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L'Eglise : Foi

Dans les déformations qui menacent la famille, l’homme devient un individu manipulable par le pouvoir

Monseigneur Livio Melina est Recteur d'un des plus influents groupes de réflexion du Vatican, l'Institut Pontifical Jean-Paul II pour les Etudes sur le mariage et la famille. L'Institut, qui a sa maison mère à Rome et onze sièges dans le monde, a été fondé en 1981 par le même Saint Jean-Paul II, le Pape de la famille, comme l'a défini son successeur François. Extraits d'un entretien traduit par Benoît-et-moi :

"[…] Sur le christianisme pèse en effet un fort préjugé puritain: de ce fait on identifie le christianisme avec la morale, la morale avec un système d'interdictions, et on pense que ces interdictions existent surtout en matière sexuelle, de sorte qu'au terme de cette série de fausses équations le christianisme est assimilé à la répression sexuelle. Comme le remarqua très intelligemment le Pape Benoît XVI dans l'encyclique Deus caritas est: sur le christianisme pèse l'accusation nietzschéenne d'avoir empoisonné l'expérience plus belle et attrayante de la vie. Survient ensuite ici une espèce de complexe de culpabilité des clercs, encore accru par les déplorables scandales de pédophilie. A la fin, non seulement est ainsi enjoint à l'Eglise le silence sur ce thème, mais aussi à l'intérieur de l'Eglise on finit par penser qu'il est mieux de se taire afin de ne pas faire obstacle à l'évangélisation. Le thème culturellement le plus imposant, le plus décisif du point de vue éducatif, est ainsi abandonné à la mentalité mondaine qui imprègne aussi les fidèles, qui en raisonnant de ces choses n'expriment désormais plus un sensus fidelium théologiquement significatif, mais une mentalité mondaine, à laquelle nous devrions tous nous convertir pour adhérer à la nouveauté du Christ, qui seule nous libère. Jésus ne fit pas de sondages lorsqu'il proposa le pardon des ennemis, l'indissolubilité du mariage, l'eucharistie ou la parole de la croix: il savait très bien ce que ses disciples pensaient. Il dit plutôt: " Voulez-vous vous en aller, vous aussi?".

Et donc, qu'est-ce qui est en jeu aujourd'hui?

Il faudrait méditer les paroles du pape Ratzinger dans un de ses derniers discours: celui du 22 décembre 2012 pour les vœux de Noël à la Curie romaine. Il dit que dans les mutations et déformations qui menacent la famille, avec la prétention des soi-disant présumés "nouveaux droits", avec la redéfinition du mariage, avec l'abrogation de la paternité et de la maternité, rien moins que l'identité humaine est en jeu: sans les relations constitutives qui nous donnent identité – fils, père, mère, époux et épouse, frère et sœur – l'homme est un individu fragile, manipulable par le pouvoir. Mais la question est aussi radicalement théologique; ce qui est en jeu, c’est le langage originel de l'humain, dont s'est servi Dieu dans la Révélation pour nous parler. Quels mots vont nous rester pour parler de Dieu sans le lexique de ces relations familiales? […]

La morale a mauvaise réputation aujourd'hui dans la société et même dans l'Eglise. Le discours courant a facilement comme objectif escompté le "moralisme". Non sans raisons: si on pense à la morale comme à une série d'interdictions qui limitent la liberté et prétendent violer la conscience, cela ne peut que justifier une aversion instinctive. Mais est-ce vraiment cela, la morale? D'ailleurs, lorsqu’on ne parvient pas à distinguer entre moralisme et authentique expérience morale, on finit dans l'arbitraire du subjectivisme, dans la subordination à ce qu'établissent les statistiques sur l'opinion prédominante ou dans un nouveau légalisme des règles, plus oppressant ("ne pas fumer dans les parcs publics", "ne pas devenir obèses", "ne pas manger la viande des animaux", "ne pas jeter les ordures dans la mauvaise poubelle "…). 

A la racine de cette réputation négative de la morale, il y a la fracture entre la personne et ses actions. Nos actions, comme l'écrivit Karol Wojtyla dans Persona e atto (En français: Personne et acte), sont expression de notre personne et en même temps elles nous construisent, elles sont nos parents, selon une observation suggestive de Saint Grégoire de Nisse: en agissant, en effet, non seulement nous provoquons des changements dans le monde extérieur, mais nous devenons ce que nous faisons, changeant avant tout nous-mêmes par nos choix. Celui qui vole devient un voleur et celui qui ment devient un menteur. Nous ne sommes pas un sujet abstrait construit indépendamment de notre agir: nous sommes un moi-en-action, qui réalise librement le don originel de son être à travers ses actions, dans les relations avec les autres et dans un contexte culturel qu'il contribue à configurer. C'est pourquoi nos actions ont toujours une dimension morale. […]"

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