Philippe Maxence rapproche deux évènements récents :
"Ce début d’été a associé deux événements que l’on n’a peut-être pas assez rapprochés. Le premier est l’annonce de l’extension du domaine de la procréation médicalement assistée (PMA). Le second est le décès de Simone Veil, personnalité morale du système dans lequel nous vivons. À l’occasion de sa disparition, les grands médias et l’ensemble de la classe politique ont rendu des hommages appuyés à Simone Veil, vantant principalement son action en faveur de l’avortement. C’est à elle que revint, en effet, au début du septennat de Valery Giscard d’Estaing, comme ministre de la Santé, de porter devant l’Assemblée nationale la loi dépénalisant l’avortement, qui fut adoptée le 29 novembre 1974 avant d’entrer en vigueur le 17 janvier 1975.
Des hommages paradoxaux
À l’annonce de sa mort, les réseaux sociaux ont bruissé dans tous les sens à propos de Simone Veil. Nombre de défenseurs de la vie et quelques personnalités de droite ont souligné que pour l’ancienne ministre de la Santé, l’avortement « restera toujours un drame » et que sa loi, bien qu’elle le dépénalise, « ne crée aucun droit à l’avortement ». Dans le même sens, son opposition à la loi Taubira a été rappelée pour montrer qu’il n’était pas si simple de classer celle qui avait porté la terrible loi qui porte désormais son nom. À ce sujet, il est vrai que nous sommes devant une certaine injustice. Plutôt que « loi Veil », ce texte dépénalisant l’avortement, devrait porter le nom de tous ces promoteurs et s’intituler : « Loi Giscard-Chirac-Veil ».
Ce n’est évidemment pas ce rappel qui a été fait ces jours derniers, devant l’émotion qu’a suscitée la mort de Simone Veil, émotion avec laquelle il convient de prendre du recul. De manière étonnante, on a vu, au contraire, des défenseurs de la vie révéler des paroles privées de Simone Veil regrettant les conséquences de la loi qu’elle avait défendue. D’autres ont insisté sur ses qualités personnelles ou sur le reste de son parcours. La logique générale était d’affirmer qu’il ne fallait pas réduire Simone Veil à la loi sur l’avortement, que de toute façon elle en aurait regretté les conséquences et qu’elle était favorable à la famille vu son opposition au dit « mariage pour tous ». Faut-il vraiment insister ? Le problème n’est absolument pas là.
Simone Veil ou Jane Roe ?
Nous ne pouvons pas juger des intentions et de la personne de Simone Veil. Cela n’appartient qu’à Dieu et nous souhaitons le plus possible et sincèrement qu’elle a regretté d’avoir porté et défendu la loi sur l’avortement. Même s’il faut rappeler, là aussi, qu’à péché public, contrition et réparation publiques. Aux États-Unis, Jane Roe, qui a été instrumentalisé pour faire passer la loi sur l’avortement, a regretté publiquement d’avoir contribué à cette loi mortifère et a consacré le reste de son existence (difficile) à lutter publiquement contre l’avortement. Mais encore une fois, le problème n’est pas d’abord dans la personne de Simone Veil et/ou dans ses éventuels regrets. Ce n’est pas elle que nous jugeons, mais la politique mortifère qu’elle a portée.
Cette loi sur l’avortement illustre une fois de plus la fameuse théorie du cliquet. Comme l’a démontré Yves-Marie Adeline, non seulement la droite porte les projets sociétaux de la gauche, mais une fois que le cliquet s’est refermé, il est impossible de revenir en arrière. Et c’est ainsi que l’on avance à chaque fois, un peu plus, passant de la dépénalisation de l’avortement (loi Veil) à la disparition de la notion de « situation de détresse » prévue par la loi Veil (elle n’est plus exigée depuis 1980 et supprimée depuis 2014), la possibilité pour les mineures d’avorter sans autorisation parentale (2001) en passant par son remboursement par l’assurance-maladie (1982/2013), la création du délit d’entrave à l’avortement (1993) et la sanction de tout délit d’entrave à l’information sur l’avortement.
La théorie du cliquet en acte
Simone Veil, c’est la théorie du cliquet en acte. Plus exactement, avec loi Neuwirth sur la contraception, c’est le début de la mise en place d’un processus, qui a conduit logiquement à un droit de l’avortement, à la répression des opposants à la loi sur l’avortement, à la (fausse) loi sur le « mariage pour tous ». Et, demain, à la PMA et à la GPA. S’il faut reconnaître le souci de la vérité et de la justice vis-à-vis d’une personne, que manifestent les jugements parfois étonnants de certains défenseurs de la vie, il convient aussi de s’étonner sur leur ignorance de la logique des institutions et des lois. Le pape Pie XII l’avait pourtant déjà signalé :
« De la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes » (discours du 1er juin 1941).
Ce sont les lois qui informent la société. Ce sont elles qui l’orientent, et parfois durablement. La personne de Simone Veil n’appartient qu’à Dieu. Lui seul sonde les cœurs. La politique qu’elle a portée et qui a ouvert la porte à la situation dramatique dans laquelle nous sommes appelle le jugement de l’Histoire et le combat politique."
N'oublions pas non plus que la loi légalisant la pilule contraceptive, sous le général de Gaulle, préparait celle sur l'avortement.
A l'occasion des obsèques de Simone Veil, mercredi, appelons les catholiques à prier le chapeler et les prêtres à célébrer des messes, pour le salut de son âme.