Le parlement est au régime covid depuis plusieurs semaines, à haute dose. On espère qu’il y aura moins d’effets secondaires qu’une prescription de remdesivir subventionnée par le ministère de la Santé et l’Union européenne pour administration aux malades en phase terminale.
Cela fait cinq textes d’état d’urgence sanitaire dont le Parlement a à débattre depuis le début de l’année :
- vote d’un état d’urgence sanitaire,
- prolongation de l’état d’urgence sanitaire,
- vote d’un texte pour accompagner la sortie de l’état d’urgence sanitaire,
- discussion entamée pour prolonger les mesures dérogatoires accompagnant la sortie de l’état d’urgence sanitaire mais qui a été prématurément interrompue, après que le Président de la République eut pris
- un décret en conseil des ministres instaurant de nouveau l’état d’urgence sanitaire dans notre pays qui est donc notre cinquième texte.
A cela s’ajoute un débat suivi de vote pour approuver le plan de confinement du gouvernement (le 29 octobre, à l’Assemblée nationale puis au Sénat) et les nombreuses questions d’actualité au gouvernement concernant la gestion de la crise sanitaire.
Comme le raconte M.Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois du Sénat le 29 octobre :
« À l’évidence, nous avons du mal à suivre les événements. Il y a quinze jours, nous discutions d’un projet de loi de prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. L’examen de ce texte a été interrompu, car le Gouvernement, face à l’épidémie galopante, a rétabli l’état d’urgence sanitaire. Il a assorti sa décision de couvre-feux territorialisés qui n’ont cessé de s’étendre. Il a ensuite estimé qu’il était de nouveau dépassé par la dynamique des contaminations et a donc décidé le rétablissement d’un confinement différent de celui de mars dernier. De la prorogation avortée de la sortie de l’état d’urgence sanitaire à ce nouveau confinement, nous avons vu les pouvoirs publics condamnés à surenchérir dans les restrictions aux libertés. Rarement, on aura vu un assaillant faire reculer à ce point les limites de l’action publique ».
Tous ces débats ont connu une sorte de paroxysme le 3/11 à l’Assemblée nationale, en séance de nuit (propice à l’expression de quelque fatigue), symbolisé par un énervement encore plus prononcé qu’à l’habitude d’un ministre de la Santé invitant les députés à « sortir d’ici », ce qui pourrait assimiler M.Véran à un quelconque squatter poussant dehors les occupants légitimes.
Dans tous ces débats, et avant d’arriver à une transcription plus détaillée du débat du 3 novembre, quelques points précis ont émergé :
- Après la pénurie, la frénésie de tests. Le 24 octobre, M.Véran indique « Nous avons augmenté le nombre de tests : désormais, il en est réalisé 1 700 000 par semaine». Et le 3 novembre, nouveau record (pour quoi faire ????) : « Deux millions de tests PCR sont effectués chaque semaine ». Dans la série « chéri, fais-moi peur », la confusion entre contaminés et malades. On sait qu’entre 40 000 et 50 000 personnes sont testées positives chaque jour en ce moment. Elles sont donc contaminées ; et encore, cela dépend de la fréquence de cycles utilisée par l’appareil d’analyse, qui n’est pas uniformisée au niveau national (Plus il faut de cycles pour rendre l’ARN perceptible -cette valeur est généralement comprise entre 10 et 45- moins il y a de virus dans l’échantillon prélevé). Reprenant un célèbre tweet de M.Véran (qui, opportunément n’apparaît plus sur son compte Twitter actuellement) et affirmant : 1 malade toutes les deux secondes. Or, il y a 86400 secondes par jour. C’est donc bien le nombre de contaminés. D’après Santé publique France, 37% des cas qui s’avèrent positifs ne présentent pas de symptômes. Ils sont donc porteurs mais pas malades
- Mme Bénédicte Pételle, député LaRem, le 3 novembre : « Un malade est déclaré toutes les deux secondes, une hospitalisation a lieu toutes les trente secondes, un décès toutes les quatre minutes ». Elle a bien appris sa leçon.
