On s’en doutait un peu, pour être des barbares forcenés de la charia, les talibans ne sont pas tous des imbéciles !
Non seulement ils ont fini par liquider un régime de corrompus et son armée minée par la multitude de leurs complices à tous niveaux mais ils ont, ce faisant, ridiculisé les Américains, leurs services secrets, leurs diplomates, leur président.
Et voilà qu’ayant parfaitement compris les mécanismes de la médiacratie occidentale et de son masochiste aveuglement généralisé, ils viennent en moins de 36 heures de rejouer le vieux coup de l’islamisme modéré. Ils s’inscrivent ainsi dans la maîtrise de la dialectique de « l’islam mains rouges » et de « l’islam patte blanche ». Et nos médias, pour la plupart, gobent cela avec gourmandise ! Nonobstant le fait que leurs nouveaux talibans « modérés » à Kaboul ont à peine secoué leurs mains encore sanguinolentes de toutes les amputations, décapitations, lapidations, supplices du fouet et autres applications de la sainte charia qu’ils ont perpétrés partout sur leur parcours et que leurs valeureux frères en jihâd continuent de pratiquer partout dans les plaines et les montagnes loin des caméras.
Toutes les palinodies diplomatico-médiatiques qui font suite à la chute de Kaboul et à la débandade américaine suscitent évidemment l’ironie, si ce ne sont de gros rires des Chinois et des Russes. Les premiers se délectent dans la perspective qu’avec un tel degré de bêtise yankee, Taïwan tombera bientôt dans leurs mains « comme un fruit mur » selon l’expression chère à Lénine. Les seconds savourent la revanche de l’histoire sur l’échec soviétique d’il y a plus de trente ans. Celui-ci fut d’ailleurs tout de même moins humiliant que celui de l’Amérique car sous la forme d’un retrait en bon ordre, sans précipitation, planifié, organisé après deux ans de maintien d’un pouvoir ne pouvant plus être soutenu par une URSS en processus d’effondrement.
L’indécente chute de Kaboul est le dernier épisode d’une longue suite américaine de débâcles précédées aussi de trahison :
1975 : abandon-panique de Saïgon en 1975 après la cessation du soutien matériel à l’armée du Sud-Vietnam qui, elle, se battait courageusement, héroïquement (sacrifice de ses unités paras à Xuan Loc…).
1978-79 : trahison du Chah d’Iran par le débilissime président Carter entraînant la prise du pouvoir par l’ayatollah Khomeiny, début de la propagation de l’incendie islamiste sur le monde.
1991 et suivantes : guerre du Golf, aberration du démantèlement sans solution de remplacement du régime baasiste, aux conséquences terribles (Daesch…).
Quant aux conséquences géopolitiques, politiques, morales, religieuses, civilisationnelles et sociales de la victoire talibane à Kaboul ce 15 août 2021, il faudrait être bien ignorant des phénomènes islamiques pour ne pas d’ores-et-déjà saisir qu’elles seront considérables et probablement presque toujours tragiques.
« Triomphe des guerriers d’Allah, défaite des roumis, des mécréants » : telle est la nouvelle qui a déferlé avec l’instantanéité des moyens de communications moderne dans toute l’étendue des pays réels de l’immense oumma, aussi bien dans la majorité sunnite que chez les chiites, tous exultant à la nouvelle de cet événement, par-delà leurs divisions et leur haine millénaire.
Les pays de la coalition alliée évacuent les Afghans qui, soldats, interprètes, employés de service, se sont compromis avec eux. On ne saurait au moins reprocher à monsieur Macron de ne pas vouloir répéter, fût-ce à une échelle bien moindre, le déshonneur jadis des abandons des catholiques du Tonkin et des harkis et supplétifs d’Algérie.
