A Rome, hier, sur la place d'Espagne bondée de fidèle, Benoît XVI a commenté l'Evangile de l'Annonciation (traduction par Benoît-et-moi).
«C'est toujours une joie spéciale de se rassembler ici, sur la Piazza di Spagna,
en la fête de Marie Immaculée. Se retrouver ensemble – Romains,
pèlerins et visiteurs – au pied de la statue de notre Mère spirituelle,
nous fait nous sentir unis au nom de la foi. Il me plaît de le souligner
en cette Année de la foi que l'Eglise toute entière est en train de
vivre. Je vous salue avec une grande affection et je voudrais partager
avec vous quelques réflexions simples, suggérées par l'Evangile de cette
solennité: l'Evangile de l'Annonciation.Tout d'abord, nous
sommes toujours frappés, et cela nous laisse songeurs, par le fait que
le moment décisif pour le destin de l'humanité, le moment où Dieu s'est
fait homme, est entouré par un grand silence. La rencontre entre
le messager divin et la Vierge Immaculée passe totalement inaperçu:
personne ne sait, personne n'en parle. C'est un événement qui, s'il
arrivait à notre époque, ne laisserait pas de traces dans les journaux,
dans les revues, parce que c'est un mystère qui se passe dans le
silence. Ce qui est vraiment grand passe souvent inaperçu, et le silence
tranquille est plus fructueux que l'agitation frénétique qui
caractérise nos villes, mais qui – toutes proportions gardées – se
vivait déjà dans les grandes cités comme Jérusalem alors. Cet activisme
qui nous rend incapables de nous arrêter, de rester tranquilles,
d'écouter le silence dans lequel le Seigneur fait entendre sa voix
discrète.Marie, le jour où elle reçut l'annonce, était toute
recueillie, et en même temps ouverte à l'écoute de Dieu. En elle, il n'y
a pas d'obstacle, pas d'écran, il n'y a rien qui la sépare de Dieu.
C'est le sens de son 'être' sans péché originel: sa relation avec
Dieu est exempte de la moindre faille, il n'y a pas de séparation, il
n'y a pas d'ombre d'égoïsme, mais une harmonie parfaite: son petit cœur
humain est parfaitement «centré» dans le grand cœur de Dieu.Voilà, chers frères et sœurs, venir
ici auprès de ce monument à Marie, au centre de Rome, nous rappelle
avant tout que la voix de Dieu ne se reconnaît pas dans la rumeur et
l'agitation, son dessein sur notre vie personnelle et sociale ne se
perçoit pas en restant à la surface, mais en descendant à un niveau plus
profond, où les forces qui agissent ne sont pas celles économiques ou
politiques, mais celles morales et spirituelles. C'est là que Marie nous invite à descendre, et à nous syntoniser avec l'action de Dieu.Il
y a une deuxième chose, encore plus importante, que l'Immaculée nous
dit quand nous venons ici, et c'est que le salut du monde n'est pas
l'œuvre de l'homme – de la science, de la technologie, de l'idéologie –
mais qu'elle vient de la Grâce. Que signifie ce mot? La Grâce
signifie l'amour dans sa pureté et sa beauté: c'est Dieu lui-même tel
qu'il s'est révélé dans l'histoire du salut racontée dans la Bible et
accompli en Jésus-Christ. Marie est appelée la «pleine de grâce» ( Lc
1:28) et avec cette identité, elle nous rappelle la primauté de Dieu
dans nos vies et dans l'histoire du monde, elle nous rappelle que le
pouvoir de l'amour de Dieu est plus fort que le mal, qu'il peut combler
les vides que l'égoïsme provoque dans l'histoire des individus, des
familles, des nations et du monde. Ces vides peuvent devenir des enfers,
où la vie humaine est comme tirée vers le bas et vers le néant, perd
son sens et la lumière.Les faux remèdes que le monde offre pour combler ces vides – la drogue est emblématique – creusent en réalité le gouffre.
Seul l'amour peut sauver de cette chute, mais pas n'importe quel amour:
un amour qui a en lui la pureté de la Grâce – de Dieu qui transforme et
renouvelle – et qui ainsi peut insuffler dans les poumons intoxiqués un
oxygène nouveau, de l'air pur, une énergies nouvelle de vie. Marie
nous dit que, aussi bas que l'homme puisse tomber, il n'est jamais trop
bas pour Dieu, qui est descendu aux enfers; aussi égaré que soit notre
cœur, Dieu est toujours «plus grand que notre coeur» ( 1 Jn 3:20). Le
souffle léger de la grâce peut disperser les nuages les plus noirs, peut
rendre la vie belle et riche de sens, même dans les situations les plus
inhumaines.Et de là dérive la troisième chose que nous dit
Marie Immaculée: elle nous parle de la joie, cette joie authentique qui
se répand dans le cœur libéré du péché. Le péché porte en lui une
tristesse négative, qui amène à se replier sur soi-même. La Grâce
apporte la vraie joie, qui ne dépend pas de la possession des choses,
mais est enracinée dans l'être, dans les profondeurs de la personne, et
que rien ni personne ne peut nous enlever. Le christianisme est
essentiellement un «évangile», une «bonnes nouvelles», tandis que
certains pensent qu'il est un obstacle à la joie, car ils y voient une
série d'interdictions et de règles. En réalité, le christianisme est
l'annonce de la victoire de la grâce sur le péché, de la vie sur la
mort. Et s'il comporte des sacrifices et une discipline de l'esprit, du
cœur et du comportement, c'est précisément parce que dans l'homme, il y a
la racine vénéneuse de l'égoïsme, qui fait du mal à soi-même et aux
autres. Nous devons donc apprendre à dire non à la voix de l'égoïsme, et
à dire oui à celle de l'amour authentique.La joie de Marie est
pleine, parce que dans son coeur il n'y a pas l'ombre du péché. Cette
joie coïncide avec la présence de Jésus dans sa vie: Jésus conçu et
porté dans son sein, puis enfant confié à ses soins maternels, et
adolescent, et jeune homme, et homme mûr; Jésus qu'elle a vu partir de
la maison, suivi de loin avec foi jusqu'à la croix et la Résurrection:
Jésus est la joie de Marie et il est la joie de l'Eglise, de chacun
d'entre nous. Dans ce temps de l'Avent, que Marie Immaculée nous
apprenne à écouter la voix de Dieu qui parle dans le silence; à recevoir
sa Grâce, qui nous libère du péché et de l'égoïsme, pour goûter ainsi
la vraie joie. Marie, pleine de grâce, priez pour nous!"