Partager cet article

L'Eglise : Léon XIV / Pays : Liban

Au Liban, le Pape Léon XIV a revêtu sa tenue de pèlerin et de père

Au Liban, le Pape Léon XIV a revêtu sa tenue de pèlerin et de père

De notre Envoyé spécial Antoine Bordier, auteur, biographe et consultant :

Il est sur tous les ponts. Il lui manque juste son bâton de pèlerin pour signifier encore plus qu’il vient au Liban en « pauvre et en pèlerin ». Lui, le religieux de l’ordre de Saint-Augustin, qui en fut le prieur de 2001 à 2013, n’a rien oublié de son ordre mendiant. Aujourd’hui, il a enchaîné les écoutes, les exhortations, les hommages, les prières, et les temps de partage fraternel, tel un coureur de fond. Son message principal, qu’il ne cesse de répéter depuis deux jours, avec un français parfait :

« Pour le monde, nous demandons la paix. Nous l’implorons tout particulièrement pour le Liban et pour tout le Levant. »

Reportage aux pas du pèlerin : du monastère Saint-Maroun, ce matin à Annaya, en passant par Notre-Dame du Liban, ce midi à Harissa, jusqu’à la rencontre œcuménique et inter-religieuse à 16h20, place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth.

« Je me suis levé à 5h00 du matin, pour être sûr d’arriver suffisamment tôt sur place », raconte Naji Farah, qui dirige une agence de voyage au Liban. « Oui, pour moi, c’est important d’être là, de participer, et de vivre cet évènement historique exceptionnel. Le Liban attendait ce moment depuis 10 ans. » Ce matin, en partant de Beyrouth, il arrive sur place, finalement, un peu avant 8h00. Il se gare à 2,5 km du monastère, et termine à pied, en empruntant, également, une navette. Il gravit la montagne qui monte jusqu’à 1200 mètres. L’air est frais, il fait moins de 15°. Les nuages sont de retour. La pluie est au rendez-vous, telle une fiancée parée pour son fiancé. Les pèlerins pavoisés de leurs drapeaux aux couleurs du Liban et du Vatican s’agglutinent de plus en plus tout au long du parcours, du dernier kilomètre. Ils sont plusieurs milliers.

Myriam, une jeune maman trentenaire, est accompagnée de son mari et de son fils qui porte le prénom de Charbel. « Nous avons tout prévu, contre le froid et la pluie », dit-elle. « Nous venons de Byblos, de Jbeil. » En terminant sa phrase, de nouvelles gouttelettes tombent du ciel. La pluie est fine, fraîche, une vraie bénédiction. Nous sommes à 10 mètres du portail du célèbre monastère où saint Charbel passa l’essentiel de sa vie monastique et érémitique. Avant d’attirer à lui la foule des hommes.

Le saint de l’Amour et du Vivre-Ensemble

Saint Charbel est méconnu des Français. Mais les Libanais le connaissent tous, sans exception, quelque soit leur religion. Quand on met les pieds la première fois dans l’enceinte de ce monastère perché sur son rocher, nul ne peut être indifférent au lieu. Un véritable havre de paix, comme si le doigt de Dieu avait touché cette roche pour en faire couler une source sainte qui ne s’est jamais tarie depuis.

A 1200 mètres d’altitude, les parfums des hauteurs se multiplient et attirent le pèlerin enivré. Sait-il que Youssef Makhlouf, en 1851, à l’âge de 23 ans, quitte tout sur la pointe des pieds et se rend au monastère de Notre-Dame de Mayfouk. Il parcourt dans la journée les 40 km qui séparent son village, Bqaa Kafra, du monastère. Il n’a rien dit. Sa mère, devenue veuve, n’est même pas mise dans la confidence. Ils mettront plusieurs jours avant de savoir où il s’est réfugié. Lors de leur dernière entrevue, à son insistance maternelle de le voir et de l’embrasser, le déjà saint prononce cette phrase christique terrible : « Ma mère … Nous nous reverrons et nous nous embrasserons au Ciel. » Un an plus tard, il entre à Annaya et se nomme désormais Charbel. Après avoir prononcé ses vœux, il devient prêtre en 1859. Puis, mystique authentique, marchant sur les pas des Pères du Désert, il demande, en 1875, à vivre comme un ermite. Direction l’ermitage Saint Pierre et Saint Paul, qui se situe à 200 mètres du monastère, caché dans les bois. Il meurt en 1898. Sa mort est, en fait, une nouvelle naissance où les évènements, les guérisons, les miracles et les phénomènes surnaturels se multiplient… jusqu’à nos jours !

