Un an après le décès du pape émérite, Jean-Marie Guénois écrit dans Le Figaro :
[…] Dès le 28 février 2023, le pape François a commencé par éloigner les personnalités qu’il jugeait trop proches du pontificat précédent. À commencer par Mgr Georg Gänswein, 67 ans, ancien secrétaire personnel de Benoît XVI. Sa fonction officielle de préfet de la Maison pontificale, une sorte de plaque tournante de l’organisation de la vie du pape, a été suspendue.
Ce limogeage sans merci du plus proche collaborateur du pape émérite pendant vingt ans est passé par un communiqué de trois lignes, publié par le service de presse du Vatican, une méthode inhabituelle:
«Le 28 février 2023, S. Exc. Mgr Georg Gänswein a terminé sa mission de préfet de la Maison pontificale. Le Saint-Père a ordonné que Mgr Gänswein revienne à partir du 1er juillet, pour le moment, dans son diocèse d’origine de Fribourg» en Allemagne.
Mgr Gänswein, déjà en disgrâce, avait commis un crime de lèse-majesté. Il avait publié en janvier 2023 un livre de mémoire en plusieurs langues – en français chez Artège, sous le titre Rien d’autre que la vérité – où il révélait les difficultés de la cohabitation entre les deux papes. En particulier sur le dossier de la liturgie, une question capitale pour Benoît XVI. François, selon Gänswein, n’aurait pas pris la peine d’avertir son prédécesseur quand il annula, en juillet 2021, sa réforme liturgique majeure. À savoir la possibilité ouverte en 2007 pour les prêtres qui le désiraient, de dire la messe à titre «extraordinaire» selon l’ancien rituel catholique latin.
Mgr Gänswein, qui accompagnait au jour le jour Benoît XVI dans sa retraite, affirme que ce dernier aurait appris la décision de François en lisant L’Osservatore Romano , le quotidien du Saint-Siège. Donc après coup. Le pape émérite, écrivait alors Gänswein, considéra le coup de frein liturgique donné par François comme une «erreur» parce que cette libéralité avait contribué à «pacifier» l’Église. François n’a pas du tout apprécié.
Des limogeages au Vatican
Même type de règlement de comptes mené avec détermination en 2023 par le pape François: le fait de couper, arbitrairement et contre toutes règles établies, vivres et logement au cardinal américain Raymond Leo Burke, 75 ans. Ce spécialiste du droit canonique qui a occupé de hautes fonctions au Vatican, était déjà sur la touche parce qu’il est l’un des rares cardinaux à oser émettre publiquement des avis critiques sur le pontificat. Ce qui aurait poussé François à déclarer devant plusieurs cardinaux lors d’une réunion officielle, le 21 novembre dernier:
«Le cardinal Burke est mon ennemi, c’est pourquoi je lui retire l’appartement et son salaire.»
Une citation reprise par la presse italienne qui ne fut pas démentie sur le fond, d’autant que la mesure se confirme: elle sera effective en février 2024. Par une voie détournée et non officielle, le pape François aurait simplement démenti, non pas la sanction, mais le fait qu’il aurait qualifié Burke «d’ennemi». Il l’a d’ailleurs reçu ce vendredi 29 décembre. En sortant, le cardinal américain qui aime l’humour, a simplement déclaré:
«Vous voyez, je suis toujours vivant!»
Ennemi ou pas, une autre tête est également tombée sur décret papal, le 11 novembre 2023. Mgr Joseph Strickland, 65 ans, évêque de Tyler au Texas se trouvait être un «ami» proche de Benoît XVI. C’est Peter Seewald, un laïc allemand, biographe du pape émérite qui l’a révélé dans une interview accordée le 27 décembre au site italien La Nuova Bussola Quotidiana disponible en français sur le site Benoît et moi. Seewald va jusqu’à parler de «purge» qui toucherait le «lignage de Benoît XVI» .
Le biographe qui a rédigé quatre livres interviews avec Benoît XVI, relate en le citant l’inquiétude du pape en retraite confiée à plusieurs visiteurs sur «le danger d’un glissement de terrain doctrinal» . Et l’écrivain de conclure:
«Immédiatement après la mort de Benoît XVI, les considérations qui étaient encore valables de son vivant ont été abandonnées. Il est devenu normal qu’un homme comme Victor Manuel Fernandez, à qui l’on a rapidement donné un chapeau de cardinal, soit nommé au poste de préfet pour la doctrine de la foi. L’Argentin n’est pas qualifié pour cette tâche importante, sauf pour une chose: il est le protégé du pape argentin. Jusqu’à présent, l’aptitude était le principal critère pour ces nominations, mais sous Bergoglio, il semble que ce soit la loyauté à la ligne qui compte.»
[…]
En plaçant là son ami Victor Manuel Fernandez, François a accompli un acte décisif qui était impossible à réaliser avant la mort de Benoît XVI, puisque à la place de Ratzinger, qui a marqué la théologie catholique dans cette fonction – notamment avec l’encyclique «La splendeur de la vérité» – il place un proche considéré comme «anti-Raztinger» sur le plan théologique. Le 1er juillet dernier, François a d’ailleurs assigné à Fernandez une mission explicite par lettre: «non de poursuivre d’éventuelles erreurs doctrinales» par une «théologie de bureau» qui travaille selon une «logique froide et dure qui cherche à tout dominer» mais de «montrer un Dieu qui aime, qui pardonne», sans imposer «une seule manière» d’exprimer la théologie et de créer une harmonie «avec les différentes lignes de pensée» .
Depuis son arrivée, le nouveau préfet a pris quasiment seul – ou avec François – des décisions spectaculaires , sans s’embarrasser des consultations pourtant prévues par le règlement avec des théologiens. Ces derniers jugeaient collectivement les nouvelles normes avant de les publier. Fernandez a dit non à l’appartenance maçonnique pour un catholique.
Il a confirmé l’admission des personnes divorcées remariées à la communion mais en suivant les règles établies par la conférence épiscopale argentine. Il a dit oui à la possibilité pour un transgenre ou une personne homosexuelle d’être baptisé et d’être parrain ou témoin de mariage. Il a autorisé l’accès à la communion pour les mères célibataires. Il a lancé, avec l’aval du pape, la possibilité de bénir des «couples» homosexuels. Benoît XVI est définitivement enterré.