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Pays : Arménie

Arsen Lokyan forme les futurs fonctionnaires de l’Arménie

Arsen Lokyan forme les futurs fonctionnaires de l’Arménie

Première partie de notre trilogie : La politique en Arménie

De notre envoyés spécial Antoine Bordier

Depuis qu’il est devenu recteur de la PAARA, l’équivalent de l’ENA, Arsen Lokyan a développé ses talents de dirigeant et de diplomate. Il n’appartient à aucun parti politique, et, dans la crise politique actuelle qui secoue son pays, depuis la défaite militaire en Arsakh, il ne souhaite qu’une chose : la réconciliation. Eclairage sur un homme qui forme les futurs fonctionnaires de l’Arménie.

Comparer l’ENA et la PAARA, la Public Administration Academy of the Republic of Armenia, n’a aucun sens ou presque. D’un côté, vous avez un pays avec une population de près de 70 millions d’habitants, et, de l’autre un pays de moins de 3 millions. D’un côté, vous avez 6 millions de fonctionnaires, toute institution publique et para-publique confondue, et, de l’autre, un peu moins de 200 000. L’ENA, pour faire court, serait, cependant, la grande sœur de la PAARA.

« Nous avons des liens très importants avec l’ENA, explique Arsen Lokyan. Il faut rappeler qu’en 1990, lors de la déclaration de l’Indépendance, suite à la chute de l’ex-URSS, et le 21 septembre 1991 lors du référendum, la République d’Arménie fut proclamée. Nous avions besoin de structurer notre nouvel Etat, et, surtout de le moderniser. Nous nous sommes rapprochés de l’Etat français, de l’ENA, de Sciences Po à Aix, de Lille, et, de l’Union Européenne. Aujourd’hui, nous travaillons étroitement avec une cinquantaine de partenaires. Nous n’avons jamais été seuls. »

La PAARA a été créée en 1994, avec le soutien technique du programme TACIS de l’Union Européenne. Arsen Lokyan en est devenu le recteur 17 ans plus tard. 

Un CV impressionnant

A 49 ans, Arsen est marié et à deux enfants. C’est un scientifique. Avec un doctorat en psychologie, des études de médecine en neurologie, et, en prophylactique, à Erevan, il a enrichi son cursus à l’Académie militaire de médecine de St Pétersbourg. Au départ, rien ne le destinait à une carrière académique. Sa carrière, il la démarre en 1996 comme médecin militaire. En 2007, il intègre comme expert le service de contrôle du Premier ministre. Puis, ce sera la Présidence de la République, à un poste équivalent. Il est, aussi, professeur et donne des cours de psychophysiologie. Remarqué par ses pairs et sa hiérarchie pour son expertise, son excellence (il a été plusieurs fois major de sa promotion), il devient recteur de la prestigieuse académie en juin 2011. Il fêtera ses 10 années de rectorat dans quelques mois. Il n’aime pas parler de lui. Sa timidité et son humilité semble trancher avec sa carrure massive de rugbyman. Finalement, c’est un grand serviteur de l’Etat. Comme il le dit lui-même,

« j’ai toujours voulu servir mon pays. J’ai toujours voulu avoir un impact positif pour mon pays. Ma question a toujours été : comment améliorer le fonctionnement de ses organisations ? Cela ne peut se faire que si vous êtes exigeant avec vous-même et que vous fassiez confiance à votre équipe. Il faut, aussi, la former, développer des projets innovants et être visionnaire ».

Une formation et des chiffres clés

Aujourd’hui, l’académie est structurée avec 70 collaborateurs qui administrent, gèrent, forment plus de 700 étudiants au niveau Master.

« Nous avons, aussi, plus de 150 professeurs affiliés, qui viennent régulièrement donner des cours et des conférences. Notre formation continue est très importante, elle concerne chaque année plus de 3000 stagiaires. Les matières enseignées comprennent les matières suivantes : l’administration, les finances, le droit, les sciences politiques, la psychologie. »

En Master, la durée des études est de deux ans et demi. Le recteur, qui est autonome en matière de fonctionnement, travaille au sein d’un bureau exécutif. Il a côtoyé des personnalités comme Christine Lagarde, quand elle était présidente du conseil d’administration de Sciences Po-Aix. Le bureau, c’est l’organe de direction de l’académie.

« Je trouve très importants pour le fonctionnement de l’académie d’être entouré de toutes les parties prenantes, comme celui de l’Etat, du gouvernement, et, des autres institutions publiques majeures ».

Parmi leurs enseignants, certains travaillent auprès des ministères, du Premier ministre, et de la Présidence de la République d’Arménie.

La Francophonie à l’honneur

Arsen Lokyan ne parle pas le français, mais il est très francophone, voire francophile. Il se rend en France tous les deux ans ou trois ans.

« Pour nous, la France, c’est un peu notre seconde patrie. Nous avons des enseignants qui viennent de France, notamment dans le cadre du partenariat avec Sciences Po-Aix. Nous avons développé des conventions et des partenariats d’échange. En 2014, nous avons envoyé nos étudiants pour faire leur stage à Marseille. La France est et restera une référence en ce qui concerne la formation des fonctionnaires et des futurs hauts-fonctionnaires. Nous avons des cours pour apprendre le français, et, nous avons une bibliothèque de livres en français. »

Pendant le 17è Sommet de la Francophonie, qui avait lieu en 2018 à Erevan, Arsen se souvient des échanges qu’il a pu avoir avec des délégations africaines : « Ce sommet a été l’opportunité de les rencontrer. » Chaque année la PAARA participe à la semaine de la francophonie qui se tient en mars.

« La Francophonie s’exprime, aussi, à travers nos bienfaiteurs. Certains vivent en France et gardent des activités en Arménie. Je pense en particulier à Monsieur Yezeguelian, qui s’implique dans la vie de l’académie. Nous avons une fondation, et, il y participe chaque année. Il a même financé une salle de cours. »

Une vision entre modernisation, réconciliation et solidarité

Au-delà des chiffres clés de l’académie et de son organisation, au-delà de la Francophonie, le recteur, qui n’appartient à aucun parti politique, évoque le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

« La dernière guerre a été une guerre de territoires. C’est, aussi, une guerre ethnique. Elle nous renvoie au génocide de 1915. Après la défaite, nous devons nous tourner vers l’avenir et construire la paix, la consolider. »

Ses ancêtres ont été victimes de la barbarie turque. C’est une pierre angulaire dans l’ADN de chaque arménien. De cette blessure, de ces épreuves il en est sorti plus fort, plus innovant, plus visionnaire. Il ne le cache pas,

« l’académie est très innovante. Nous avons développé notre plate-forme administrative et pédagogique digitale. Elle s’appelle EBUH. Tout le processus des formations y est décliné. Nous avons, aussi, un MBA en distanciel. C’est un peu comme Klassroom et Moodle. »

Cette académie qui forme « les futurs fonctionnaires, hauts-fonctionnaires, ministres, premiers ministres, et, présidents de l’Arménie », il veut la positionner pour qu’elle soit une référence que l’on consulte.

« Nous sommes face à un enjeu important, explique-t-il, qui est civilisationnel. Nous devons mettre toutes nos énergies, tous nos talents pour trouver des moyens et construire notre avenir. »

Pour cela, le recteur compte sur ses propres forces, celles de l’Arménie, mais, également, sur ses amies, comme la France.

Texte et photos réalisés par notre envoyé spécial Antoine BORDIER

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