Hélas, hormis sur ce point, ses propos ont été marqués par son habituelle suffisance dans l’énoncé, main sur le cœur, de suffocantes promesses. Ainsi de l’assurance de « son soutien à la société civile afghane » (sic !). Tout commentaire est superflu. Dans la même veine, il a prodigué pour les femmes afghanes « leur droit de vivre dans la sécurité, la liberté et la dignité ». Ouf ! De Kaboul à Kandahar, nul doute que la fulgurante nouvelle de ce propos héroïque aura suscité chez toutes les femmes, qu’elles soient sous la burqa grillagée ou enveloppées de niqabs et autres hijabs, une formidable espérance de libération prochaine. D’autant qu’il a assorti sa belle affirmation de l’émouvante promesse que voici : « Le destin de l’Afghanistan est entre ses mains mais nous resterons, fraternellement, aux côtés des Afghans ». De quoi en effet rassurer fortement ces derniers ! Et peut-être inquiéter ces jaloux de talibans !
Passons ici rapidement sur l’étourdissante ineptie de sa comparaison des défis auxquels sont confrontés les Afghanes et les Afghans avec « les siècles de lutte » qu’il a fallu aux Français « pour bâtir une nation conforme aux plus grandes espérances humaines » (sic !). Il est vrai qu’il n’est pas de déclaration macronarde qui vaille sans haute intensité de délire…
Plus sérieusement pour l’heure, ne se souciant pas plus des droits de l’homme en Afghanistan qu’au Tibet ou ailleurs, heureux d’avoir bien conseillé les talibans, les Chinois se frottent les mains. À eux les terres rares du pays où les Américains ne reviendront pas de sitôt ! Et puis les talibans ne sont pas si fous qu’ils s’en prendraient à leurs ressortissants pour quelque infraction à la charia. D’ailleurs ne croient-ils pas qu’Allah est grand et qu’il a pu prévoir pour quelques temps un partage du monde entre l’islamisme et le communisme de Xi ? L’entretien, au mois de juillet dernier, de leur « numéro deux », le mollah Abdul Ghami Baradr, avec le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, n’était pas chose anodine. Quelques semaines à peine avant la prise de Kaboul n’annonçait-il pas que le départ des Américains signifierait aussi une discrète entrée des Chinois ?
Quid maintenant de la Russie, de l’Afghanistan ? Certes, ces derniers non plus ne sont pas partis et ont maintenu leur ambassade. Depuis quelques années d’ailleurs, n’avait-on pas vu s’établir puis se resserrer des liens entre la diplomatie russe et celle des talibans ? N’avait-on pas vu en 2018 Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, accueillir chaleureusement dans un grand hôtel de Moscou une délégation de talibans menée par un de leurs fondateurs Abdul Ghami Baradar ? La Russie, bien sûr, est plus éloignée de l’Afghanistan que la Chine. Celle-ci a au moins avec ce pays une petite frontière de 75 kilomètres. La Russie en est désormais séparée par des États qui furent des Républiques soviétiques. Mais à n’en pas douter, l’habile diplomatie poutinienne n’aura pas manqué, nonobstant les bonnes relations de leur pays et de la Chine, de faire jouer auprès des talibans le fait qu’il serait sans doute pour eux imprudent de ne pas équilibrer leur relation avec la Chine par d’aussi bonnes relations avec la Russie… On le sait bien, on n’est pas dans cette affaire dans un contexte politique « bisounours ». On est à la fois dans la brutalité des barbaries totalitaires de l’islam et du communisme et aussi dans leur redoutable finesse orientale.
Malheureusement, par malheur pour les Afghans et pour l’Occident, ce grand escogriffe hébété de Joe Biden n’était pas plus fait que ses prédécesseurs Obama et Trump pour comprendre les paramètres du conflit afghan et être en mesure d’éviter la catastrophe de Kaboul.
Quant au si arrogant et confus Emmanuel Macron, que n’a-t-il lu et médité parmi toutes les admirables fables de La Fontaine celle de « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf » ? Du moins, à n’en pas douter, fait-il sourire de même Xi, Poutine et le chef des talibans Haibatullah Akhundzada.