- L’effet d’intimidation par l’émotion, histoire d’entretenir la peur: Mme Avia (député LaRem), le 24 octobre :
« Mes chers collègues, hier, 298 de nos concitoyens sont décédés. Nous n’avons pas encore les informations de Santé publique France pour ce jour, mais on peut penser que, depuis le début de nos débats ce matin, à neuf heures, plusieurs centaines d’autres de nos concitoyens sont décédés. Ils ne sont pas morts d’un d’un « petit virus », comme j’ai pu l’entendre, mais d’un virus terrible, qui se propage encore trop vite dans notre pays, et qui tue. »
Jean Castex, le 3 novembre :
« Comme vous le savez toutes et tous, hier encore, plus de 400 personnes sont décédées de la maladie covid-19. Des dizaines de milliers de nos concitoyens, tous âges confondus, sont malades, avec des conséquences parfois très graves et des séquelles non moins lourdes ».
Le 3 novembre encore, M.Rémy Rebeyrotte, autre député LaRem :
« 426 décès du covid dans les dernières vingt-quatre heures… Près de 500 depuis vendredi dans les EHPAD. De tels chiffres ne méritent-ils pas à la fois du recueillement et une attention particulière à la nécessité du confinement ? Il faut être à la hauteur de la situation. Et la situation est grave : grave pour nos soignants, pour nos proches, pour nos parents, pour nos grands-parents, pour toutes les personnes de santé fragile et qui ont aujourd’hui une seule peur, celle d’être confrontées à ce virus, à la maladie et à la mort ! »
A quoi, d’ailleurs, M.Jean-Christophe Lagarde (député UDI) répond :
« Notre collègue Rebeyrotte aime les chiffres, alors en voici d’autres. L’Allemagne compte 80 millions d’habitants ; la France, 70 millions. L’Allemagne est à 10 000 cas de covid-19 par jour ; nous étions à 50 000 cas il y a quelques jours.Lorsqu’on constate que la France compte 4,5 fois plus de morts, d’hospitalisations et de cas que l’Allemagne, nous avons le droit de nous interroger !… Le Président de la République a dit que la situation était la même dans toute l’Europe. Y a-t-il un confinement général en Allemagne, dans tous les États allemands ? La réponse est non ! ».
Quelques bonnes questions sont posées, malheureusement restées sans réponse, comme le 29 octobre lors du débat au Sénat par M.Philippe Bonnecarrère (majorité sénatoriale) :
« Toute décision s’analyse à l’aune d’un bilan avantages-inconvénients, qui n’a pas été fait, au regard des effets de long terme du reconfinement. Aucun pays ne sort indemne d’une paupérisation, le « quoi qu’il en coûte » illimité n’existe pas. Où sont les études d’impact du reconfinement ? [Normalement, tout projet de loi doit être accompagné par une étude d’impact] Pas dans le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Quel est le bilan coût-avantages des différents scénarios ? Êtes-vous certain que nous n’aurions pas réussi à freiner l’épidémie autrement ? ».
Mais le point de discussion majeur lors de la discussion du projet sur le nouvel état d’urgence sanitaire concerne sa durée. Dans son article 1er, le Gouvernement y sollicite une prorogation de ce régime pour trois mois, c’est-à-dire jusqu’au 16 février 2021 puis automatiquement prolongé par application du régime transitoire de sortie de l’état d’urgence jusqu’au 1er avril 2021. Soit un total de 6 mois, refusé par les oppositions. Retenons que la durée initiale du premier état d’urgence sanitaire n’avait été que de deux mois. Le Parlement l’avait ensuite prolongée de deux autres mois.
C’est lors de cette discussion sur l’article 1er et la fin prévue de l’état d’urgence que Mme Josiane Corneloup (député LR) soutient l’amendement no 155 :
« En substituant, au premier alinéa de l’article 1er, la date du 14 décembre 2020 à celle du 31 janvier 2021, le présent amendement vise à faire en sorte que le Gouvernement et le Parlement fassent un nouveau point de situation avant les vacances de Noël, pour décider ensemble des mesures à prendre ».
Et nous voilà embarqué dans de la tambouille parlementaire sauce Vème république. En effet, le groupe LaRem s’aperçoit qu’il est moins nombreux que les députés des oppositions pour voter sur cet amendement et cherche à gagner du temps par des demandes de suspension de séance, le temps de rassembler les troupes.
