Dans Le Monde, Stanislas Deniau estime qu'il n'y a pas de séparation de l'Eglise et de l'Etat puisque l'Etat se permet de s'ingérer dans les affaires de l'Eglise :
"On sait bien que les hommes politiques sont des hommes comme les autres au service de la nation. On sait aussi qu'ils ne savent pas écrire une loi. Désormais on sait qu'ils ne connaissent pas la loi. […] Depuis la loi du 9 décembre 1905 les églises et l'Etat sont séparés. […] Certes, M. Juppé n'est plus ministre. Mais il est maire et en cela il est agent de l'Etat à Bordeaux. Il doit donc assurer strictement la loi et se tenir à la neutralité à laquelle il est astreint. Les hommes politiques sont démagogues, on le sait. Le propre de la démagogie est de ne pas dire la vérité, de séduire un électorat. On comprend donc que pour mettre toutes les chances de son côté aux prochaines élections municipales M. Juppé joue le jeu du mensonge. Dommage, il se discrédite auprès de l'électorat dont il dit qu'il est issu, c'est-à-dire l'électorat catholique. Mais, M. Juppé, êtes-vous catholique ? […] Vous avez la liberté de parole, M. Juppé. Vous avez le droit de dire ce que vous pensez. Mais quand vous êtes en privé. Dois-je vous rappeler que votre parole de maire engage celle de l'Etat dont vous êtes l'agent ? Vous avez donc violé la loi de séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905, et qui plus est, en disant des imbécilités. […] La séparation des Eglises et de l'Etat existe-t-elle toujours ? La question a un sens aujourd'hui, à l'heure ou les hommes politiques donnent leur avis quant à la politique de l'Eglise. Et quelque soit sa réponse, il faudra en tirer les conséquences."
MJ
Berg
Ceci montre que la séparation de l’Eglise et de l’état est un leurre.
Dans un premier temps, on abstrait l’Etat de l’influence de l’Eglise. Chacun paraît libre.
Et dans un second temps, l’Etat prétend régir l’Eglise.
C’est archi-classique. Il n’y a que les imbéciles qui se sont laissé prendre au slogan «l’Eglise libre dans l’Etat libre».
kelkin
Deux articles intelligents du Monde en deux jours ! Les poules doivent avoir des dents, aujourd’hui…
Emmanuel
@ Michel Janva. La Laicité a bon dos.( ?)
Doit-on distinguer dans ces propos une volonté de tourner la laicité en dérision? La fine analyse que fait Stanislas Deniau est pourtant marqué au coin du bon sens.
[Nous sommes bien d’accord. Et cette laïcité que les médias et politiques nous bassinent à temps et contretemps a vraiment bon dos : elle n’a jamais été autant méprisé, comme le remarque SD. MJ]
En effet, aujourd’hui, les catholiques (à commencer par leur chef) ont plus que jamais besoin d’exercer pleinement leur droit de liberté d’expression.
Parmi nos adversaires il y a des politiciens, Juppé en l’espèce, qui cherchent à restreindre notre liberté en invoquant contre nous le maintien ou l’extension des usurpations de l’Etat dans un domaine sur lequel il n’a aucune compétence.
D’où découle la particulière utilité d’un Etat neutre, et de la laicité. En d’autres mots, « l’Eglise libre dans l’Etat libre ».
Sancenay
Après l’article de Françoise Arnaud prenant la défense du Saint-Père cela fait un deuxième article du Monde qui marque un respect certain pour la religion catholique, tranchant manifestement avec l’hystérie ambiante.
On ne verrait pas cela chez les noceurs du Figaro.
Tonio
La “laïcité à la française” demande peut-être à un maire de ne pas donner son opinion sur les déclarations du pape, mais certainement pas la loi de 1905 qui, en substance et dans le seul article qui soit appliqué, se contente de la pétition de principe : “la République ne reconnaît ne salarie ni ne subventionne aucun culte”. id est. Cela ne veut pas dire qu’elle doit ignorer la pratique et le sentiment religieux de ses administrés.
Je considère les propos de M. Juppé faux, déplacés, démagogues, ignorants de la réalité, mais je ne lui dénie pas le droit de se ridiculiser en les proclamant. Ou alors pour d’autres raisons que l’invocation à tort de la loi de 1905. L’exigence de la vérité suffit à récuser ses propos.
Monsieur Deniau ne connaît donc pas mieux la loi de 1905 que celui qu’il décrie. Il dit que c’est une loi bien rédigée : tellement bien qu’aujourd’hui un seul est appliqué… Tellement bien rédigée que les deux premiers articles se contredisent : comment garantir le libre exercice des cultes si on ne les reconnaît pas, au moins comme culte ?
Mais monsieur Deniau s’y connaît en rédaction, lui qui confond “quelque soit” avec “quelle que soit”.
Tonio
Excusez-moi, j’ai fini un peu rapidement. Il faut lire (et il fallait écrire…) :
“… un seul article est appliqué”
et “… au moins comme cultes ?”
Stanislas
Monsieur Deniau se permet donc de vous répondre.
D’abord, veuillez excuser les fautes d’orthographes. Il y en a une que vous n’avez pas relevé : il manque un accent sur le “ou” de la phrase d’avant.
Ensuite, concernant le fond de l’article, je suis étonné que vous disiez que seul l’article 2 s’applique. En effet, la loi étant toujours en vigueur et seuls quelques-uns des articles ayant été abrogés, je ne vois pas sur quel fondement vous dites que seul un article de cette loi s’applique (voir Légifrance).
Quand vous parlez de laïcité à la française, celle-ci découle de la loi de 1905. Le principe de laïcité (qui est aussi un principe constitutionnel) s’applique aussi évidemment. Mais cela ne récuse en rien le fait que la loi du 9 décembre 1905 s’applique et que les agents de l’Etat ainsi que les élus de France doivent l’appliquer.
En l’occurrence, quand M. Juppé estime que “ce Pape commence à poser un problème” et qu’il “vit dans une situation d’autisme total”, il porte un jugement de valeur sur un chef religieux, il s’immisce donc dans la sphère religieuse. Il a tout à fait le droit de le faire en privé, mais certainement pas en public étant donné ses prérogatives.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi les deux premiers articles sont contradictoires. En effet, l’article 2 précise l’article 1e: la République ne reconnaît pas de culte officiel, libre à chacun de pratiquer celui de son choix, ce qui est garanti par l’article 1.
Pour autant, je ne prétend pas être un chantre du droit (juste un étudiant!), et suis ouvert à toute critique objective et fondée, telle que la vôtre. Restons pragmatiques !