Le cardinal Raymond Leo Burke a préfacé l’édition française du livre de Mgr Athanasius Schneider, Corpus Christi – La communion dans la main au cœur de la crise de l’Église. Paix Liturgique a publié cette préface. Extrait :
"[…] À partir du moment où l’on a compris la réalité de la sainte Eucharistie – c’est-à-dire, qu’il s’agit du Corps, du Sang, de l’Âme et de la Divinité du Christ donnés à l’homme comme pain céleste pour le soutenir spirituellement dans son pèlerinage terrestre et comme gage de sa destinée aux noces célestes de l’Agneau (Ap XIX, 9), – l’on commence aussi à comprendre la profonde révérence qu’il faut pour traiter et recevoir la sainte Eucharistie. Ainsi, au long des siècles, les fidèles ont fait la génuflexion en arrivant devant le Saint Sacrement et se sont agenouillés en adoration devant la Présence Réelle de Notre Seigneur dans la sainte Eucharistie. De la même façon, sauf circonstances extraordinaires, seul le prêtre ou le diacre touchait la sainte Hostie ou le calice contenant le Précieux Sang. Une des impressions les plus frappantes de mon enfance est cette grande délicatesse envers le Saint Sacrement que m’ont enseignée mes parents, notre curé et les religieuses de nos écoles catholiques. Je me souviens particulièrement des avertissements minutieux qui m’ont été donnés, avant d’être admis à aider le prêtre comme servant de messe, sur la révérence due à la Présence Réelle. […]
Dans ce sens, j’ai toujours été très inspiré par l’exemple de saint François d’Assise qui a pratiqué les plus grandes austérités dans sa vie religieuse de consacré, tout en insistant pour que le plus grand soin fût apporté à honorer le Saint Sacrement, même de façon somptueuse, et à n’utiliser que les matériaux les plus précieux pour le culte eucharistique. Saint François n’a pas hésité à avertir les prêtres (que leur office oblige d’abord à rendre honneur au Très Saint Sacrement), à propos de leurs manques d’égard envers cette réalité sacrée entre toutes.
À l’époque de ma Première Communion, le 13 mai 1956, la sainte Hostie se recevait à la Sainte Table, sur les lèvres et à genoux, les mains recouvertes d’une nappe. Cette manière de recevoir la sainte Communion m’a toujours frappé comme étant l’expression la plus haute de l’enfance spirituelle enseignée par Notre Seigneur (Mt XVIII, 1-4), et dont sainte Thérèse de Lisieux est l’une des figures les plus remarquables. À cette même époque de ma vie, mon père était gravement malade et il devait rester alité à la maison : il mourut au mois de juillet 1956. Je me rappelle la grande préparation et l’attention qu’il manifestait chaque fois que le prêtre venait lui porter la sainte Communion. L’on dressait une petite table à côté de son lit avec un crucifix, des cierges et une nappe spéciale. L’on accueillait le prêtre en silence à la porte avec un cierge allumé et, même si mon père ne pouvait pas se lever, tous restaient à genoux pendant la cérémonie.
Des années plus tard, en mai 1969, la pratique de recevoir la Communion dans la main a été autorisée, au jugement des Conférences épiscopales, en parallèle avec la pratique multiséculaire de recevoir la communion directement sur les lèvres. L’un des arguments avancés pour introduire cette deuxième option était l’existence d’un usage antique de recevoir la sainte Communion dans la main. Dans le même temps, l’instruction de la Congrégation pour le Culte Divin, qui permettait la pratique de la réception de la sainte Communion dans la main, soulignait le fait que la tradition multiséculaire de recevoir la Communion sur la langue devait être préservée en raison du respect des fidèles envers la sainte Eucharistie qu’exprime cette pratique. En ce sens, il est intéressant de noter que le Pape Paul VI (durant le pontificat duquel la permission de recevoir la sainte Communion dans la main a été donnée), dans sa lettre encyclique Mysterium Fidei sur la doctrine et le culte du Très Saint Sacrement promulguée quatre années avant la concession de cette permission, se réfère à un usage antique des moines vivant dans la solitude, ainsi que des chrétiens persécutés, selon lequel ils prenaient la sainte Communion avec leurs propres mains. Néanmoins, le Pape ajoute aussitôt que cette référence à un usage d’autrefois ne remet pas en question la discipline qui s’est répandue par la suite concernant la manière de recevoir la sainte Communion.
[…] Mgr Athanasius Schneider, pasteur d’âmes exemplaire, a fait face avec un amour courageux à la situation actuelle quant à la réception de la sainte Communion dans le rite romain. Puisant en sa propre et riche connaissance de la foi et de la pratique eucharistiques en un temps de persécution dans son pays natal, il a été poussé à étudier en profondeur cet antique usage de recevoir la sainte Communion dans la main, ainsi que son actuelle restauration. De façon claire et soignée, il explique le soin qu’avait la pratique antique d’éviter tout ce qui peut suggérer l’auto-communion – en soulignant l’aspect infantile de la Communion – ; et d’empêcher que même une seule parcelle ne soit perdue, et ainsi sujette à profanation. Il décrit aussi brièvement les étapes de l’introduction de l’usage actuel, qui diffère de manière importante de la vieille pratique de l’Antiquité.
Il présente ensuite soigneusement les conséquences les plus graves de la pratique actuelle de réception de la communion dans la main : 1) la réduction ou la disparition de tout geste de révérence et d’adoration ; 2) l’emploi pour la réception de la sainte Communion d’un geste habituellement utilisé pour la consommation des aliments ordinaires, d’où résulte une perte de Foi en la Présence Réelle, surtout parmi les enfants et les jeunes ; 3) la perte abondante de parcelles de la sainte Hostie et leur profanation consécutive, surtout en l’absence de plateau lors de la distribution de la sainte Communion ; et, 4) un autre phénomène qui se répand de plus en plus : le vol des saintes Espèces.
Prenant en considération toutes ces conséquences, Mgr Schneider dit à bon droit que la justice, – c’est-à-dire le respect du droit du Christ d’être reçu dans la sainte Communion avec la révérence et l’amour convenables, et de celui des fidèles de recevoir la sainte Communion d’une manière qui exprime au mieux l’adoration révérencielle, – exige que la pratique actuelle concernant la réception de la sainte Communion dans le rite romain soit sérieusement étudiée en vue d’une réforme dont le besoin se fait lourdement sentir. […]"
Sur l'histoire récente de la communion dans la main, voir aussi ce texte du Père Jean-Régis Fropo.