser, une éternelle fontaine d’amour, Fons amoris comme le rappelle la devise du monastère. Comme à Lourdes, à l’Île Bouchard, à Pontmain ou à la Salette, puissent tous ceux qui habitent ou passent en ce lieu croiser le regard aimant de Celle qui est notre étoile, Notre-Dame, Marie.
Notre pensée se tourne maintenant vers le Saint Père. Sa bénédiction nous touche et nous rappelle à notre devoir de piété filiale. Fils de saint Benoît, nous le sommes parce que nous sommes fils de l’Église. Dans une Europe aux mains des barbares et des petits chefs, saint Benoit s’est fait le promoteur d’une société fondée sur les valeurs évangéliques. Tout en demeurant moine, le saint patriarche a donné aux peuples aux moeurs encore sauvages de découvrir la beauté de la vraie vie proposée par le Christ. Les graines monastiques semées de ci, de là ont contribué à la fondation de l’Europe et de sa culture. A la suite de saint Benoît dont il a pris le nom, le pape, « simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur », se fait infatigable coopérateur de la vérité au sein d’un monde qui veut renier son propre passé. Qu’il soit assuré de notre gratitude, de notre prière et de notre soutien.
Chaque diocèse constitue une famille, et la cérémonie que vous avez présidée ce matin, Excellence [Mgr Maillard, archevêque de Bourges, NDMJ], où vous m’avez obtenu du ciel l’effusion des grâces de la paternité spirituelle, en est la preuve. Nombres de prêtres, de religieux et religieuses du diocèse ont tenu à s’unir à vous pour marquer ce lien spirituel. Au nom des moines de Fontgombault, je veux vous en remercier. Le 11 septembre 2007, le pape Benoît XVI vous a nommé à la suite de saint Ursin, pasteur des habitants de la terre du Berry « Afin qu’ils aient la vie en abondance. » Croyez bien que les moines de l’abbaye de Fontgombault, bien que retirés du monde et aux confins de votre grand diocèse partagent votre sollicitude pastorale et vous assurent de leur prière.
Monseigneur Éric Aumonier, honorant les liens d’une amitié fidèle avec l’un d’entre-nous qui l’unissent depuis longtemps à notre communauté monastique et se souvenant qu’il m’a enfanté il y a 13 ans à la vie sacerdotale, a voulu être parmi nous ce matin. Je vous en suis profondément reconnaissant. Malgré les années, la Vendée est un pays qu’on n’oublie pas et qui n’oublie pas. Je remercie Monseigneur Alain Castet, évêque de Luçon, de sa présence. Des liens anciens aussi, nous lient à Monseigneur Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, d’autres très récents avec Monseigneur Rogelio Livieres, évêque de Ciudad del Este au Paraguay. Que tous sachent que nous portons leur diocèse dans la prière en demandant particulièrement que le Seigneur envoie des ouvriers nombreux à sa moisson. Nous sommes également très honorés de la présence parmi nous de Monseigneur Antoine de Rochebrune, vicaire régional de l’Opus Dei pour la France.
Très Cher Père Abbé Antoine, un Abbé n’est rien sans ses moines et la paix d’une communauté est un don sans prix pour l’Église. Comme successeur de Dom Jean Roy et durant presque trente quatre ans, vous avez travaillé à la tête de cette abbaye à promouvoir la recherche authentique de Dieu, Ad superna semper intenti, l’unité des coeurs et des esprits et la paix. Le Seigneur a de façon évidente béni votre oeuvre dans les quatre fondations que vous avez menées à terme. Sans relâche, vous avez puisé dans les textes sacrés du nouveau et de l’ancien, vous nous avez enseigné la doctrine monastique bénédictine dans la fidélité à la tradition solesmienne héritée de Dom Guéranger, de Madame Cécile Bruyère et de Dom Delatte et implantée sur les bords de la Creuse par Dom Édouard Roux en 1948. Dans les périodes difficiles traversées par les sociétés et l’Église, beaucoup de prêtres et d’amis sont venus chercher des repères auprès de vous. Depuis quelques années enfin, vous avez été l’orfèvre patient qui avec abnégation a préparé, en vue des évènements de ces dernières semaines, les coeurs de tous et de chacun et en particulier de celui que vous pressentiez devoir vous succéder. Devant tant de bienfaits reçus à travers votre service et devant notre indigence, nous ne pouvons que demander au Seigneur qui sait le prix de ses dons qu’il acquitte toute dette.
Mes Très Révérends Pères, soyez remerciés d’être venus m’entourer de votre fraternelle sympathie. C’est au Très Révérend Père Abbé de Solesmes que vont en premier lieu ces remerciements. Vous portez dans un dévouement inlassable, le poids d’une congrégation répartie maintenant sur trois continents et dans une dizaine de pays. C’est en recherchant et en goûtant les choses d’en haut selon la tradition monastique et contemplative reçue de Solesmes que nous pourrons vous exprimer au mieux notre reconnaissance. La présence des Pères Abbés des fondations de Fontgombault nous rappelle la joie et la souffrance de ces naissances monastiques et nous cause une particulière action de grâces, permettez-moi également d’exprimer plus particulièrement au Très Révérend Père Abbé de Donezan, mon ancien Père maître, mon affectueuse gratitude pour les années aimables passées au noviciat à la recherche de Dieu seul par le chemin de l’espérance. Notre souvenir rejoint aussi les Très Révérends Pères Abbés que la distance ou les obligations ont empêchés de venir mais qui sont unis à nous par la prière.
