Dans La Croix du 14 mai, à propos du film consacré aux Cristeros, Claire Lesegrétain écrit :
« Forçant le trait sur la brutalité des soldats de l'armée fédérale, ce film oublie l'interdit évangélique de toute forme de violence, y compris pour défendre le Christ. De ce fait, ce Cristeros tient davantage du western que du film d'inspiration chrétienne. »
Hugues Kéraly répond dans L'Homme Nouveau :
"Trois contre-vérités (historique, théologique et spirituelle) en trois lignes seulement. Dans le seul quotidien soutenu par l’épiscopat français. Chapeau !
1. – Le film de Dean Wright minimise sensiblement la violence des Fédéraux
On n’y voit pas les drapeaux noirs aux tibias entrecroisés de l’armée fédérale. On n’y entend pas la sinistre sonnerie mexicaine du deguëllo, popularisée par le cinéma dans Fort Alamo (pas de quartier), ni ce cri de guerre qui se passe de traduction : Viva el Demonio ! Je n’ai pas vu non plus que le film ait consacré un seul plan aux plus épouvantables sacrilèges commis par les officiers de l’armée fédérale dans les églises, pour faire brouter par leurs chevaux les hosties consacrées, ou dans les cimetières des couvents, lorsqu’ils déterrent et décapitent les squelettes des moniales pour jouer au foot avec leurs têtes… On nous épargne aussi les émasculations systématiques des prêtres réfractaires, le viol des petites filles, les seins coupés des mamans ou l’éventration des femmes enceintes, en place publique, pour terrifier tous les villages qui abritaient des combattants. […]
2. – L’Évangile n’exclut pas les droits à l’insurrection
La loi d’amour évangélique en effet n’abolit pas les droits naturels de la légitime défense contre les assassins du corps, non plus que les droits spirituels contre les assassins de l’âme, qui peuvent conduire à l’insurrection nationale, codifiée dans la doctrine catholique de la « juste guerre » depuis saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. Il y faut notamment une violation certaine, grave et prolongée des droits fondamentaux : dans le cas du Mexique, la persécution administrative, pénale et sanglante des prêtres et des fidèles catholiques, en 1926, s’aggrave depuis près d’un siècle, pas moins ! Il y faut également avoir épuisé tous les recours pacifiques contre l’oppresseur : les Mexicains ont multiplié trois ans de suite les manifestations pénitentielles, les occupations d’églises, les processions publiques, les pétitions au Congrès, et jusqu’au boycott économique du gouvernement – en vain… On pourrait d’ailleurs s’arrêter ici. Quand un gouvernement fait ouvrir le feu au mauser et à la mitrailleuse lourde sur des femmes et des enfants qui défilent en aube, dans la rue, sous la seule protection du Saint Sacrement, quel homme d’honneur ne prendrait pas les armes aussitôt ? Savez-vous ce que demanda saint Augustin sur son lit de mort, le 20 août 430, dans Hippone assiégée, aux disciples qui pleurnichaient de le voir partir vers le Ciel ? Il les mit tous à la porte, avec ce simple commandement militaire : « Les Barbares sont aux remparts de la ville : allez-y donc ! ». Ce n’est d’ailleurs pas à l’Église de décider où et quand il est légitime pour les catholiques de se jeter dans la résistance armée, comme le rappelait Pie XI, le 28 mars 1937, dans une lettre aux prélats de la hiérarchie mexicaine :
« Quand le pouvoir se dresse contre la justice et la vérité jusqu’à détruire les fondements de toute autorité, on ne voit pas comment on pourrait condamner les citoyens qui s’unissent pour défendre la nation et se défendre eux-mêmes, par les moyens légitimes appropriés, contre ceux qui programment étatiquement leur malheur (…). L’utilisation de ces moyens, l’exercice des droits civiques et politiques dans toute leur ampleur, qui inclut les problèmes d’ordre purement matériel et technique ou de défense par les armes, ne sont d’aucune manière de la compétence du clergé ni de l’Action catholique. »
3. – Le beau film de Dean Wright reste éminemment spirituel
J’ai bien du mal à comprendre comment une journaliste du quotidien La Croix peut dénigrer avec tant de fiel « l’inspiration chrétienne » d’un film qui romance avec tant de talent « la grande bataille du Christ », selon Pie XI, et la plus grande insurrection catholique du XXe siècle, selon les seuls historiens français qui aient étudié la question… Au Mexique, une nation entière se mobilise sous les drapeaux du Dieu fait homme, elle marche vers les mitrailleuses et les canons de l’Antéchrist parce qu’elle refuse l’abdication des dernières libertés de sa foi. […]"