L’opposition rétorque par des rappels au règlement, comme M.Antoine Savignat (LR) :
« Ce rappel au règlement concerne la tenue de nos séances et aussi le respect de l’ordre du jour au titre de l’article 48, madame la présidente. Nous savons tous que cette séance devait commencer à vingt et une heures précises, puisque c’est l’horaire imposé dorénavant par les circonstances, selon un ordre du jour et pour l’examen d’un texte voulus par le Gouvernement. Nous, députés du groupe Les Républicains, étions bien présents à vingt et une heures alors que les députés de la majorité, eux, n’étaient pas là ! Nous avons en leur absence examiné huit amendements, tous non seulement défendus mais aussi soutenus par leurs auteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des députés non inscrits) et, au moment de procéder au vote, la majorité a demandé une suspension parce que tous ces messieurs-dames avaient mieux à faire qu’à être là au moment du vote ! (Mêmes mouvements.) Nous sommes en train de débattre de ce que sera l’avenir des Français pour les six prochains mois, en train d’expliquer que le Parlement ne pourra pas siéger pendant ce temps pour contrôler le respect des libertés fondamentales, et je veux que les Français s’en souviennent et qu’ils le notent, car c’est une honte, un scandale ! » ;
puis Mme Emmanuelle Ménard (non-inscrit) :
« C’est un rappel au règlement sur la base de l’article 48, madame la présidente. Chaque fois que la majorité risque d’être mise en minorité dans cet hémicycle, on a droit au même cinéma, à la même arrogance que de la part de votre gouvernement ! Vous voulez avec ce texte les pleins pouvoirs, mais vous ne l’assumez pas ! La moindre des choses, le minimum de respect, serait de finir son dîner à l’heure pour reprendre les débats à l’heure ! Ce soir, on est en plein débat sur les commerces de proximité, qui sont en train de mourir ! (Mme Martine Wonner applaudit.) Et on nous taxe nous, députés de l’opposition, d’irresponsables ! Je prends à témoin les Français : qui est irresponsable ? Les députés de la majorité, qui préfèrent prolonger leur dîner, ou les députés de l’opposition, qui sont à l’heure pour poursuivre les débats dans cet hémicycle ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des députés non inscrits.)
Au final, l’amendement n°155 est adopté. Inacceptable bien sûr pour le gouvernement.
D’où l’arrivée précipitée d’un ministre de haut rang, M.Véran. Parce qu’il faut que vous sachiez que M.Véran participe chichement à tous ces débats parlementaires. Ceux-ci ne semblent pas franchement l’intéresser : soit il n’est pas là, soit il s’en extrait le plus vite possible. Il se fait alors représenter par ses seconds couteaux : Mme Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, qui essaie de faire son boulot sagement ; ou M.Taquet secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, très courtois et ça change beaucoup de M.Véran, ou encore le petit Attal, porte-parole du gouvernement, qui a voulu jouer au grand lors de la réponse à une question le 27 octobre de Julien Ravier :
« Monsieur le Premier ministre, qu’avez-vous fait pour préparer notre système de santé à cette deuxième vague ? Quelle nouvelle mesure d’urgence allez-vous prendre pour rattraper enfin le temps perdu ? quand allez vous réagir ? »
« Vos propos, monsieur le député, sont irresponsables. Oui, il est irresponsable, dans le moment que nous vivons, d’attiser les craintes, les doutes et les inquiétudes ».
La présence rare de M.Véran ne l’a, jusqu’ici, pas empêché d’apporter néanmoins sa patte au débat. Comme le 24 octobre, lorsqu’il dit que la Suède [qui n’a jamais confiné ni encore moins reconfiné] prend des mesures analogues à la France, ou lorsqu’il affirme :
« Chacun l’a compris : depuis des mois, nous informons les Français, nous leur apportons une information claire, loyale, appropriée – ce sont les termes qu’on utilise en médecine – et nous nous assurons qu’ils puissent la comprendre ».
Revenons au décor de cette séance de nuit. Le ministre est arrivé. Extraits copieux du compte-rendu de séance :
Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement identique no 57.