Arrivée du Pape Léon XIV à Annaya

Alors que la pluie a repris de plus belle, Naji qui est là depuis deux heures pense à ses activités touristiques dans le sud, celles de Tyr et de Sidon. « Espérons que ce temps de paix que nous vivons depuis trois jours deviendra durable. Il faut que le tourisme reprenne. Nous sommes prêts. Le Pape est une bénédiction. Regardez toutes ces familles, tous ces visages… » L’homme ne vit pas seulement de pain !

Naji ne termine pas sa phrase. Les cloches du monastère se mettent à tintiller. Au loin, on entend des sirènes de la police, et l’on peut apercevoir les premières voitures du cortège du pape qui arrivent. Des chants de bienvenue s’entonnent. La foule qui était devenue silencieuse, à cause sans doute de la pluie et de l’émotion vécue, s’éveille. Les drapeaux volent et virevoltent dans les airs. Les applaudissements fusent. Près du clocher de l’église du monastère, des snipers de l’armée de terre viennent de prendre place. Le pape arrive. Il est là, le pèlerin en blanc, dans sa papamobile blindée. Assis, il salue, se tourne d’un côté, puis de l’autre. La voiture s’arrête devant les grilles grandes ouvertes. Il descend et se rend directement à l’intérieur du monastère, accueilli par le Président de la République, Joseph Aoun, et son épouse, Neemat. Il est 10h17, direction la tombe de l’ermite. Le pape a rendez-vous avec le saint !

Le message du Pape

A genoux devant sa tombe qui a été fleurie de fleurs blanches, le pape prie, tel un pèlerin. Le silence est total ; il rappelle celui du saint. Il se remplit du chant des anges. Puis, il se relève, toujours dans le silence, et rejoint dans la crypte-chapelle des figures de l’Eglise : le Cardinal Patriarche Béchara Boutros Raï, le Cardinal Pietro Parolin, Mgr Piergiorgio Zanetti, Mgr George Ayoub, Mgr, Edgard Ivan Rimaycuna Inga, etc. Il s’assoit et écoute attentivement le mot d’accueil du nouveau supérieur général de l’ordre des Maronites, le père abbé Hady Mahfouz.

« Très Saint Père, Grâce, sur grâce, nous ne cessons de recevoir de la plénitude de notre Seigneur Jésus-Christ… D’abord, la grâce de saint Charbel, le saint du Liban, dont l’intercession continue d’illuminer les âmes et de répandre sur le monde les merveilles du Ciel. Et voici une nouvelle grâce : celle de Votre présence, Très Saint Père. »

Puis, c’est au tour du pape de délivrer son message. Il commence par évoquer le saint qui a vécu « caché, silencieux, et dont la renommée s’est répandue dans le monde entier. »

Il continue sous la forme d’une exhortation douce et humble :

« Le Saint-Esprit l’a façonné, afin qu’il enseigne la prière à ceux qui vivent sans Dieu, qu’il enseigne le silence à ceux qui vivent dans le bruit, qu’il enseigne la modestie à ceux qui vivent dans le paraître, et qu’il enseigne la pauvreté à ceux qui recherchent les richesses. »

Son propos, il le prononce en français, comme s’il voulait rendre hommage à ce peuple de France si proche du peuple du Liban, si proche de Dieu. Les deux peuples sont frères. Son français est élégant et touchant.

