Extrait de l'analyse de Franck Abed sur l'ouvrage écrit par Marieke Aucante :
"Comme elle l’écrit dans l’avant-propos, tout commence en septembre 2010 à bord d’un bateau pour « faire le tour de Fort Boyard ». Une fois le pied posé sur la terre ferme et « inconnue », son regard se pose sur une chapelle. Elle nous raconte dans le détail cette rencontre : « Par une chaude lumière d'automne, j'avise une chapelle. La porte est ouverte. J'entre. Devant l'autel, je suis saisie de frissons. Sur le sol, je lis l'inscription : ossements des prêtres martyrs. Ce sont ceux des 829 prêtres réfractaires, déportés pendant la Terreur. Ils ont croupi dans des bateaux transformés en prisons flottantes en rade de Rochefort ». Frappée d’émotion et de sentiments puissants, elle reste « plus d’une heure seule dans cet espace de silence ». Elle découvre que ces prêtres « venaient de toutes les régions de France ». Elle n’ignore pas le sort que réservait la révolution à ceux qui entendaient rester fidèles à Jésus et à Rome. Elle dit encore : « Ils (les prêtres) ont vécu l'enfer. Beaucoup n'ont pas survécu et reposent sous mes pieds ». Pendant qu’elle projette des images des pontons dans le tréfonds de son âme, elle ressent « alors un appel intérieur : l'un des prêtres prisonniers me supplie de raconter leur tragédie. Celui qui me tient la main pendant l'écriture s'appelle Augustin. Il est jeune et vient du Limousin. Il me fait partager son existence, ravagée par l'intolérance et le fanatisme ». Commence alors un véritable et sincère témoignage qui mêle espérance, charité, amitié et pardon.
Le pardon est au coeur de la doctrine catholique et de la vie des chrétiens. En effet, dans le Notre Père nous lisons : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Est-il possible de pardonner à ceux qui tuent vos parents, vos frères, vos soeurs, vos amis ? Peut-on aimer les gens qui détruisent les autels et saccagent les lieux sacrés ? Comment garder l’espoir quand tout s’effondre autour de nous ? Ce livre répond à ces questions et bien plus…
Le récit s’ouvre par un jeu d’enfants entre Augustin et son ami Nicolas – fils du seigneur local – dans le Pays d’Yriex. Dans cette contrée, ils courent, s’amusent et découvrent les joies de la nature créées par Dieu. Pour les deux amis, tout ce qui les entoure est source d’émerveillement. La suite du roman nous raconte les évènements sombres et souvent méconnus de la Terreur, ou pire passés sous silence, de manière originale. En effet, elle ne se place pas du point de vue des révolutionnaires ou des contre-révolutionnaires, pas plus que des grands personnages de l’époque tels, Danton, Robespierre, Cathelineau ou Charette. Non, elle se glisse littéralement dans la peau de l’humble paysan Augustin, qui dès sa plus tendre enfance entend l’appel de Dieu pour le servir. Celui-ci devient prêtre, puis un réfractaire déporté à Rochefort, parce qu’il refuse de signer la Constitution Civile du Clergé. Celle-ci visait à laïciser la religion catholique et à transformer les clercs en fonctionnaires républicains. Augustin n’entend pas se soumettre au despotisme révolutionnaire, même si cet acte peut lui coûter la vie. La mère d’Augustin, qui ne croit pas en Dieu, dit au cours du récit : « Je sais que mon fils ne renoncera ni à écouter le Pape, ni à suivre la liturgie séculaire ».
Comme le disait Pierre Chaunu, le grand historien de confession protestante : « La Révolution française a fait plus de morts en un mois au nom de l’athéisme que l’Inquisition au nom de Dieu pendant tout le Moyen-Âge et dans toute l’Europe ». Ainsi nous lisons tout au long du roman, les actions de haines menées par les révolutionnaires et les sévices subis par des populations qui voulaient en fin de compte vivre comme leurs ancêtres. La tornade révolutionnaire s’abat sur les catholiques : églises pillées, monastères détruits, assassinats de religieuses de prêtres de moines, profanation des reliques et autres objets sacrés. Marieke Aucante décrit avec force les ravages du fanatisme révolutionnaire et utilise des images percutantes pour montrer la folie des sans-culottes. Les révolutionnaires voulaient par tous les moyens détruire l’héritage chrétien de la France. Certains s’y sont opposés par le combat, d’autres pacifiquement. […]"