À l’occasion d’une affaire opposant une religieuse à son ancienne communauté, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’interroge sur la nature juridique d’une cellule monastique : doit-on l’assimiler à un domicile ? Nicolas Bauer, chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), qui a émis des observations, analyse dans La Nef :
Sœur Élisabeth a appartenu quelques années à une communauté religieuse relevant de l’Église grecque catholique ukrainienne. En raison d’un conflit, elle a dû quitter le monastère. Aux yeux de son ancienne communauté et de son évêque, sœur Élisabeth n’est plus religieuse et doit être considérée sous son identité civile, Zhanna K. Pourtant, elle demande que le monastère continue de la loger dans sa cellule, et la justice ukrainienne lui a donné raison en 2023. Cette cellule serait son domicile et Zhanna K. aurait le droit de revenir y habiter.
L’affaire est aujourd’hui devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). C’est la Grande chambre, formation la plus solennelle de cette Cour, qui sera amenée à trancher la question : une cellule monastique est-elle vraiment un domicile ? Le monastère et Zhanna K. ont remis leurs observations écrites il y a quelques jours. La CEDH a également autorisé le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), organisation non gouvernementale spécialiste de la liberté de religion, à intervenir dans la procédure.
Cette affaire aura un impact sur la reconnaissance des droits des congrégations religieuses dans toute l’Europe. Derrière la question du domicile se cache celle, plus générale, du régime juridique applicable à de telles communautés. Faut-il les traiter comme de simples associations ou prendre en compte les spécificités de leur fonctionnement interne, fondé sur une doctrine religieuse ? En assimilant une cellule monastique à un domicile personnel, la justice ukrainienne a adopté un regard laïque, au risque de se méprendre sur la réalité monastique.
