Libération sait choisir ses héros et ses causes avec la tranquillité d’esprit des consciences satisfaites d’elles-mêmes. Les exemples abondent.
Dans son numéro du 6 mai 2020, juste avant la fin de la période de confinement total, c’est le Professeur Delfraissy qui avait l’honneur du portrait de dernière page :
Les compliments s’enchaînent dans un long dithyrambe :
« A 72 ans, il a un magnifique parcours de grand médecin. Nous le suivons depuis près de trente ans. C’est une des personnalités les plus justes du monde de la santé ; immunologue respecté ; compétence apaisante et volonté de combattre la fatalité ; Jean-François Delfraissy est ainsi, toujours là, debout, imprenable, résistant à tout ».
Ce grand médecin au magnifique parcours donc est président du Comité consultatif national d’éthique. Il avait été nommé en 2016 par François Hollande « uniquement parce qu’il savait qu’il rendrait un avis favorable sur la PMA [sans père] » et confirmé pour un nouveau mandat par E.Macron [sans doute pour la même raison, c’est utile pour un progressiste de pouvoir compter sur quelqu’un à l’éthique souple].
Il a en effet donné toute la mesure de sa vision de l’éthique dans un entretien du 3 mars 2018 avec Valeurs Actuelles :
- A propos de la PMA sans père, face à des besoins de l’enfant qui n’auraient pas changé, il objecte : « Mais si la vision de la société a changé ? Si les besoins de la société ont changé ? »
- A propos d’éventuelles lignes rouges éthiques : « Les lignes rouges sont relatives, elles aussi».
- A propos de son rôle à propos d’un bien et d’un mal : « Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal, et vous avez de la chance si vous le savez vous-même ! En tout cas, le CCNE n’est pas là pour indiquer où se trouvent le bien et le mal… Je refuse d’être celui qui définit le bien et le mal».
- Et enfin : « Il y a de grandes valeurs immuables, mais je maintiens que la notion de valeur absolue est quelque chose de difficile à porter et que l’avis de l’opinion pèse. Je pense que le CCNE n’a pas le droit de trancher ».
Il préside aussi le magnifique Conseil scientifique mis en place par E.Macron début mars 2020 pour le conseiller dans la gestion de la crise sanitaire. Il est certain que cette institution –temporaire- manquait dans la panoplie de toutes les structures de santé publique que nous avons eu la joie de découvrir au cours des mois écoulés. Le Pr Delfraissy a accepté cette charge à condition que les avis de ce conseil soient rendus publics. Et là, il tranche. A tel point que, de temps en temps, on s’est demandé s’il ne s’est pas pris pour le Président de la république lui-même.
- Rioufol rappelle le 16 avril que le conseil annonçait de 300 000 à 500 000 morts en France en l’absence de mesures d’endiguement dans un article au nom évocateur : « La France gagnée par la pensée bavarde».
- Dans Le Figaro du 20 avril, M.Baverez rappelait « les déclarations du Pr Jean-François Delfraissy qui, saisi par la démesure et outrepassant les limites de sa fonction de président du Conseil scientifique, a annoncé devant le Sénat la poursuite de l’obligation de confinement après le 11 mai pour 18 millions de Français».
- Jusqu’à un entretien, le 7 juin 2020, dans le Journal du Dimanche où, après avoir été le chantre d’un confinement strict, le Professeur Delfraissy déclare fièrement : « Laissons les gens vivre» ! Amenant le journal Le Point à se poser la question : A quoi joue le Pf Delfraissy ? en rappelant qu’il « s’était prononcé en avril en faveur d’une fermeture des établissements accueillant des enfants jusqu’au mois de septembre. « C’est une décision politique », avait-il vertement commenté après l’annonce d’un déconfinement des écoles le 11 mai ».
- Etrangement, on ne se rappelle aucun avis tranché de ce Conseil scientifique concernant le port du masque, bien que, dans le même entretien au JDD du 7 juin (donc après la bataille, en réalité), le Dr Delfraissy précise : « Nous recommandons une large utilisation dans les lieux publics et confinés – transports, commerces -, mais aussi dans les rues bondées. Le masque nous protège et protège les autres». Il faudra prévenir le ministre de la Santé et le Professeur Salomon.
