Minute a analysé le projet de loi constitutionnel qui fait débat actuellement et tire la sonnette d'alarme :
"[…] Le propre de la Constitution est qu’elle s’impose à la loi ordinaire. Aucun texte ne peut être adopté qui irait contre ses principes, sauf à être déclaré inconstitutionnel. Or dans sa forme actuelle, elle est beaucoup moins restrictive : son article 34 se contente d’indiquer que la loi fixe les règles concernant la nationalité. Celles-ci relèvent du Code civil, qui offre des possibilités… qui n’existeront plus demain ! On peut même affirmer que si le projet de loi est adopté par le Congrès, plusieurs articles du Code civil risquent de devenir anticonstitutionnels et de devoir être abrogés !
Les articles 23-7 et 23-8 du Code civil, qui porte sur la perte de la nationalité, sont concernés au premier chef. La différence entre la « déchéance » et la « perte » résulte du mode d’acquisition ; peut être déchu de sa nationalité celui qui l’a acquise ; peut la perdre (ou se la voir retirée) celui qui est né français. En n’opérant pas cette distinction, le projet de loi constitutionnelle recouvre de facto les deux.
L’article 23-7 prévoit que « le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’État, avoir perdu la qualité de Français » ; l’article 23-8 prévoit que « perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n’a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l’injonction qui lui en aura été faite par le gouvernement. »
Or c’est justement cet article 23-8, qui n’exige pas que l’intéressé ait été condamné pour lui retirer la nationalité française, qui aurait dû permettre de déposséder de leur nationalité française, non pas les futurs terroristes mais les centaines ou milliers de Français partis faire le djihad en Syrie, action qui relève sans discussion possible de l’« emploi dans une armée étrangère » ! La mesure aurait un deuxième avantage, non négligeable : la question de leur retour en France ne se poserait pas (à condition bien sûr que les contrôles aux frontières soient efficaces) puisque, étant déchus de la nationalité française, ils pourraient être interdits de retour en France.
Les juristes que nous avons consultés sont formels : si l’article 23- 7 ne s’applique qu’aux seuls binationaux, l’article 23-8 – qui n’a pas été appliqué une seule fois depuis quarante ans ! – vise, lui, tous les Fran- çais, qu’ils possèdent ou non une autre nationalité, et dussent-ils devenir apatrides, ce que la loi française autorise, ainsi que nous l’expliquerons en détail dans notre prochain numéro.
Dans l’argumentaire que Jean-Christophe Cambadélis a adressé aux cadres du Parti socialiste, le premier secrétaire du PS voit juste : après incription dans la Constitution que seuls les binationaux responsables d’actes terroristes pourront être déchus de leur nationalité, écrit-il, « aucune loi simple ne pourra étendre les cas de déchéance pour des citoyens nés français ».[…]"