Lu sur l’ECLJ :
À l’occasion de la 44e session des Examens périodiques universels (EPU ou UPR pour Universal Periodic Review), l’ECLJ a présenté à l’ONU un rapport sur le Canada, en particulier concernant l’ouverture progressive de l’accès à l’euthanasie dans ce pays. Le dispositif désigné par l’euphémisme “d’Aide Médicale à Mourir” (AMM ou MAID pour l’acronyme en anglais) semble faire l’objet d’un contrôle de plus en plus lâche à mesure que les limites initialement imposées sont levées.
Le Canada est pourtant partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’article 6 consacre le droit à la vie «inhérent à tout personne humaine»[1] ou encore signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui indique dès l’article 3 que «tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne»[2].
La pente glissante vers une euthanasie banalisée
L’euthanasie est possible au Canada depuis 2016. Initialement encadrée, elle était strictement réservée aux majeurs atteints d’une maladie incurable dont la mort était la seule issue, capables d’exprimer leur consentement éclairé et ayant été informés des alternatives[3]. Depuis, le nombre de personnes y ayant recours n’a cessé d’augmenter[4]. Les maladies mentales étaient provisoirement exclues des conditions ouvrant à l’euthanasie jusqu’en mars 2023 et cette limite a été repoussée d’un an, mais il est clair qu’elle ne demeurera pas beaucoup plus longtemps[5]. En février 2023, un comité parlementaire a appelé à ouvrir l’euthanasie aux «mineurs matures» et ce sans le consentement de leurs parents[6]. Ainsi, l’effritement des limites censées garantir une application raisonnable d’une exception à l’interdit de tuer montre le chemin que prend inévitablement toute ouverture de l’accès à l’euthanasie : une banalisation progressive. Un tel exemple devrait mettre en garde ceux qui seraient tenter d’accepter l’euthanasie sous la garantie de limites strictes car celles-ci ne sauront être que provisoires.
Un dispositif qui inquiète jusqu’aux experts de l’ONU
L’euthanasie a d’ores et déjà été ouverte aux personnes souffrant de handicap ou de maladie chronique en 2021, en supprimant la condition d’une mort proche. La violation du droit à la vie et du respect de la dignité humaine causée par le dispositif d’AMM a même poussé le Rapporteur spécial sur le droit des personnes handicapées, l’Expert indépendant sur les droits des personnes âgées et les Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a exprimer leur préoccupation dans une lettre au gouvernement du Canada, affirmant qu’une telle loi sous-entend «qu’il vaut mieux être mort que de vivre avec un handicap»[7]. Ainsi, permettre d’euthanasier des personnes handicapées ne saurait se limiter à simplement laisser mourir ceux qui le demandent, mais instaurera une pression sociale envers les membres les plus fragiles de la société, leur faisant comprendre qu’il vaut mieux pour tous qu’ils meurent. Enfin, malgré un cadre légal, cette pratique ouvre la porte à des abus. Un patient sujet à des pensées suicidaires et hospitalisé pour cette raison fut euthanasié en 2019 sous le seul prétexte d’une perte d’audition malgré les réserves émises par sa famille et une infirmière le suivant[8]. L’euthanasie est un symptôme dramatique d’une société qui ne parvient pas ou ne souhaite plus prendre soin de ses membres ls plus fragiles. N’est-il pas ironique qu’un homme soigné pour des tendances suicidaire soit tué par ceux-là même qui l’en ont d’abord empêché ?
Ainsi, il ne peut exister d’application raisonnable de l’euthanasie qui ne porte atteinte au droit à la vie et n’aboutisse immanquablement à une atteinte à la dignité humaine. Le Canada devrait revenir sur l’autorisation de l’euthanasie et faire bénéficier ses citoyens dans le besoin des avancées de la médecine et de la technologie pour assurer des soins adaptés aux malades.