A l’occasion du salon du Bourget, Aymeric Chauprade, député européen jusqu’en juillet prochain, géopolitologue et fondateur du cabinet de conseil Lee&Yoon GmbH, répond à Valeurs Actuelles. Extraits :
On va sans doute beaucoup parler, durant ce salon, du SCAF, l’avion européen du futur. Est-ce que ce projet matérialise pour vous la réalité du moteur franco-allemand vanté depuis si longtemps ?
Le Système d’avion de combat (SCAF) est une bonne idée. Français et Allemands (rejoints récemment par les Espagnols) coopèrent avec un leadership de la France sur ce projet tandis que pour le char du futur franco-allemand (MGS, Mounted Gun System), le leadership est laissé aux Allemands. Le SCAF est un symbole autant politique que militaire en direction d’une Europe-puissance au sein de laquelle la coopération industrielle franco-allemande doit être motrice. Mais passé l’enthousiasme européiste, il faut quand même regarder la réalité en face.
Tout d’abord, dès que vous avez une volonté d’unité européenne franco-allemande, vous avez une contre-offensive britannique visant à diviser. Paris-Berlin lance le SCAF, Londres lance alors le projet Tempest. Qui les Anglais vont-ils rallier ? Les Italiens peut-être ? Les Indiens ? Ils y ont pensé mais cela semble compliqué pour les raisons que j’évoquais précédemment. Nous sommes donc bien loin d’un futur avion de combat européen unique, acheté par les nations européennes grâce à un « Buy European Act ». Déjà au moins deux projets d’avion du futur européen coexistent, et les Américains continuent en plus à vendre leurs avions de combat aux Néerlandais, aux Belges, aux Slovaques, aux Polonais etc.
Mais revenons au SCAF. Si nous voulons avancer, alors il nous faut rapidement passer aux démonstrateurs. Et pour cela, il nous faut une vraie volonté de la part de Berlin. Quand je vois les députés allemands traîner des pieds au Bundestag, je me demande si nous ne risquons pas un enlisement des projets franco-allemands, aussi bien l’avion que le char. Deuxièmement, il y a un point qui m’inquiète presque encore plus : l’export. Avant de décider de coopérer, Berlin et Paris n’ont pas accordé leur violon sur ce sujet sensible. On le voit dans le cas de la guerre au Yémen, les exportations d’armes sont mises en péril essentiellement par l’Allemagne sous la poussée de mouvements gauchistes. Oui les Allemands m’inquiètent beaucoup quant à l’avenir des exportations d’armes européennes !