Raphaël Schellenberger (LR).
Je salue l’arrivée du ministre des solidarités et de la santé au banc du Gouvernement. Nous l’avons beaucoup attendu en première lecture, mais il nous honore de sa présence en nouvelle lecture !
Pierre-Henri Dumont (LR).
Ma question est très simple. Elle s’adresse aux trois ministres qui nous font l’honneur de leur présence ce soir – ils sont déjà plus nombreux que ne l’étaient les députés de La République en marche à l’ouverture de la séance…
[en plus d’Olivier Véran et de Mme Bourguignon, il y a aussi ce soir-là M.Alain, Griset, ministre délégué aux PME]
Philippe Gosselin (LR).
Je suis heureux de la présence de trois ministres ; cela fait des semaines que nous n’en avons pas eu autant, et nous avons ainsi affaire à une sorte de trinité – un triumvirat, peut-être ! C’est un honneur et un plaisir de vous avoir, mais, au-delà de l’accueil particulier qui vous est réservé ce soir, il faut que vous entendiez, madame et messieurs les ministres, la colère qui monte et qui gronde, pas seulement dans les campagnes mais partout en France. Pour que des décisions soient comprises et appliquées, il faut qu’elles soient lisibles et intelligibles. Or ce que vous proposez aux commerces de centre-ville et aux grandes surfaces pose vraiment problème. Vos propositions et vos méthodes sont illisibles, brouillonnes et incompréhensibles. Je m’adresse à vous, monsieur le ministre délégué chargé des PME – petites et moyennes entreprises –, car votre carrière plaide pour vous. Vous avez si longtemps, monsieur Griset, défendu avec talent et avec honneur les PME, à l’assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Combien de couleuvres et de chapeaux avez-vous avalé, ces dernières heures, et combien êtes-vous en train d’en digérer ?
Xavier Breton.
Les dizaines de milliers de commerçants qui nous regardent en ce moment, monsieur le ministre, vous voient pianoter sur un smartphone pendant que des arguments différents sont énoncés, en fonction des territoires dans lesquels nous vivons. Eh oui, l’indifférence que vous manifestez est complètement scandaleuse ! Vous êtes indifférent à ce qui se passe !
Enfin, le ministre parle :
« En application de l’article 96 du règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement demandera la réserve des votes sur les amendements et les articles de ce texte ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaRem – Exclamations sur les bancs du groupe LR.).
Mme la présidente. La réserve est de droit.
[Cela signifie qu’il n’y aura plus de vote, malgré la continuation du débat, jusqu’à un vote final groupé sur un texte présenté par le gouvernement (deuxième délibération), qui lui donnera l’occasion de réintroduire la date de fin de l’état d’urgence initial (ce qui a été voté lors de la séance du 4 novembre)]. Les esprits s’échauffent néanmoins dans la suite de la discussion.
Olivier Véran, ministre.
Mesdames et messieurs les députés, je n’étais pas avec vous au début de la séance, veuillez m’en excuser.
Je me suis rendu avec le Premier ministre dans les services des urgences et de réanimation du centre hospitalier sud-francilien, à Corbeil-Essonnes. Sur le trajet, les chiffres du jour sont tombés, avec la précision d’un métronome, dont le rythme va s’accélérer dans les jours à venir, hélas, au cours des vingt-quatre dernières heures, il y a eu 3 300 patients hospitalisés dans l’ensemble des hôpitaux français, 469 personnes admises en réanimation et 430 décès.
Aujourd’hui, un seuil a été franchi pour la région Île-de-France, raison pour laquelle nous avons fait ce déplacement : le cap des 1 000 patients hospitalisés en réanimation dans les hôpitaux franciliens a été dépassé.
Pendant près de dix minutes, les soignants nous ont expliqué qu’il fallait une spécialisation pour être capable de retourner un malade, de la position ventrale à la position dorsale, lorsqu’il est intubé et qu’il a des pousse-seringue pour l’aider à respirer parce qu’il est atteint d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë.
André Chassaigne. Vous mentez comme vous respirez !
