Du Père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Les sorties de Marlène Schiappa, lorsqu’elles interviennent dans le domaine sportif, relèvent davantage de l’uppercut en boxe que du saut de valse en patinage artistique. Le 28 janvier dernier, lors de la présentation de l’opération « Sport Féminin Toujours », la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité femmes-hommes a ainsi plaidé pour que 50 % des diffusions sportives à la télévision concernent le sport féminin. « Les femmes constituent 52% de l’humanité, demander 50% des retransmissions, c’est déjà un compromis finalement » arguait avec ironie la ministre.
Au-delà de ce 50/50 qui fleure bon le 100 % de démagogie, c’est la logique qui interroge. S’il appartient tout à fait aux prérogatives du politique de veiller à la pertinence des programmes proposés sur les services publics, que ne lui tarde-t-il pas alors de se pencher sur l’effarante indigence de certains d’entre eux… Mais non, il faut croire que le regard se porte désormais ailleurs. A ”Nouveau Monde”, nouvelle façon de le voir. Les priorités ont changé de registre. La télévision s’attache dorénavant à jouer un autre rôle. Non plus le miroir de la vie réelle des gens, mais le tableau du progressisme idéal tel que le propose le feuilleton de France 3 Plus belle la vie. Un monde sans conflit, sans frontières, sans racine, sans contrainte sexuelle, sans transcendance, sans injustice. Parité, Egalité, Diversité : telle est la devise libératrice que l’on peut deviner sur les frontons de la bien-pensance !
Chesterton l’estimait fort justement : le monde moderne n’est pas méchant. Sous certains aspects, ajoutait-il aussitôt, il est même beaucoup trop bon. Selon sa lumineuse formule, « le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles ». Comme l’enfer se pave de bonnes intentions, comme les totalitarismes du XXe siècle se prévalaient de bons sentiments, le « Nouveau Monde » se donne bonne conscience. La parité contre le patriarcat. L’égalité contre les différences de nature. La diversité contre le modèle du mâle blanc, hétérosexuel, de plus de 50 ans, à l’image d’un Julien Lepers ou d’un Patrick Sébastien. Parce que le progressisme doit conduire inexorablement l’humanité à se libérer des contraintes qui jusqu’alors l’enchaînaient, sa marche est à suivre absolument, s’il le faut à coups de lois et d’amendes.
De ce fait, si le progressisme, au départ, n’a rien de méchant, son incarnation politique n’en devient pas moins problématique. Coercitif à tout prix dans l’idéal qu’il défend, le progressisme finit par s’égarer en « techniques de mise en œuvre ». Or la politique se définie non comme une technique mais comme un art. Plus précisément, celui du possible. Tandis que le monde des idées – et des idéologies – finit toujours par se heurter au réel, l’art du possible, lui, s’y mesure. Jamais sans doute dans l’histoire de l’humanité, la déconnexion n’aura été si profonde entre l’idéologie et le réel. La maitrise technique, les avancées scientifiques, la décontraction morale, peu à peu, ont conduit l’homme à nier sa condition originelle de dépendance. Et à oublier qui il est vraiment. Doté de pouvoirs remarquables au fur et à mesure des siècles, l’homme a-t-il seulement la capacité de les assumer sans avoir recours à une vie intérieure et s’étalonner par rapport à plus grand que lui, Dieu ? Que connaître de la nature, lorsqu’on fait fi de la sienne ? Que connaître du jeu de l’amour, quand on en réduit les hasards via des applications de rencontre ? Que saisir de la vie, si l’on ignore la valeur de son commencement et si l’on méprise l’importance de son terme ? Le progrès, poussé à l’extrême, arrache l’homme au réel et rend folles les idées chrétiennes. Petit tour d’horizon de trois d’entre elles.
La parité, Dieu l’a mise en place dès le commencement de la vie, jusqu’à en faire une condition intrinsèque à sa transmission. L’Eglise voit même dans cette parité l’expression de la complémentarité des sexes, si propice à l’éducation et à la construction personnelle de chacun. L’idée devient folle lorsqu’on cherche à l’imposer numériquement dans la société tout en la niant effrontément dans la procréation. Du 50/50 préfabriqué dans les assemblées d’élus ou sur les plateaux de télévision aux propos surréalistes de Macron, « votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle », telle est la déclinaison paritaire hors-sol dans la matrice progressiste.
L’égalité, Dieu l’a promise dans le jugement qu’Il réservera aux hommes. Chacun sera considéré au regard de ce qu’il aura reçu et de ce qu’il aura transmis. Cette égalité de traitement garantit à chacun de recevoir en toute justice, une fois l’heure venue, ce qui lui sera dû. La récompense ou la sanction. L’égalité devient folle lorsqu’elle se propose d’éradiquer toute forme de pauvreté et de redistribuer les cartes afin que chacun ait le même jeu en main. La sollicitude envers les plus démunis garde toute sa noblesse et son importance, penser pouvoir supprimer l’inégalité n’en reste pas moins une folie. « Des pauvres, vous en aurez toujours » avertissait déjà le Christ (Marc 14, 7).
La diversité, Dieu l’a voulue par le fait même du caractère unique de chaque homme. Cette diversité de physiques, de tempéraments, d’origines contribue à la richesse de la famille humaine et fonde sa solidarité sur une unité de vue : la pratique du bien. L’Eglise avec ses multiples familles religieuses, ses différents rites, ses spiritualités variées en témoigne. La diversité devient folle lorsqu’elle prétend donner à l’erreur les mêmes droits que la vérité. L’admission du mal entraîne sa banalisation, et sa banalisation conduit le plus souvent au mépris du bien. C’est ainsi que la logique diversitaire du progressisme se pâme de ses ouvertures pour finalement se dévoiler à sens unique. Et se déclarer passablement obtuse. Ah oui, vraiment : quel progrès !