Anne Isabeth était au pèlerinage du monde des médias, samedi 2 juin. Elle écrit dans Présent :
"Se laisser purifier par la vérité. » Vaste sujet à l’heure où tous les médias se sont mis à la chasse aux «fake news» et où le gouvernement entend dire à nos concitoyens ce qu’ils doivent croire et penser. Une telle réflexion ne pouvait donc tomber mieux pour la 11e édition du pèlerinage du monde des médias, organisée le 2 juin par Aymeric Pourbaix, directeur de l’agence de presse I-Media et ancien directeur de la rédaction de Famille Chrétienne. Pour traiter du sujet : le philosophe et historien Rémi Brague ainsi que le père Jean-Pascal Duloisy, exorciste du diocèse de Paris.
Dans le cadre superbe de l’église du Val-de-Grâce, le premier a disserté sur les liens qui unissent la liberté, et même la liberté de conscience, et la vérité. Liberté et vérité sont-elles amies ou ennemies ? Il existe des vérités factuelles où la liberté n’a aucune incidence : Paris se trouve en France, point. Mais qu’en est-il pour d’autres vérités ? Celle qui concerne l’être humain, son action, sa destinée ? La réalité d’un événement est totalement livrée à la perception de celui qui le voit. Que l’on soit adorateur du grand Skippy ou libéral patenté, il ne sera pas rendu de la même façon. L’information a besoin d’être vérifiée, réfléchie, méditée – d’où le risque que représente cette course à l’information si caractéristique des médias aujourd’hui. Pour illustrer son propos, Rémi Brague a cité Péguy : « Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, et c’est plus difficile, il faut toujours voir ce que l’on voit. »
Le sujet est d’autant plus intéressant que la vérité n’a pas vraiment bonne presse aujourd’hui où tout le monde en appelle au relativisme et veut clamer sa vérité. Il faut dire aussi, comme le notait le philosophe, que la perception que l’homme a de la vérité a beaucoup changé. Dans le monde antique et au Moyen Age, la vérité ne pouvait qu’être belle. Cette vision a profondément changé, notamment avec les romantiques qui ont introduit cette idée que la vérité pouvait être plus désagréable que le mensonge et l’illusion. Pourquoi choisir la vérité dans ces cas-là ? Parce qu’elle est essentielle à l’homme, fait à l’image de Dieu qui est la Vérité. Rémi Brague citait Soljenitsyne évoquant, dans un de ses ouvrages, la souffrance terrible que représente le mensonge perpétuel :
« Le mensonge absolu, obligatoire, est la pire souffrance que nous impose le pouvoir. »
Qui pouvait également mieux nous parler de la vérité qu’un prêtre confronté régulièrement, de par sa fonction, au prince du mensonge ? Le père Duloisy, au franc-parler rafraîchissant, a tenté de montrer comment l’on pouvait se laisser purifier par la vérité. « Dans tout ce que vous faites, dans tout ce que vous dites, restez toujours en contact avec votre insignifiance. » Le ton est donné. Selon l’exorciste du diocèse de Paris, l’humilité est essentielle dans l’exercice de ces métiers de l’information et de la communication. Essentielle car il est nécessaire de s’effacer devant la Vérité. « C’est Dieu qui travaille. Il ne vous reste qu’à dire : Que Votre volonté soit faite. » « On ne possède pas la vérité, c’est la vérité qui doit nous posséder. » Il a également mis en avant l’importance d’une juste utilisation des mots. Car les mots ont leur signification, leur poids, leur portée et donc leur conséquence. Il n’est pas utopique de se battre pour un mot. Changer un mot c’est déjà travestir la réalité. Et il conclut : « Le meilleur remède contre le mensonge c’est le bon esprit de l’Evangile. »