Le père Louis-Marie Guitton est prêtre du diocèse de Fréjus-Toulon, délégué diocésain pour la Pastorale de la famille et de la vie et responsable de l’OSP (Observatoire Socio-Politique) du Diocèse. Il répond aux questions du Rouge & Le Noir à l’occasion de la 6° édition des Universités d’été de la Sainte Baume qui aura lieu du 24 au 27 août 2016 autour du thème « Cultiver nos identités, Une nécessité pour dialoguer ». Extraits :
"L’université d’été de la Sainte Baume aura cette année pour thème central l’identité. Portera-t-elle uniquement sur le concept d’identité ou s’attachera-t-elle aussi à définir ce qu’est l’identité catholique et française ?
Il état important pour nous de ne pas s’enfermer dans une vision restrictive de ce thème en abordant uniquement la question de l’identité française. En réalité, cette notion analogique a des racines bien plus profondes. Ce n’est pas un hasard si saint Jean-Paul II a souligné la centralité de la question anthropologique : comment affronter les défis actuels si l’on ignore l’identité et la vocation de la personne humaine ? Il appartient à l’Église que d’annoncer la vérité sur l’homme. De plus, il y a un ordre de priorité : la « question française », pour importante qu’elle soit, n’est pas première. Quel est cet homme ? Quelle est sa famille ? Quelle est sa foi ? Quelle est sa culture ? S’il est chrétien, quelle est son identité politique ? Y a-t-il une identité européenne ?… Ce qui n’a pas empêché le même Jean-Paul II d’écrire des pages magnifiques sur son attachement à sa patrie dans l’un de ses derniers ouvrages : « Mémoire et identité. » Il est aussi important de pouvoir parler des relations entre violence et identité religieuse.
Pourquoi le questionnement identitaire est-il actuellement si grand en France ?
La question identitaire est certainement d’actualité en France. Encore faut-il bien poser le problème. Si l’on en reste à certains slogans réducteurs, on risque de tomber dans des polémiques stériles. Mais il est bien sûr légitime de s’interroger sur ses propres racines : quand on ignore d’où l’on vient, on a du mal à savoir où l’on va. Le Catéchisme de L’Église catholique place les rapports que l’on doit entretenir avec son pays dans le 4° commandement : « Tu honoreras ton père et ta mère. » Est-ce que j’entretiens des rapports de piété filiale vis-à-vis de ma patrie ? Comme dans bien des domaines il y a eu un travail de déconstruction et de culpabilisation en France. A tel point que poser la question de l’identité nationale est devenu délicat. Ce n’est pas en l’évitant qu’on apaisera les tensions.
Pour certains français, le christianisme est plus un vernis identitaire à défendre qu’une foi et une pratique religieuse. N’y-a-t-il pas ici un danger pour la foi chrétienne ?
Le mot « identitaire » est devenu douteux, en partie par l’utilisation malheureuse qu’en font certains groupes nationalistes. On recourt alors à la foi chrétienne, non comme une source toujours vivante, mais comme faire-valoir de certaines convictions politiques : c’est la réappropriation, parfois violente, d’une identité idéalisée. Il est urgent de se rappeler sans complexe ce que notre histoire et notre culture doivent à la foi chrétienne, sans tomber dans un « athéisme catholique », qui ne serait même plus chrétien. Conscient de ce que je suis, je deviens capable de dialoguer et d’accueillir celui qui n’a pas les mêmes racines. Un pays n’est jamais « un produit fini », froid et monolithique. […]"