Le 9 novembre dernier, le Pape a prononcé un discours improvisé devant les évêques suisses. Jeanne Smits a traduit en français ce texte particulièrement éclairant, où Benoît XVI décrit une "antimoralité" qui se pose en substitut à la religion :
[J]e vois de plus en plus clairement que tout se passe comme si, en notre temps, la moralité avait été scindée en deux parties. La société moderne n’est pas purement et simplement sans moralité, mais elle a, en quelque sorte, « découvert », et elle revendique une partie de la moralité qui, dans sa proclamation par l’Eglise pendant des dernières décades et même au-delà, n’a peut-être pas été suffisamment présentée. Ce sont les grands thèmes de la paix, de la non-violence, de la justice pour tous, de la sollicitude à l’égard des pauvres et du respect de la Création. Tout cela est rassemblé dans un ensemble éthique qui, y compris en tant que force politique, a un grand pouvoir, et constitue pour beaucoup un substitut ou un héritage de la religion. […]
L’autre partie de la morale – et il n’est pas rare qu’elle soit considérée de façon assez controversée par la politique – concerne la vie. En fait partie l’engagement pour la vie, depuis la conception jusqu’à la mort, c’est-à-dire la défense de la vie face à l’avortement, l’euthanasie, les manipulations et l’autolégitimation de l’homme qui s’autorise à disposer de la vie. […]
Dans ces contextes, donc, notre annonce se heurte à une certitude contraire de la société, pour ainsi dire, à une espèce d’antimoralité qui s’appuie sur une conception de la liberté vue comme la faculté de choisir de façon autonome, sans orientation prédéfinie ; comme une non-discrimination ; et donc comme l’approbation de toutes sortes de possibilités, qui se détermine éthiquement correct de manière autonome.
Mais l’autre certitude n’a pas disparu. Elle existe, et je pense que nous devons nous efforcer de recoller ces deux parties de la moralité et rendre évident le fait qu’elles vont inséparablement unies.