Partager cet article

France : Société

De la peine de mort

Comme Jacques Chirac souhaite inscrire l’abolition de la peine de mort dans la Constitution, il apparaît nécessaire de revenir sur ce sujet. Le Catéchisme de l’Eglise catholique soutient que : "l’enseignement traditionnel de l’Eglise n’exclut pas le recours à la peine de mort si cette dernière s’avère être la seule voie praticable dans la défense efficace de la vie des êtres humains face à l’agresseur injuste. Si, à l’inverse, ces moyens pacifiques sont suffisants pour se défendre de l’agresseur et pour protéger la sécurité des personnes, l’autorité se limitera à ces derniers, étant donné qu’ils sont les plus à même de répondre aux conditions concrètes du bien commun et les plus conformes à la dignité de la personne humaine."(CEC, n. 2267)

Item reprend cette semaine le dossier établi par l’Homme Nouveau sur ce sujet : "L’abolitionnisme moderne dénonce les applications lamentables de cette peine dans certains pays, puis induit un rejet de principe. Ces deux plans différents ne sont pas distingués, empêchant de poser la question de légitimité possible de la peine. En fait, cet «empirisme» s’appuie sur un fond théorique qu’il faut tirer au jour :

• une conception individualiste et utilitariste morale et sociale stricte de la vie humaine.
• Une négation de la différence préexistante à la subjectivité entre ce qui est bien et ce qui est mal (c’est le péché d’Adam) ; le Droit et la Loi ne sont alors que des régulations sociales, sans contenu de responsabilité morale ; ce positivisme juridique est fermé à la dimension sacrée de la notion de justice ancrée dans toute conscience.
• Une ignorance parfaite d’une destinée de l’homme au-delà de sa fin terrestre.
 

Pourtant l’opposition ou l’émotion face au drame réel qu’est toute mort ne peut faire fi d’aspects essentiels sur le plan de la justice et du droit naturels :
cette peine est moins détestable que le crime qui y a mené.
• Si une sanction légale ne peut moralement viser à exercer une vengeance, elle ne peut non plus se réduire à un rôle curatif pour une réintégration sociale, ni seulement non plus dissuasif : elle vise à une expiation compensatoire pour le crime commis.

Penser que la peine de mort empêcherait cette expiation, c’est ramener l’expiation à la réparation alors qu’expier est bien plus : c’est pour, autant que faire se peut, même imparfaitement, payer à son prix le bien lésé. L’ordre de la Justice dépasse celui de l’utilité publique ou personnelle, il participe du sacré inhérent à l’ordre harmonieux du monde. C’est cela qui distingue l’ordre moral réel de la barbarie civilisée. (et l’actualité récente nous ramène à la barbarie). Quant à la légitimité du pouvoir d’État, Pie XII remarque : «Même quand il s’agit de l’exécution d’un condamné à mort, l’État ne dispose pas du droit de l’individu à la vie. Il est réservé alors au pouvoir public de priver le condamné du bien de la vie en expiation de sa faute après que par son crime il s’est déjà dépossédé de son droit à la vie». 

Nul n’a un droit inconditionnel à la vie : il faudrait d’abord exister. Or c’est Dieu qui nous donne cette existence, premier degré de participation à son Être. Et il le fait librement : le «droit moral» au bien de la vie dépend de la conformité de son usage à la volonté de Celui qui nous y a fait entrer. Ce qui implique aussi d’accepter d’y renoncer à l’heure qu’il aura choisie, quelle que soit la figure que la mort prendra. Le seul droit inviolable c’est le droit à la fin dernière, donc à la vérité, à la vertu et à leurs moyens nécessaires.

Michel Janva

Partager cet article

13 commentaires

  1. La peine de mort peut même se révéler un devoir chrétien si de son absence devait découler la mort de nos femmes et de nos enfants.
    C’est ce qui justifie d’ailleurs l’emploi de la force armée contre un ennemi capable de tuer. Ne rien faire est se rendre complice de crimes, donc de pécher contre le 5ème Commandement.

  2. je pense au contraire que la peine de mort est dans la plupart des cas plus détestable que le crime qui y a amené. Car elle est faite en conscience, pour se faire bonne conscience tout en prenant plaisir de manière extrêmement perverse à donner la mort (suprême pouvoir).
    La mort dans le cadre d’un conflit est une question tout à fait différent, c’est ici un devoir de défendre sa famille, sa patrie.

  3. Non, c’est exactement le même cas: défendre sa famille, sa patrie, son prochain; lorsqu’il assassin d’enfants est libéré au bout de 18 ans de prison, nous avons le devoir de défendre les nôtres.

  4. Non Olivier, tu es dans un dualisme : ce n’est pas “soit la peine de mort”, “soit de la prison pendant 18 ans” :
    La peine de mort ne doit pas être une solution de replie. Il doit pouvoir éxister la prison à perpétuitée.

