D’Augustin Yvan, responsable développement de la Fondation pour l’école, dans La Nef :
Ils sont partout. Progressivement, depuis le début des années 2000, les écrans ont envahi le quotidien des Français de tous âges et de toutes conditions, modifiant les habitudes de vie et le rapport à l’information. Brièveté, immédiateté et variété : la communication circule partout en temps réel, via une infinité de canaux différents. Un saut technologique certain, mais aussi un défi anthropologique majeur, aujourd’hui confirmé par les diverses évaluations internationales sur le niveau scolaire.
Et les résultats sont alarmants. D’une évaluation à l’autre, le niveau scolaire des élèves français ne cesse de baisser. Le 23 novembre 2024, l’IFOP publiait une étude indiquant que 90% des élèves français faisaient 15 fautes ou plus dans une dictée de 67 mots, preuve d’un niveau de lecture et d’orthographe catastrophique. En décembre, les résultats du classement TIMSS n’étaient pas meilleurs : les élèves français de CM1 et de 4e y arrivaient en dernière position de l’UE en mathématiques et en avant-dernière position en sciences. Pourtant, les enfants du monde entier affrontent ce défi des écrans ; pourquoi la France s’en sort-elle si mal, particulièrement en français ?
C’est à cette question que Michel Desmurget a voulu répondre. Le célèbre neuroscientifique et auteur de la célèbre Fabrique du crétin digital a récemment fait paraître un second ouvrage, Faites-les lire ! qui multiplie les comparaisons entre les pays et qui montre à quel point les systèmes qui encouragent la lecture et la compréhension fine tirent leur épingle du jeu. Son but : « faire reculer l’actuelle orgie d’écrans récréatifs qui fracasse l’intelligence de nos enfants » (c’était l’objectif du livre précédent) ; « réhabiliter la lecture dont les bienfaits éducatifs sont aussi profonds qu’irremplaçables » (c’est l’objet de Faites-les lire !). Un constat qui semble aller de soi… Mais qui demande pourtant une révolution majeure de nos pratiques, à la maison comme à l’école. Et un retour au bon sens et à la maîtrise de soi.
Heureusement, ce retour au bon sens pédagogique commence à trouver un écho dans le milieu scolaire. Ainsi, le développement du nombre des écoles libres, dites hors contrat, est l’une des manifestations de ce retour aux sources. Dans la plupart de ces écoles, qu’elles soient classiques, montessoriennes, proches de la nature ou à pédagogie explicite, la place laissée à la lecture est primordiale, tandis que les écrans en sont bannis. Les méthodes d’acquisition de la lecture font appel à un décodage logique, basé sur une approche syllabique de l’apprentissage ; et le travail sur la compréhension fine des textes lus y est récurrent. Ce sont sans doute ces spécificités (dans un paysage scolaire ravagé par des années de méthode globale et de promotion des écrans) qui expliquent la dynamique de ces établissements : inexistants, il y a 30 ans, ils regroupent aujourd’hui plus de 2600 écoles et environ 130 000 élèves, soit près de 4.7 % de l’offre éducative. Et ce malgré l’absence totale de soutien financier de la part de l’Etat.
Cette dynamique de fond a également son évènement annuel dédié : c’est le Salon de la Liberté scolaire. Thème de la 5e édition du 1er février prochain à l’Espace Charenton à Paris : la lecture, un passeport pour la vie. A l’affiche des intervenants : Desmurget bien sûr, qui animera la conférence plénière. Mais aussi Bérénice Levet sur l’école au défi de l’IA, Henri d’Anselme (le héros au sac à dos, ancien élève de St-Dominique au Pecq), Clotilde Noël (fondatrice de Tombée du Nid et co-fondatrice d’école libre), Myriam Meyer, professeur dans un collège public et auteur de « Wesh, Madame ?! », et de nombreux autres, témoignant s’il en était besoin de la vitalité de cet éco-système qui ne fait plus peur. Comparé à l’inertie du système éducatif classique et à l’instabilité des ministères successifs de l’Education Nationale, il rassure même, et de plus en plus de familles y trouvent une alternative de choix.
Sont également prévues au programme de l’évènement des tables rondes, des dédicaces, mais aussi la rencontre d’une quarantaine d’exposants (organismes de formation, créateurs de contenu pédagogique, logiciels de vie scolaire…). Nouveauté de cette année : le salon est ouvert aux parents. Ils pourront ainsi découvrir, au Village des écoles, une multitude d’écoles libres de renom : l’Académie du Puy du Fou, les Académies musicales de Liesse, Excellence Ruralités, Bienheureux Carlo Acutis, mais aussi le réseau CERENE (à destination des enfants dys’) ou Time for School. Et même les Académies St Louis, futur réseau d’internats d’excellence dont le premier établissement ouvrira à Chalès en 2025. Réunis par la Fondation pour l’école, organisatrice de l’évènement et soutien de ces écoles depuis maintenant 16 ans, tous ces acteurs incarnent, chacun à leur façon, ce renouveau éducatif dont la France a tant besoin.