C’est dans ce Conseil scientifique et dans son président que M.Macron a mis longtemps toute sa foi pendant la période de la crise sanitaire :
- Le 12 mars 2020, lors de son adresse aux Français: « Un principe nous guide pour définir nos actions, il nous guide depuis le début pour anticiper cette crise puis pour la gérer depuis plusieurs semaines et il doit continuer de le faire : c’est la confiance dans la science. C’est d’écouter celles et ceux qui savent. J’ai réuni aujourd’hui, avec le Premier ministre et le ministre de la Santé, notre comité scientifique de suivi ».
- Le 16 mars 2020 lors d’une nouvelle adresse aux Français: « Chacun d’entre nous doit à tout prix limiter le nombre de personnes avec qui il est en contact chaque jour. Les scientifiques le disent, c’est la priorité absolue ».
- A mi-avril, Le Figaro rapportait que M.Macron avait déclaré au Point assumer « totalement» le choix d’avoir maintenu le premier tour des élections municipales : «Si le Conseil scientifique m’avait dit que les maintenir mettrait la santé des Français en danger, je ne les aurais pas maintenues» a-t-il déclaré.
- Il y a aussi ce tweet du ministre de la Santé lui-même qui explique que son rôle est, somme toute, celui du petit télégraphiste : transmettre l’information donnée par les scientifiques.
C’est beau l’humilité.
Et sur ces entrefaites, voilà que réapparaît le bon docteur Raoult. Il était auditionné par la commission d’information sur la gestion de la crise du COVID-19 de l’Assemblée nationale le 24 juin. Il est en particulier interrogé sur sa participation fugitive à ce fameux Conseil scientifique. Voilà le verbatim de sa réponse :
« Vous me demandez pourquoi je ne suis pas resté dans le conseil scientifique. C’est parce que je considère que ce n’était pas un conseil scientifique. Et que je ne fais pas de présence, pas le temps. Je sais ce qu’est un conseil scientifique. Moi j’ai un conseil scientifique pour l’IHU, je vous assure qu’il fait rêver le monde entier.
Un conseil scientifique, pour moi, c’est pour donner des conseils scientifiques, déterminer quels étaient les projets scientifiques. Ce n’était pas à nous de réfléchir sur le confinement, personne ne sait répondre à ça. Les discussions qu’il y avait dans ce conseil scientifique ne me concernaient pas.
Moi je veux bien parler de science, je veux bien parler de médecine. Si on avait abordé ces questions ! Quand j’ai appris que les essais avaient été déterminés en-dehors de tout conseil scientifique, les projets scientifiques lancés par le ministère de la recherche se sont faits hors le conseil scientifique : donc ce n’était pas un conseil scientifique. Je ne sais pas ce que c’était. Moi, le premier conseil scientifique que j’ai dirigé, c’était en 1989. Et j’en ai dirigé dans ma fac, au ministère de la recherche en 1993. Un conseil scientifique, ce n’est pas une bande de types qui ont l’habitude de travailler entre eux et qui discutent en disant : « et toi, qu’est-ce que tu en penses, qu’est-ce que tu en penses ? ».
Pour moi un conseil scientifique c’est des données, des données, des données, puis qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Et qu’est-ce qu’on propose de pratiquer maintenant pour faire de la science et pour faire de la médecine. J’ai dit, si vous voulez vraiment faire un conseil scientifique, je vous donne les dix noms des types qui connaissent le mieux le coronavirus en France. Il n’y en avait aucun dans le conseil scientifique….
Dans ce conseil scientifique, j’étais un OVNI, un extra-terrestre. Il n’y avait pas de compatibilité génétique entre nous. C’était un groupe qui se connaissait entre eux, qui travaillait depuis des années ensemble, c’était le groupe Reacting-INSERM, qui avait des idées très précises, qui avait déjà déterminé ce qu’il fallait faire. Je ne suis pas un homme de réunion, je suis un homme de données ».
Quel crédit accorder aux affirmations du Dr Raoult ? Trois points paraissent incontestablement démontrés :
1) La consanguinité d’affect et d’affaires entre les membres du Conseil scientifique. Il suffit de lire l’article très documenté que l’hebdomadaire Marianne a publié le 18 mai Discovery : les experts français qui cherchent un traitement contre le Covid sont-ils sous l’influence des labos.