M.Véran :
Ces soignants, mesdames et messieurs, nous ont aussi indiqué que des étudiants étaient venus en renfort. Ils nous ont parlé de leur capacité à faire face, malgré la fatigue, malgré la détresse qui est la leur dans cette période, alors qu’ils enchaînent jours et nuits de travail. Je suis entré dans deux chambres dans le service de réanimation de cet hôpital de Corbeil-Essonnes. Dans la première, il y avait un jeune homme, de vingt-huit ans,…
Jacques Cattin. Il va nous faire pleurer !
Olivier Véran,
…oui, de vingt-huit ans, dans le coma, intubé, ventilé, avec pas loin de dix pousse-seringue pour l’alimenter et lui fournir les médicaments essentiels pour le maintenir en vie. Dans la deuxième chambre, il y avait un homme en surpoids âgé de trente-cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
C’est ça la réalité, mesdames et messieurs les députés. Si vous ne voulez pas l’entendre, sortez d’ici ! La voilà, la réalité de nos hôpitaux ! (Très vives exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.) Vous êtes en train de débattre, alors que nos soignants se battent pour sauver des vies de cette manière-là dans nos hôpitaux ! (Les députés des groupes LaREM et Dem se lèvent et applaudissent longuement.)
Éric Diard (LR). N’utilisez pas les malades, monsieur le ministre ! C’est de l’instrumentalisation, c’est indigne !
Hubert Wulfranc (GDR). Six mois d’immobilisme !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
Olivier Véran.
Mesdames, messieurs les députés, quand j’ai quitté l’hôpital où je m’étais rendu avec le Premier ministre et que je suis rentré au ministère, le débat parlementaire était diffusé sur un écran de télévision. Lorsque j’ai vu les députés debout en train d’applaudir, j’ai demandé aux membres de mon cabinet : « Pourquoi applaudissent-ils ? Avons-nous vaincu l’épidémie ? Rendent-ils hommage aux soignants ? ». Et l’on m’a expliqué que les députés de l’opposition applaudissaient l’adoption d’un amendement fixant la fin de l’état d’urgence sanitaire à mi-décembre et la fin du confinement à la fin du mois de novembre, quoi qu’il arrive dans notre pays.
Pierre Cordier (LR). Il y a six mois, vous nous disiez de ne pas porter de masque !
Olivier Véran.
Le décalage était total et c’est pour cela que j’ai décidé de venir dans cet hémicycle ce soir.(Les députés des groupes LaREM et DEM se lèvent et applaudissent longuement. – Vives protestations sur les bancs des groupes LR et FI.) Un jour, j’applaudirai debout dans l’hémicycle : ce sera le jour où nous aurons vaincu la deuxième vague, le jour où nous aurons sauvé des vies, le jour où nous aurons libéré les hôpitaux et où nous pourrons avoir, pour la France, un regard confiant vers l’avenir. Ce jour-là, je serai debout à applaudir, pas avant !(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement.
Mme Mathilde Panot (LFI).
Il se fonde sur l’article 48. Monsieur le ministre, le chantage que vous êtes en train de nous faire est insupportable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et LR. Mme Agnès Thill applaudit également.) Tout le monde, ici, a conscience de la gravité de la situation, mais il est insupportable de vous entendre dire qu’il n’y a pas de solution alternative, comme l’affirmait Mme Thatcher en son temps. Oui, nous sommes une opposition qui s’exprime dans l’hémicycle ; oui, nous avons le droit de critiquer vos décisions, et nous continuerons de le faire. C’est ainsi que fonctionne la démocratie, que cela vous plaise ou non ! Non, le covid-19 ne vous donne pas le droit de piétiner notre démocratie !
Si vous êtes venu ce soir dans l’hémicycle, ce n’est pas parce que vous avez vu à la télévision une scène qui vous a horriblement choqué – à savoir un vote, l’expression d’un choix démocratique des députés. Ce soir, vous avez fait une première suspension parce que vous n’aviez pas le nombre de députés suffisant pour être en majorité. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Puis vous avez fait une deuxième suspension parce que vous avez perdu un vote. Une troisième suspension a suivi parce que vous aviez encore perdu un vote. La réalité – vous n’aimez pas l’entendre –, c’est que vous détestez la démocratie.