 

La prière de saint Charbel

Sa visitation au monastère se termine par la prière de saint Charbel :

Ô Dieu, qui as donné à saint Charbel,

gardien du silence dans la vie cachée,

d’être éclairé par la lumière de la vérité

pour scruter les profondeurs de ton amour,

accorde-nous, qui suivons son exemple,

de mener dans le désert du monde

le bon combat de la foi,

et de marcher joyeusement

à la suite de ton Fils Jésus-Christ.

 

Que ton serviteur, qui a vécu dans le secret de la prière

et a vaincu les tentations par les armes de la pénitence,

nous montre la grandeur de ta miséricorde,

qu’il nous enseigne le silence des mots

et la force des gestes qui peuvent ouvrir le cœur.

Qu’il nous obtienne de Jésus-Christ, qui nous a libérés de tout mal,

la santé du corps et de l’esprit

et intercède toujours pour nous,

afin que nous puissions avoir part avec les saints au Royaume éternel.

À toi la gloire et la louange,

Père, Fils et Saint-Esprit.

 

Le pèlerin en blanc à Harissa

Il repart du monastère vers 10h55, montre en main. Direction Notre-Dame du Liban à Harissa. Là, dans la très belle basilique de verre, il prend un nouveau bain de foule avec des évêques, des prêtres, des responsables et des laïcs de la communauté ecclésiale. Le président et son épouse l’ont précédé. Ils sont encore présents. Ne seraient-ce pas eux, finalement, les « pèlerins » ?

Au-dessus de Jounieh, la ville la plus proche de Beyrouth, au nord, le ciel bleu rayonne désormais. Comme si cette rencontre où l’écoute du pape va être sollicitée était des plus importantes. Oui, le pèlerin en blanc écoute des témoignages de laïcs, de prêtres et de religieuses. L’une d’entre-elles témoignent : « Je n’ai pas fui lorsque la guerre a éclaté. A ce moment-là, j’ai tout donné au Seigneur. » On voit l’émotion gagner le visage du pape.

Les témoignages se multiplient. C’est au tour du Pape Léon XIV de s’exprimer. Il n’est pas venu les mains vides. Il est venu avec une Rose d’or qu’il remet à Notre-Dame du Liban. Puis, il prend la parole en évoquant à nouveau l’Esprit Saint : « L’esprit dans lequel nous nous efforçons de vivre chaque jour, est l’amour. »

Il repart, ensuite, vers la Nonciature où il déjeune.

L’œcuménisme et le dialogue inter-religieux au coeur

Vers 16h00, la Place des Martyrs, à Beyrouth, est totalement bouclée. La sécurité est à son maximum. Les dignitaires et invités commencent à arriver. Les 18 confessions religieuses formant la mosaïque libanaise prennent place. Derrière la statue des Martyrs, une grande tente est dressée. Elle peut accueillir 300 personnes.

A 16h23 le pape arrive à son tour. Il a l’air détendu, souriant. Parmi les interventions des différentes personnalités religieuses, retenons celle du patriarche des Syriens catholiques, Mar Ignace III Younan :

« La visite d’aujourd’hui a pour but de construire la paix et la stabilité dans la région, en particulier au Liban, petit sur la carte mais grand par son message, son rôle et sa mosaïque islamo-chrétienne. »

Une heure plus tard, c’est le representant du Conseil supérieur chiite, le CSC, le cheikh Ali el-Khatib, qui s’exprime devant l’homme en blanc : « Nous sommes heureux, en cette occasion, de vous accueillir et nous apprécions votre visite dans notre pays ainsi que vos positions en cette période difficile que traverse le Liban. »

Tous ont au Coeur les mots de paix et de vivre-ensemble qui résonnent à plusieurs reprises dans cette enceinte de toile que l’on pourrait appeler : « La tente de la rencontre ».

Le Pape Léon XIV continue à écouter. Il sourit. Il est, à la fois, pape, pèlerin et père !

Dernier jour de la visite du Pape Léon XIV au Liban à suivre…

Reportage réalisé par Antoine BORDIER

Copyright des photos A. Bordier

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services