Le 29 décembre 2019 le doyen André Decocq est mort à 87 ans.
Sa brillante carrière de juriste est connue: doyen de la Faculté de droit de Lyon, il succéda à Robert Vouin à la chaire de droit pénal de la Faculté de droit de Paris en 1974, puis innova dans le droit européen et de la concurrence dont il fut l’expert international réputé. Son engagement politique l’a conduit de la responsabilité des jeunes RPF de Lyon, et plus tard du SAC et de l’UNI, à la présidence du MIL, adoubé par l’amiral Philippe de Gaulle et le général de Boissieu, le gendre du général. On connaît moins la portée de l’action confidentielle de cet homme secret.
Au début de son mandat, le Président Pompidou redoutait la répétition d’un mouvement de type « mai 68 » dont les conséquences économiques auraient été fatales pour la France. Déjà la subversion minait le pays. L’action déterminée de l’UNI, qui dépassait pourtant largement l’enceinte universitaire pour s’étendre à d’autres secteurs, et même à l’armée, ne suffisait plus. Il fallait confier à un homme d’expérience, ayant déjà obtenus des résultats probants, la mission de fédérer l’existant, d’innover en trouvant les réponses adaptées aux nouvelles formes de menace. Le choix du Président se porta sur André Decocq. Hélas dans un premier temps, l’industriel qui s’était porté volontaire pour obtenir les financements disparut dans ce qu’on appela un accident d’hélicoptère, faute d’établir avec certitude l’origine du sinistre. Puis le Président Pompidou s’enfonça dans la maladie, jusqu’à son décès en avril 1974. Le mouvement gaulliste se déchira et André Decocq se consacra à la recherche dont les nombreuses publications témoignent de la fertilité.
Nouvel épisode historique en 1990. L’ancien officier, et ancien ministre, Jean-Jacques Beucler, lui même prisonniers des Viets pendant cinq ans au Camp N°1, démasque le bourreau de ses camarades: Boudarel. Catholique renégat, séminariste défroqué, ce militant communiste, professeur de philosophie, sur ordre du Parti déserte de son poste en Indochine et rejoint le Viêt-minh qui d’abord l’affecte à la propagande à la radio puis le nomme commissaire politique adjoint au Camp 113. Sa mission est de briser moralement et physiquement les officiers français prisonniers et de les contraindre au reniement. Les résultats sont infimes mais pas les conséquences de ses tortures: la mortalité est supérieure à celle des camps d’extermination nazis.
C’est là qu’André Decocq joue un rôle historique. Il veut avec quelques amis et les survivants du Camp 113, non seulement obtenir la condamnation de Boudarel pour crime contre l’humanité mais faire reconnaître le Communisme comme un crime contre l’humanité « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». Sa consultation historique donne les preuves en droit de son affirmation. Il s’appuie notamment sur le deuxième arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Barbie. Il obtient l’assentiment des magistrats et Boudarel est mis en examen pour crime contre l’humanité. La bataille secrète continue. Si le communisme est reconnu comme un crime contre l’humanité, c’est toute la respectabilité et la puissance du marxisme-léninisme qui s’effondrent. Alors comme dans un roman de Volkoff apparaît l’arme suprême du chantage. On dit que le Parti Communiste dépêcha l’un de ses illégaux, lui aussi juriste éminent, auprès du Président Mitterrand qui ne pouvait pas l’éconduire puisqu’il travaillait auprès de lui. On dit que le Président fut menacé de révélations terribles concernant son passé s’il n’empêchait pas que la procédure continuât. Ce qui est sûr, c’est que la Cour de cassation se renia par rapport à sa jurisprudence et que Boudarel ne fut jamais poursuivi,si ce n’est par les militants de la Ligue Communiste qui se relayèrent pour assurer sa sécurité jusqu’à sa mort. Curieusement le Président Mitterrand décida de s’expliquer sur un sujet alors tabou en se confiant à Pierre Péan qui publia Une Jeunesse Française en 1994. Peut-être une façon de limiter les dégâts.
André Decocq continua sa mission. Il joua un rôle décisif auprès de l’armée française très affectée par le lâche abandon de la poursuite de Boudarel. Avec le général de Boissieu et de Pierre Mesmer, il fonda l’association de soutien à l’armée qui remplit un discret travail d’accompagnement et d’écoute et de relai sur l’opinion publique.
Cet humaniste engagé se porta toujours volontaire pour rejoindre d’autres nobles causes. Quand certains de ses amis de l’UNI renouvelèrent le combat contre l’avortement, ce qu’on appela les commandos anti-ivg, il les rejoint, dans son domaine, le droit, dans son métier, l’explication. Il rédigea de nombreuses consultations et ouvrit les portes de Matignon à la présidente de la Trêve de Dieu. Avec succès.
Plus récemment, il s’était prononcé contre la dénaturation du mariage.
Ainsi fut André Decocq.
(merci à TF)