De Francis Bergeron dans Présent :
Le milliardaire Vincent Bolloré ne réussit pas toutes ses opérations financières ou industrielles (voir le dossier Vélib), mais il ne passe pas non plus pour fonctionner au coup de cœur ou au hasard. S’il s’intéresse aujourd’hui au secteur du livre, c’est qu’il y voit un intérêt pour son groupe. […]
Aujourd’hui Bolloré, par l’intermédiaire de Vivendi, qu’il contrôle, est prêt à dépenser 900 millions d’euros pour acquérir Editis, et à intégrer ainsi les 2 400 salariés d’Editis au groupe Vivendi, lui-même membre du groupe Bolloré (vous me suivez ? Dans ce monde-là, les parties de Monopoly sont compliquées et les enjeux dépassent ceux de l’achat d’un hôtel rue de la Paix ou de trois maisons boulevard de La Villette !).
La stratégie du groupe Bolloré, sous-groupe Vivendi, serait de couvrir de cette façon la totalité du champ des médias de communication, et ensuite de faire jouer les synergies entre ces différents médias. Synergies opérationnelles, d’abord : quand un livre devient un film, par exemple. Synergies fonctionnelles, ensuite, en simplifiant les organisations, en centralisant les services support (informatique, comptabilité, juridique, ressources humaines, etc.). Cette acquisition, par la concentration qu’elle génère, envoie un message éventuellement négatif aux services centraux, aux fournisseurs, aussi, qui seront davantage soumis à la pression des acheteurs, mais un signal nettement positif à l’industrie du livre.
Car cet investissement de 900 millions (une bagatelle pour Bolloré, qui a perdu gros dans l’affaire Vélib, sans que cela empêche apparemment ses actionnaires de dormir), signifie tout simplement que Vivendi croit en la pérennité du livre papier, que l’on disait condamné, il y a quelques années, par les liseuses et autres innovations technologiques.
Editis fédère dans son giron 50 maisons d’éditions, dont Plon (qui fut l’éditeur historique de Barrès, de Massis – collaborateur de Plon – et Brasillach, mais qui est plutôt spécialisé, aujourd’hui, sur les livres d’actualité, dans le domaine politique, faits divers, people, etc.).
Editis, c’est Perrin, aussi, l’éditeur bien connu de livres d’histoire, qui publie notamment Jean-Christian Petitfils, Patrick Buisson, Jean des Cars, Guilhem de Diesbach, Michel de Jaeghere, Jean-Christophe Buisson, Juliette Benzoni.
On ne peut que se réjouir de savoir que ces maisons vont être intégrées à un groupe extrêmement robuste. Néanmoins les phénomènes de concentration continue auxquels nous assistons contribuent à cette dérive du capitalisme patrimonial vers un capitalisme financier, dénoncée à juste titre par les courants identitaires. Le Plon d’Editis (Editis étant elle-même bientôt détenue par Vivendi, cette dernière étant elle-même dans le groupe Bolloré), n’a vraiment plus grand-chose à voir avec la petite société d’édition créée par Henri Plon en 1852, dans un esprit patriotique et chrétien !"