Il est beaucoup plus facile de se présenter devant un conseil de défense protégé par le secret défense, que d’accepter que le Parlement délibère et fasse des choix qui ne vous conviennent pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.
Philippe Gosselin (LR).
Il se fonde sur l’article 48. C’est avec consternation que nous constatons à quel point le débat dérape. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Il est important de rappeler pourquoi et comment nous en sommes arrivés là. À vingt et une heures, à la reprise des travaux, la majorité n’était pas présente.
Si vous aviez été à vos places, à occuper vos fonctions, jamais le débat n’aurait pu déraper. Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-mêmes !
Quant à vous, monsieur le ministre, faites-vous bien conseiller sur ce qui se passe dans l’hémicycle en votre absence. Nous n’avons pas applaudi à tout rompre parce que nous avions adopté un amendement, au motif que les Français seraient pris en otages ; c’est vous-même qui nous prenez en otages ! Vous jouez un jeu dangereux, méfiez-vous de l’effet boomerang ! En Normandie, nous avons un proverbe. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) « Quand tu craches en l’air, méfie-toi, ça te retombe sur la bouche ».
Un député LaREM. Ce sont des menaces, c’est un faux proverbe !
Philippe Gosselin.
Traduisez-le autrement si vous le voulez ! J’en terminerai avec les aspects démocratiques. Vous ne voulez pas que le Parlement se réunisse au sujet de l’état d’urgence d’ici au 1eravril. Vous voulez un long couloir, un long printemps qui succédera à un long hiver, sans que le Parlement puisse s’exprimer. Ce soir déjà, en demandant la réserve de vote, vous nous privez de notre expression, celle de la représentation nationale. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)Ce n’est pas ainsi que la concorde et l’unité nationales dont nous avons besoin se feront !
Au mois de mars, nous avons voté la première loi d’urgence à vos côtés.
Nous étions au rendez-vous, et il ne tient qu’à vous que nous soyons aujourd’hui au rendez-vous de l’histoire, à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au règlement.
Mme Valérie Rabault (PS).
Il se fonde également sur l’article 48. Monsieur le ministre, vous nous avez tous mis en accusation, alors que beaucoup d’entre nous ont voté, jeudi dernier, la déclaration du Premier ministre concernant le reconfinement. Vous nous racontez des épisodes tragiques auxquels vous avez assisté à l’hôpital. Pensez-vous sérieusement que nous ne nous rendons pas dans les hôpitaux, nous aussi, même si nous n’avons pas votre expérience ?
sans paraphraser, vous n’avez pas le monopole du désir d’assurer la santé et la sécurité sanitaire des Français, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR.)
Si vous assumiez une prise de décision démocratique, vous nous diriez clairement sur quels critères reposent vos décisions et à quel moment vous les activez.Je peux vous montrer la photo, prise aujourd’hui même, d’une cantine bondée où tous les jeunes déjeunent côte à côte, sans distanciation sociale. Dans ce reconfinement, vous faites deux poids, deux mesures. Vous demandez à douze millions de jeunes de se rendre dans leur école, leur collège ou leur lycée, alors que vous empêchez les petits commerçants de poursuivre leur activité. Comment expliquez-vous des décisions aussi divergentes ? Voilà ce qui ne fonctionne pas dans votre système : vos décisions sont anxiogènes parce qu’elles sont à géométrie variable, et que personne n’y comprend plus rien.
Certains articles du décret du 29 octobre sont de la bouillie, tant ils sont compliqués et illisibles. Pour réussir l’unité nationale, il faut une cohésion. Vous devez être capable de susciter l’adhésion à vos décisions. Or, c’est impossible, tant elles sont à géométrie variable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un nouveau rappel au règlement, après quoi j’ouvrirai la discussion.
André Chassaigne (PC).
Il se fonde sur l’article 48. J’ai été blessé par la façon dont le ministre des solidarités et de la santé s’est adressé aux parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR et LT.)Monsieur le ministre, chacun d’entre nous a son vécu, et vous n’êtes pas là pour tenir des propos humiliants. Je fais partie de ceux qui ont voté favorablement la semaine dernière. Je l’ai fait avec ma conscience. Ma décision n’a pas été facile, mais je ne la regrette pas. Dans le présent débat, je réfléchis avec une certaine humilité, car j’ai conscience qu’il n’y a pas solution miracle. Je ne sais même pas encore sur quel bouton j’appuierai lors du vote ; je suis dans l’expectative.