On y explicite ce nom de REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases), initiative française comme son acronyme l’indique clairement pour un consortium multidisciplinaire (comme le conseil scientifique) diligentée dès 2013 par l’Inserm (vous savez, l’institut de recherche qui était dirigé par M.Yves Lévy, le mari de Mme Buzyn) et donc créé par M.Lévy et M.Delfraissy.
Le président de REACTing est le Docteur Yazdan Yazdanpanah, cité par le Pr Delfraissy lui-même, dans le même article de Libération :
«Avec Yazdan, nous avons monté Reacting, en 2013, un consortium scientifique pour relever le défi des crises épidémiques».
Le Dr Yazdanpanah est en même temps (retenez votre souffle) membre du Conseil scientifique, membre du Comité analyse, recherche et expertise créé le 24 mars 2020 afin de conseiller le gouvernement Philippe dans la lutte contre la pandémie de maladie contre le coronavirus et constitué de douze personnalités scientifiques [Il est encore certain que cette institution –temporaire- manquait dans la panoplie de toutes les structures de santé publique que nous avons eu la joie de découvrir au cours des mois écoulés…], expert auprès de l’OMS (y compris pour des pistes de recherche contre le COVID-19) au sein duquel il préside le GloPID-R (GloPID-R est un réseau chargé d’orienter rapidement les financements mondiaux en cas d’épidémie, une institution à la fois alliance de groupes scientifiques et bailleur de fonds mondial, auquel participe par exemple la fondation de Bill Gates), coordinateur du Projet Discovery qui allait nous montrer de quel bois se chauffait une vraie étude randomisée avec méthode et vraie rigueur scientifique tout en ayant siégé au conseil d’administration de Gilead (septembre 2014-juin 2016), firme pharmaceutique ayant constamment poussé l’usage de son produit, le remdesivir, contre le COVID-19.
Au total, Marianne constate qu’au sein du Conseil scientifique, seuls deux participants n’ont pas de liens directs avec le consortium REACTing. Et par ailleurs, France Soir publie le Top 13 du classement des revenus récents versés par l’industrie pharmaceutique dans un article du 24 juin intitulé « Revenus versés par BigPharma. A partir de 12 on a un foyer épidémique de conflits d’intérêts? ») et dans lequel est confirmé le poids de la firme Gilead.
Voilà pour la « bande de types habitués à travailler entre eux » (Dr Raoult).
Terminons en retenant que le député LR Julien Aubert, membre de la mission d’information de l’Assemblée nationale, a déclaré jeudi 25 juin sur Franceinfo que la commission d’enquête de l’Assemblée va chercher à
« savoir si, dans la composition du Conseil scientifique, il y a eu un biais, c’est-à-dire qu’on n’a pas véritablement pris des gens venus d’horizons différents, mais déjà une équipe qui avait, finalement dès le début, une idée très préconçue du médicament qu’il fallait. »
Deuxième critère d’analyse : Des idées préconçues très précises sur les traitements. Au-delà de ce qui est déjà rapporté plus haut, ajoutons que dans le projet Discovery, l’utilisation de l’hydroxychloroquine a d’abord été écartée, puis intégrée le 22 mars mais sans l’antibiotique azithromycine (comme recommandé par le Pr Raoult).
Troisième critère d’analyse : « données, données, données ».
Les données du Dr Raoult ayant été très critiquées, le projet Discovery a été créé pour fournir des données indiscutables. On garde en mémoire l’influence du Dr Yazdanpanah sur le choix des traitements…
Le projet voit le jour dans ses grandes lignes à fin janvier 2020, présenté lors d’une conférence de presse par le Dr Yazdanpanah.On se rappelle la conférence de presse tenue le 19 avril par M.Philippe, dans laquelle (et malgré le confinement) était intervenue le Dr Florence Ader, infectiologue à Lyon, et coordinatrice de l’étude. Tout était sur les rails pour ce projet majeur et pan-européen. Nous sommes à début juillet. On attend toujours des résultats, donc des données.
