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Culture de mort : Euthanasie / L'Eglise : L'Eglise en France

“Ce ne sont pas les soins qui humanisent la fin de vie, mais la relation”

“Ce ne sont pas les soins qui humanisent la fin de vie, mais la relation”

Tribune de Mgr Rey dans le JDD :

Il est des lois qui, derrière les mots apaisants de la liberté, trahissent une défaite du regard. Une société dit ce qu’elle est dans la manière dont elle considère ses membres les plus fragiles. La légalisation de l’euthanasie, que le Parlement débat en ce moment, signe une capitulation morale et spirituelle : elle acte que certains hommes peuvent être de trop.

Ce n’est pas tant la souffrance que l’on prétend vaincre. Les progrès de la médecine permettent désormais de soulager presque toute douleur physique. Ce que cette loi cherche à résoudre, c’est une solitude plus intime : celle d’une vie qui dérange parce qu’elle est devenue vulnérable. La vieillesse, la maladie, la dépendance… autant de visages d’une humanité qui ne performe plus, qui échappe aux standards de l’autonomie. Et que l’on pousse doucement vers la sortie.

Je ne suis pas de ceux qui idéalisent la souffrance. Mais je suis de ceux qui croient que la dignité ne dépend jamais de notre état de santé. Que le regard que nous posons les uns sur les autres a le pouvoir de relever, ou d’enfoncer. Et je redoute une société où l’on enseigne à ceux qui souffrent que leur vie n’a plus d’autre issue que l’effacement. Là où l’on voudrait nous faire croire à un choix, c’est en réalité une pression sociale qui s’exerce : ne pas peser, ne pas coûter, ne pas déranger. L’euthanasie devient une échappatoire offerte à ceux que nous n’avons pas su entourer.

Légaliser l’euthanasie n’est pas un progrès. C’est un renoncement. Renoncement à accompagner. Renoncement à cette fraternité patiente et exigeante qui porte l’autre dans sa nuit. Renoncement, enfin, à croire que l’homme, jusque dans ses derniers jours, peut encore grandir, transmettre, espérer. Elle entérine l’idée que certaines solitudes sont irrémédiables. Elle inscrit dans notre droit non pas une victoire sur la souffrance, mais une défaite face à la solitude.

Ce regard que nous avons sur la vieillesse et la fin de vie dit quelque chose de notre civilisation. Ce que nous légiférons ici façonnera les seuils ultimes de l’existence. La loi devient un miroir cruel, où la fragilité cesse d’être une école d’humanité pour devenir un poids qu’il faudrait écourter ou éliminer.

Accompagner un être humain jusqu’au bout, c’est ne jamais se dérober à ce que son existence vient réveiller en nous : notre peur de la dépendance, notre difficulté à rester présent. Mais c’est aussi là que l’homme se révèle pleinement humain : quand il ne fuit pas, quand il demeure, quand il soutient. Cette présence simple et fidèle est parfois plus efficace qu’aucun soin technique. Elle est la réponse invisible à la souffrance morale, à la détresse intérieure, à cette angoisse sourde d’être abandonné.

Je vois chaque jour dans les maisons de retraite, dans les chambres d’hôpital, dans les cœurs fatigués, combien un regard, une présence, une main tendue peuvent rouvrir l’horizon. La question n’est pas : « que faire de ceux qui souffrent ? », mais : « que suis-je prêt à être pour celui qui souffre ? » Ce ne sont pas les soins qui humanisent la fin de vie, mais la relation. Le simple fait d’être là. Et d’y croire encore.

Il existe, au plus profond de l’homme, une source que la fragilité ne tarit pas. Elle peut même la révéler. Ne laissons pas la loi l’ignorer. Ne trahissons pas ceux qui, dans leur lit, dans leur silence, dans leur combat, nous confient une ultime mission : celle d’aimer jusqu’au bout.

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