Sachez qu’hier, j’ai passé une partie de la journée à appeler des hôpitaux à Lyon et à Paris. Je n’utiliserai pas les mots qu’ont employés les gens qui m’ont répondu, mais la vérité des hôpitaux n’est pas celle que vous dites, monsieur le ministre – et vous le savez pertinemment. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)D’autres ici le savent, mais applaudissent quand même, et d’autres encore applaudissent parce qu’ils ne le savent pas ! (Protestations sur divers bancs.) Laissez-moi vous rapporter les témoignages que j’ai reçus – n’étant pas un spécialiste, je pourrai commettre des erreurs dans l’emploi de certains termes, vous m’en excuserez.
Premier exemple : dans un service qui avait douze lits de réanimation polyvalente et huit lits d’unités de soins intensifs en cardiologie, six de ces huit lits ont été supprimés et on a ensuite fait apparaître une augmentation artificielle du nombre de lits. Le service a tenu le coup pendant la première vague, mais avec la deuxième vague, ça commence à péter.
Deuxième exemple : un service qui comptait soixante-dix infirmiers et aides soignants a enregistré quinze départs liés à la fatigue, à l’usure et au manque de reconnaissance – y compris à la suite du Ségur de la santé. Sur les douze nouveaux diplômés qui sont arrivés, trois sont repartis. On me dit qu’il est possible de former des gens en six mois, mais en réalité, l’immense majorité a été formée en deux jours. (Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Les plus chanceux ont eu quinze jours de formation. Vous pouvez hocher la tête, mais c’est la réalité !
Mme la présidente. Je ne peux pas vous accorder un deuxième rappel au règlement, monsieur le président Lagarde – d’autant que les rappels au règlement qui viennent d’être faits n’en étaient pas toujours. Je vous donnerai toutefois la parole, puisque vous êtes le premier inscrit dans la discussion.
Article premier (suite)
Jean-Christophe Lagarde.
Je suis abasourdi par ce que je viens d’entendre et de voir, monsieur le ministre. Depuis dix-huit ans, je n’ai jamais entendu ni vu chose pareille ! Si vous étiez le ministre allemand de la santé, avec 10 000 morts du covid-19 et 10 000 cas par jour, vous pourriez donner des leçons à l’Assemblée nationale ou au Bundestag. En revanche, vous ne nous en donnerez pas avec 35 000 morts et 50 000 cas par jour ! Ce n’est pas nous qui sommes responsables de cette situation : nous vous avons voté les pleins pouvoirs à chaque fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LR. Mmes Danièle Obono et Agnès Thill applaudissent également.)
Quand un ministre s’énerve, comme vous l’avez fait, c’est parce qu’il se sent en échec. J’avais été admiratif de votre entrée en fonction dans un contexte difficile, mais je le suis beaucoup moins ce soir. (Protestations et claquements de pupitre sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous devriez vous souvenir que vous avez été un député de la République. Vous venez de reprocher à l’Assemblée nationale – parce que votre majorité n’était pas présente – d’avoir limité la durée de l’état d’urgence sans débat au Parlement. Il est pourtant légitime que l’Assemblée nationale débatte. Un jour, si vous êtes à nouveau député, vous vous en souviendrez !
Vous avez reproché à l’Assemblée nationale de déstructurer la loi. Mais pourquoi sommes-nous là, si ce n’est pour voter des amendements ? Sinon, supprimez le Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.
Christian Jacob.
Monsieur le ministre, vos propos ont été indignes, et vous-même avez été indigne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Pouvez-vous m’expliquer, les yeux dans les yeux, qu’il n’y a pas plus de concentration de population et de risques de transmission du virus dans les transports en commun ou dans les grandes surfaces que chez un coiffeur ou chez un cordonnier ?