  5. Le seul problème Nicolas, c’est que l’abolition de la peine de mort a entrainé, de fait, la supression de la peine qui, immédiatement après, était la plus sévère : la réclusion criminelle a perpétuité…puis la peine de 30 ans, etc…Lorsqu’on l’on supprime la clef de voute tout l’édifice s’effondre.
    De plus, les opposants d’hier à la peine de mort, sont les opposant d’aujourd’hui aux peines longues…
    Seul le rétablissement de la peine de mort peut faire “remonter” les autres peines.

  6. On est encore dans la logique du pire …
    cela ne va pas !
    Le cardinal Ratzinger disait lui même que dans le monde actuellement, il n’y avait aucune raison valable celon la morale catholique à rétablir la peine de mort.
    Rétablir la peine de mort, c’est n’avoir plus foi en l’homme, donc en Dieu.

  7. CEC 2267 (version 1998, c’est une rubrique qui a été reformulé dans la version définitive) :
    « l’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas […] le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’être humains »
    Evangelium vitae (1995) :
    « Les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable sont désormais assez rares, voire pratiquement inexistants »
    Catéchisme pour adultes 588 :
    « le chrétien ne peut que se réjouir de voir ainsi se développer le sens du respect absolu de la vie », et que si « la justice doit être assurée et la société protégée, […il n’en reste pas moins que] quels que soient ses crimes, une personne humaine reste un enfant de Dieu que l’on doit respecter comme tel. L’espérance chrétienne croit toujours l’homme capable de s’amender.»

  8. Le cardinal Ratzinger n’a jamais dit que “dans le monde actuellement, il n’y avait aucune raison valable selon la morale catholique à rétablir la peine de mort.”
    Le catéchisme édité par le cardinal dit que le recours à la peine de mort n’est pas exclu (il est donc possible et de lui meme ne peut etre exclu de la doctrine catholique) mais que les circonstances militent pour qu’il ne soit pas appliqué. L’ennui est que ce n’est pas au catéchisme d’apprécier les circonstances : cela n’est pas son rôle. Son role est de donner les principes de la foi et de la morale. Les jugement circonstanciels relèvent en propre de la prudence des gouvernants et législateurs. Aussi beaucoup ont compris la phrase de travers et pensent que “l’église demande d’abolir la peine de mort”. De hauts ecclésiastiques militent en ce sens, mais ils n’engagent alors qu’eux meme, pas l’Eglise.
    Par ailleurs le cardinal Ratzinger énonce dans le sel de la terre un principe moral important : ne pas confondre la valeur d’une vie innocente d’une vie coupable : « Dans la peine de mort, quand elle est appliquée selon le droit, on punit quelqu’un qui s’est rendu coupable de crimes très graves prouvés, et qui représente aussi un danger pour la paix sociale ; c’est donc un coupable qui est puni. Tandis que, dans le cas de l’avortement, la peine de mort frappe quelqu’un d’absolument innocent. Et ce sont deux choses totalement différentes, que l’on ne peut pas comparer. » Cardinal Ratzinger, Le sel de ta terre Flammarion/Cerf (1997) p.199
    Je conseille à Nicolas de lire l’article complet de l’homme nouveau 1362 du 4 février qui traite avec finesse cette question

  9. « “l’église demande d’abolir la peine de mort”. De hauts ecclésiastiques militent en ce sens, mais ils n’engagent alors qu’eux meme, pas l’Eglise. »
    Et lorsque ces « hauts ecclésiastiques » sont les Papes en personne, ils n’engagent pas l’Église?

  10. Non, car Benoit XVI n’a jamais appelé à abolir la peine de mort.
    Et bien d’autres Papes s’en sont servi avant lui!

  11. C’est juste, il a uniquement dit que dans une société moderne, les conditions invoquées par le Catéchisme pour légitimer la peine de mort étaient « pratiquement impossibles » à réunir.

  12. Un jugement circonstanciel sur les conditions contingentes de la société moderne ou pas ne relève pas du magistère de l’Eglise qui n’a pas mission pour cela mais d’un jugement de prudence personnelle qui n’engage que son auteur. Penser que les “cas d’absolue nécessité de la peine de mort sont très rares sinon inexistants” est un jugement sociologique et non magistériel (impliquant la foi et les moeurs). L’Eglise est tenue de donner les principes mais n’a pas à se substituer aux consciences dans leur devoir d’état (législateurs etc). Une caricature, à effet pervers, du catholicisme serait de faire passer le rôle du Magistère notamment pontifical, pour celui de Madame Soleil.

  13. St Thomas d’Aquin était favorable à la peine de mort ; St Augustin y était opposé! Le débat ne date pas d’aujourd’hui!

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services