L’apostat et le marxiste ont plaidé ensemble pour la Constitution européenne, mardi lors d’une réunion-débat à la faculté de droit et de sciences politiques de Nantes. Daniel Cohn-Bendit a été exclu de la campagne officielle du oui des Verts français parce qu’il participe à des réunions publiques organisées par d’autres partis.
A la tribune, les deux compères paraissaient d’accord sur tout. En réalité, ils n’ont pas du tout la même conception de l’Europe, et lorsqu’ils vantent la Constitution, ils ne parlent pas de la même chose. Pour Bayrou, il s’agit de constituer un super-Etat européen, spécifiquement européen, avec des frontières extérieures définies et garanties, ce qui exclut par principe et de façon irrévocable la Turquie, comme tout autre pays qui ne soit pas géographiquement et culturellement européen. L’Etat fédéral européen de Daniel Cohn-Bendit est au contraire évolutif, il n’est qu’une étape dans la construction d’un monde sans frontières (avatar de l’internationalisme marxiste-léniniste de sa jeunesse), conçu comme un melting pot multiculturel, et pour ce faire la première étape de ce processus est d’ouvrir les portes à la Turquie.
Parmi les partisans du oui, il y a ceux qui rejettent toute idée de super-Etat fédéral et qui prétendent que la Constitution respecte les souverainetés nationales. Or celle-ci est réduite à néant par le seul fait que le texte est une Constitution, qui prime les anciennes constitutions nationales et fait que les lois européennes priment les lois nationales, comme cela est dit explicitement à l’article 6.
Il y a donc une opposition de fond entre ceux qui voient la Constitution comme une organisation de l’Europe respectant les Etats et ceux qui voient la Constitution comme l’acte de naissance des Etats-Unis d’Europe.