Extrait de l’éditorial de Marion Maréchal sur le site de l’ISSEP :
« Entre un monde qui meurt et un monde qui naît il s’insère toujours une période creuse. Elle est en même temps un tombeau et un berceau. Un monde qui meurt y agonise en se débattant, en cherchant à écraser de son poids le monde qui naît, n’a pas encore les yeux ouverts, ne sait pas encore son nom ». Magistrale réflexion que celle de l’historien suisse Gonzague de Reynold qui semble décrire parfaitement notre époque. L’ancien monde se meurt lentement et résiste alors que le nouveau balbutie et peine à émerger. Nous vivons cette époque de transition, ce sas, non pas de décompression mais, au contraire, de compression où s’accumulent toutes les tensions sociales, identitaires, géopolitiques, économiques, jusqu’à l’ébullition.
Il ne suffira pas de clamer « Plus jamais ça ! » ou de publier sur « le jour d’après », pour que des leçons pertinentes soient effectivement tirées et surtout appliquées. En effet, l’on peine à imaginer qu’un événement aussi soudain et spectaculaire que cette pandémie, qui a paralysé la moitié de population mondiale pendant plusieurs semaines, puisse rester sans conséquence sur l’avenir. C’est oublier un peu vite cette étonnante aptitude des gouvernants occidentaux à se comporter comme d’éternels enfants. Ils ne semblent jamais apprendre des expériences de l’Histoire. Après le krach boursier de 1987, les crises financières de 1997 et 2008, la crise de l’euro et des dettes souveraines en Grèce, les attentats de 2001 aux Etats-Unis puis la succession des attentats islamistes en France et maintenant une pandémie mondiale, rien ne semble renverser les certitudes et les aspirations de la classe dirigeante. Pourtant, ce virus a réalisé ce qu’aucun parti politique d’opposition n’aurait pu espérer : le procès en comparution immédiate d’une idéologie, d’un système, d’un modèle. Car c’est bien le procès des choix politiques opérés depuis trente ans sur les frontières, la souveraineté, l’Etat, la monnaie, les services publics, l’économie, l’Union européenne, auquel nous assistons.
Désormais la parole n’est plus à la défense, le gaullisme déclamatoire de cette classe discutante est irrecevable. Elle est à ceux qui voient clair dans le XXIème siècle et que nous avons très partiellement réunis dans cette première publication du Centre d’analyse et de prospective de l’ISSEP que nous appellerons par commodité le CAP.
Comme le rappelle l’un des auteurs de ce dossier, le sinogramme chinois pour les mots crise et opportunité est identique. Notre mot crise est issu du grec Krisis qui signifie « l’action ou la capacité de choisir ». Au fil du temps, l’usage nous fit oublier ce sens au profit de la définition qui nous est maintenant familière, celle de « manifestation soudaine et violente ». Cette crise sanitaire est l’occasion de faire de grands choix de rupture, mais ce qui a été décidé depuis le mois de mars dernier relève le plus souvent du statut quo, du refus de changer pour s’adapter au monde nouveau qui émerge. Les dirigeants actuels regardent dans le rétroviseur et voudraient à tout prix confirmer un modèle politique dont nous avons vu les fragilités. L’objectif de cette publication est précisément de contribuer à éclairer ces choix nécessaires. Nous vous présentons ici les différents thèmes traités et auteurs associés.