C’est de la démagogie ! Vous avez été indigne des fonctions que vous exercez. Et je n’oublie pas que vous avez menti, monsieur le ministre. N’avez-vous pas expliqué, lorsque les masques manquaient du fait de votre incurie, qu’ils étaient inutiles et peut-être contre-productifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Danièle Obono marque son approbation.) N’avez-vous pas expliqué, lorsqu’il n’y avait pas de tests, que les tests massifs étaient complètement inutiles ? C’est ce que vous avez dit, à ce moment-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
N’avez-vous pas dit, lors du premier confinement, qu’il fallait passer de 5 000 à 14 500 lits de réanimation ? Aujourd’hui, 5 800 lits sont ouverts, et le Président de la République nous explique que la création de lits n’est pas une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) …
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue. La parole est à M. Christophe Castaner. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)
Christophe Castaner.
De quoi parlons-nous depuis trois jours ? Des commerces de proximité. J’ai été maire d’un bourg-centre pendant dix-sept ans et personne ici ne peut s’arroger le droit de parler au nom du petit commerce : il n’y a ici que des députés de la nation, qui sont les défenseurs du commerce de proximité.
Raphaël Schellenberger. Où étiez-vous en début de séance ?
Christophe Castaner.
N’éructez pas, monsieur le député ! Ce dont nous parlons ce soir, c’est du rythme du métronome de la maladie qui progresse dans notre pays – 3 300 hospitalisations ces vingt-quatre dernières heures. Ce métronome, hélas, se transforme en glas – le glas des morts que compte notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.). Nous devons tout faire, à chaque instant, chaque jour, chaque heure, chaque minute, pour lutter contre le virus. Et ce n’est pas en faisant de la démagogie que l’on combat le virus, mais en ayant du courage politique. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) C’est à ce courage politique que je vous invite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas (Libertés et territoires).
Monsieur le ministre, vous avez dit en arrivant que vous aviez honte ce soir. Nous aussi, nous avons honte – honte de vos mensonges. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Premier mensonge : vous avez affirmé que nous avions applaudi après avoir adopté un amendement mettant fin aux lois d’urgence sanitaire. Ce n’est pas du tout ce que nous avons fait. Nous avons adopté un amendement qui vous oblige à revenir devant les parlementaires pour rendre des comptes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.) C’est la démocratie. Vous avez également menti au sujet des vaccins contre la grippe. Vous savez très bien qu’il y a aujourd’hui une pénurie dans les EHPAD, auxquels a annoncé que les vaccins ne seraient pas livrés le 15 novembre et qu’ils le seraient peut-être en décembre, et encore… Vous devrez aussi nous rendre des comptes sur ces vaccins contre la grippe. Par ailleurs, vous dites que nous avons abîmé votre texte. Ainsi, la démocratie abîme votre texte. Le débat de jeudi était une parodie de démocratie : après une série de questions-réponses, nous avons procédé à un vote non contraignant. C’est aujourd’hui qu’a lieu le véritable vote, et vous nous dites que nous avons abîmé votre texte.
Fabien Di Filippo (LR).
Permettez-moi de regretter le déroulement du débat : nos attentes étaient fortes quant à l’expression démocratique qui devait avoir lieu ici ce soir sur l’équité que méritent les petits commerçants.
Ce soir, nous avons une secrétaire d’État mutique, un ministre délégué qui peine à lire certaines de ses fiches (Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM)pour nous prouver un point de vue qu’il ne semble guère approuver et un troisième ministre qui perd son sang-froid alors qu’il est censé être la personne clé de la gestion de la crise en France ! C’est dramatique.
…./…
La séance a été levée à zéro heure quinze. Le débat s’est achevé le 4 novembre par le retour au texte voulu par le gouvernement. Pendant ce débat, de nombreux amendements ont été proposés pour donner la possibilité d’assister aux liturgies, tous refusés par le gouvernement comme bien décrit dans Le Salon beige.
Gaudete
guignol ce véreux dans toute sa splendeur
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Ces débats parlementaires sont très instructifs
A regarder régulièrement au lieu de la télévision.
A.F
Rappelons que les chiffres de mortalité ne montrent aucune espèce de hausse par rapport aux années précédentes et que cette soi-disant crise liée à un virus “très” ? dangereux ? est imaginaire.