Désormais retiré de la vie politique, l'ancien patron du MNR (Mouvement national républicain) et numéro 2 du FN Bruno Mégret répond au Figaro :
"Si vous aviez pu participer au bureau politique du FN ce mardi, quelles remarques auriez-vous formulé au sortir de cette séquence électorale?
Il faut d'abord prendre la mesure du changement: l'élection d'Emmanuel Macron est une opération de sauvetage d'un système discrédité par les partis traditionnels. Mais si ceux-ci ont été laminés, la gauche n'a pas disparu. Car, avec la République en marche, c'est celle-ci qui est aujourd'hui au pouvoir et c'est la ligne Hollande-Valls qui l'a emporté! Ce succès simplifie le champ politique car la majorité actuelle rassemble tous les partisans de la gauche de gouvernement, y compris ceux qui adhéraient à LR. Cette situation nouvelle libère un espace important pour l'organisation d'une nouvelle force de droite. Et si le FN était à la hauteur des enjeux, il prendrait l'initiative d'une recomposition en proposant la création d'un grand pôle de droite regroupant ses propres troupes et celles de la partie droitière des Républicains.
Comment expliquer le coup d'arrêt à la dynamique frontiste
Si l'on regarde de près les résultats des derniers scrutins, ce n'est pas la stratégie prêtée à Florian Philippot, orientée sur le souverainisme et le social, qui a fait progresser le parti, mais l'importance que les Français accordent aux préoccupations qui sont traditionnellement celles du FN: le rejet du système, la crise migratoire, la menace terroriste, les questions identitaires. Aussi, les Français exaspérés par ces problèmes sont-ils naturellement portés à voter FN. Et comme leur nombre s'est accru ces dernières années, les scores frontistes ont augmenté eux aussi. Quant à la ligne Philippot, qui est aussi celle de Marine Le Pen, ces législatives nous enseignent qu'elle est peut-être adaptée au bassin minier, mais qu'elle n'a pas fonctionné ailleurs. Or la France ne se réduit pas à Hénin-Beaumont.
Vous défendiez déjà la mue du parti vers l'union des droites il y a 20 ans. Estimez-vous avoir eu «raison trop tôt» au vu des débats actuels?
Je pense que, si le MNR avait pu s'imposer, il aurait obtenu aujourd'hui de bien meilleurs résultats que le FN. C'est une question de ligne politique. Vu de l'extérieur, je ne sais pas si le FN va au-devant d'une crise similaire à celle que j'ai connue. Je pense plutôt que l'on s'achemine vers des changements de forme, assortis d'un durcissement de la direction du parti sur ses positions. Par ailleurs, une chose est sûre, l'union ratée entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan prouve qu'il est encore manifestement très difficile de s'entendre avec le Front national.
Marine Le Pen a promis de réformer son parti. Quelles pistes d'évolution doit-il adopter selon vous?
Tout va dépendre de l'évolution des Républicains. Si la fraction centriste de LR se sépare de sa partie droitière, tout devient possible. Le renouveau de la droite passerait alors par un rapprochement entre le FN et l'aile droite des Républicains, ce qui pourrait conduire à une entité politique majeure. Si l'on regarde les résultats cumulés du FN et de Fillon à la présidentielle, on voit qu'il y a là un bloc plus puissant que celui de Macron. Mais, quoi qu'il se passe à LR, le FN devrait changer sa ligne politique. Il devrait se positionner à droite et donner la priorité à la défense de l'identité sur l'obsession souverainiste. Les positions défendues par Philippot sur la sortie de l'euro sont passéistes et ont fait fuir une partie des électeurs. Le FN devrait donc se prononcer pour un changement radical de la gestion de l'euro plutôt que pour le retour au franc. En économie, Marine Le Pen a mis en avant un programme digne de la gauche des années 70. Le FN devrait plutôt préconiser une politique de réduction des charges, des dépenses publiques et des impôts et s'attacher le soutien des classes moyennes. Il devrait aussi se préoccuper davantage de la défense des familles et des valeurs. Changer de nom et de mode d'organisation ne suffira pas à résorber la crise interne: le problème, c'est la ligne politique, pas son habillage. […]"