Ma pensée s’envole aussi vers tant de clôtures où des moniales bénédictines, carmélites, ou franciscaines et bien d’autres prient pour nous. C’est avec joie que nous voyons parmi nous un bon petit nombre de Servantes des pauvres.
Les nombreux prêtres, membres du clergé séculier et régulier, les prêtres des paroisses environnantes, les missionnaires, les religieux et religieuses, sont les témoins des liens spirituels qui existent entre les monastères, les missionnaires, le clergé séculier et les instituts de vie consacrée. Tous savent l’intérêt que nous leur portons, notre joie à les recevoir au monastère où ils trouveront toujours, avec l’accueil le plus fraternel, les conditions de la prière et du recueillement si nécessaires.
A Monsieur le Préfet et Monsieur le Sous-préfet, aux autorités civiles et militaires, vont ma gratitude pour leur présence. Chacun à notre place, nous voulons contribuer au bien commun de la société. Notre vie de moine est par sa radicalité, le signe qu’il est impossible de sauver l’homme en dehors du plan de Dieu, des valeurs naturelles inscrites par lui dans le coeur et dans le corps humain et tout particulièrement celle d’un respect intangible de la vie humaine de sa conception à sa fin naturelle. A la suite du Saint Père, des évêques, nous voulons militer avec vous et à notre manière pour un authentique développement durable de l’humanité. Je salue monsieur le maire de Fontgombault, auquel j’associe les maires des communes voisines ainsi que tous leurs collaborateurs en les priant de vouloir bien agréer l’assurance de ma reconnaissance, de celle des moines et de nous tous pour le zèle qu’ils ont déployé afin de nous permettre d’accueillir tant d’amis et pour les rapports si cordiaux qu’ils ont à coeur d’entretenir avec l’abbaye.
Merci à vous, chers oblats, amis et bienfaiteurs si dévoués. Votre sympathie nous est chère ; elle nous aide aimablement et généreusement, en même temps qu’elle est une marque vivante de votre foi et confiance en la bienfaisance de notre vie de moines pour le rétablissement en notre pays des valeurs humaines et chrétiennes. Comment ne pas mentionner les paroissiens des Sables-d’Olonne qui ont tenu à faire le voyage et tout particulièrement ceux qui ont donné de leur temps pour rendre possible et organiser ce déplacement. Je suis également très touché par la présence d’anciens élèves du Lycée Stanislas qui malgré leurs contraintes professionnelles ont fait le voyage. Nombreux sont, là aussi, ceux qui nous sont unis par la prière. A tous, je veux dire un grand merci. Dieu vous a mis sur le chemin de ma vie comme une icône de son propre visage, afin de me mener selon ses voies.
La belle vertu de piété filiale m’amène à vous remercier mes très chers parents. Si le Seigneur a de bien des manières oeuvré pour préparer son serviteur, c’est d’abord par vous. Dans le témoignage quotidien d’un foyer uni où l’on priait, à l’école de Notre-Dame de Lourdes si souvent visitée, vous m’avez appris à aimer Dieu, Marie et l’Église. Pour ce don inestimable qu’il m’est impossible de mesurer et a fortiori de rendre, que Dieu acquitte toute dette et qu’il vous garde. Que le Seigneur bénisse aussi les autres membres de ma famille qui au mépris des kilomètres, de la maladie et des fatigues ont tenu à nous rejoindre. Vous demeurez toujours dans ma prière.
J’en viens à vous, mes chers fils. Dieu use de nombreux moyens pour nous conduire à lui. Dans la vie monastique, le plus commun est celui de la vie fraternelle vécue au sein de la communauté. Tous depuis plus de vingt ans consciemment ou inconsciemment, vous avez contribué à l’oeuvre divine. Je vous en remercie. Le soin tout filial, dans un dévouement sans borne, apporté à faire de ce jour comme le témoignage de votre foi en la paternité abbatiale est pour un jeune Père Abbé un précieux gage de votre fidélité. Le chemin, aujourd’hui ne fait que commencer à nouveau mais le but que nous assigne saint Benoît demeure toujours le même : « Chercher Dieu ». Grâce à votre esprit monastique, à votre amour pour l’opus Dei, oeuvre première et principale de la vie monastique, puissions-nous tous ensemble être pour le monde des passionnés de Dieu, et derrières nos murs de véritables évangélisateurs.
Enfin conscient que tout est don gratuit et que si un jour le Seigneur daigne me prendre dans son Ciel, j’y arriverai les mains vides, permettez-moi de redire pour conclure cette vieille prière à Notre-Dame du bien mourir :
Gente Vierge ! Vous êtes la belle escarboucle, vous êtes la verte émeraude, la fleur de mai. … Je vous supplie … que de moi souvenance Vous veuillez avoir, lorsque l’heure douteuse S’approchera de la mort rigoureuse, Qu’alors par votre clémence Vous soyez ma défense. (1466)