Alors, bien sûr, on a eu les données du fameux article du Lancet le 21 mai 2020. Rendez vous compte : 96 000 cas étudiés de 671 hôpitaux sur les cinq continents, une mise hors-jeu définitive de l’hydroxychloroquine ! Le ministre de la Santé saisit immédiatement le Haut Conseil de la Santé Publique qui, bien sûr, va interdire son usage (à nouveau, après la décision de janvier 2020 ; on ne s’y retrouve plus…) ! Sauf que l’on sait que ce n’était que du big data à l’état pur, du jeu d’analyse de données souvent non pertinentes et de significations hétérogènes sinon falsifiées et que l’article a été retiré.
Alors, peut-on reprocher au Pr Raoult ses remarques sur le Conseil scientifique ? Bien sûr, ce n’est pas le Dr Yazdanpanah qui le préside, c’est le bon Dr Delfraissy. Qui a été rhabillé pour l’hiver.
Toujours dans l’article de Libération, le Dr Delfraissy expliquait aussi : «Je l’ai dit, je m’interdirai de voir mes petits-enfants jusqu’à septembre ». Mais, ça, c’était avant le « Laissons les gens vivre ». Alors, que va-t-il décider finalement ?
D’un autre côté, le Dr Delfraissy est catégoriquement prêt à accepter que des enfants soient ontologiquement privés de père. Ses petits-enfants peuvent certainement être encore privés de leur grand-père pendant quelques semaines. D’autant plus que, pour reprendre le vocabulaire des soutiens à la PMA sans père, les référents grand-paternels abondent certainement, peut-être même parmi les grand-mères…
LANASPRE
La medecine Française celle, que “le monde entier” nous envie!! La claque demographique medicale post covid que ce pays va connaitre est stratospherique. En effet,fort à parier que les quelques 12000 retraités actifs (>65 ans) vont raccrocher leurs stethoscopes fissa ….
F. JACQUEL
Une analyse de la mafia des mandarins français stipendiés par les lobbies pharmaceutiques dont l’objectif est l’asservissement de l’ensemble de la population mondiale par une vaccination obligatoire succédant à une campagne d’étouffement anxiogène. Campagne destinée à faire perdre toute capacité de jugement et de réaction aux futurs esclaves de l’oligarchie ploutocratique à la tête d’un pouvoir planétaire.
Collapsus
“Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal”. Professeur, vous pouvez ne pas reconnaître le droit naturel mais vous devez vous conformer au moins au droit positif. Sinon pourquoi vous arrêtez-vous au feu rouge, pourquoi ne volez-vous pas au supermarché, pourquoi ne liquidez-vous pas pas votre voisin trop bruyant ? Le bien et le mal, c’est au moins ça à défaut d’une éthique personnelle transcendante que vous semblez ignorer.
Comment peut-on alors vous faire confiance dans l’exercice de votre fonction si vous déclarez ignorer le bien et le mal ? Ce n’est pour nous qui avons de la chance de savoir où est la frontière entre ses deux notions, c’est vous qui risquez de fondre rapidement dans le malheur si vous persistez dans cette négation forgée par votre orgueil.
Philippe de Geofroy
Le bon Dr Raoult s’est aussi beaucoup contredit, c’est mieux que de persister dans l’erreur !
DUPORT
Insinuations gratuites et malveillantes
Dites vous cela de vous même ou d’autre vous l’ont-il dit ?
sivolc
Avez-vous des exemples de ses contradictions? La pensée du Pr Raoult est complexe ( en anglais articulate) et on peut prendre pour des contradictions des nuances d’appréciation. Il a notamment toujours refusé de faire des prédictions quand il manquait de données pour en faire. Il a pu ensuite en faire peu à peu au fur et à mesure que l’arrivée des données lui permettait d’en faire.
Bernard Mitjavile
Un portrait très réussi
F. JACQUEL
J’ai un lourd passé hospitalier (16 opérations dont 13 sous anesthésie générale et une à cœur ouvert).
J’en tire la conclusion suivante : depuis Molière, le monde de la médecine française n’a pas évolué dans sa relation avec les patients (dans tous les sens du terme). Par définition, le patient n’y connaît rien et le médecin est infaillible. À de rares exceptions près, d’autant plus méritantes, le patient est noyé sous un discours non sous-titré en français, donc complètement abscon. Il capitule devant cette logorrhée verbale et, en cas de réactions négatives aux traitements ou opérations effectués, ce n’est pratiquement jamais le médecin qui est poursuivi et encore moins condamné.