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Culture de mort : Euthanasie

Des congrégations religieuses hospitalières obligées de pratiquer l’euthanasie ?

Des congrégations religieuses hospitalières obligées de pratiquer l’euthanasie ?

Des supérieures de congrégations religieuses hospitalières alertent dans une tribune publiée dans Le Figaro sur l’obligation qui leur serait faite – sous peine de poursuites pénales – d’accueillir la pratique de l’euthanasie dans leurs établissements, selon la proposition de loi sur « le droit à aide à mourir ».

« Si ce texte était adopté, nous n’aurions pas d’autre choix que l’objection de conscience. Nous serions alors des délinquants au regard de la proposition de loi, coupables de « délit d’entrave », et passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Nous nous exposerions aussi à la sanction des Agences régionales de santé. Il s’agit de la législation la plus répressive au monde en la matière. Aucun autre pays ne prévoit une répression pénale contre les établissements objecteurs. »

Depuis des siècles, des ordres et congrégations catholiques pratiquent « l’aide à mourir » comme le Christ l’enseigne, en respectant la dignité ontologique inaliénable de tout être humain. Elle consiste en une « aide à vivre » à l’approche de la mort, c’est-à-dire à soulager toujours, à montrer aux patients, par les soins, que leur vie est précieuse quel que soit leur état de dépendance ou le stade de leur maladie, à les accompagner par la prière ou une simple présence jusqu’à leur mort naturelle, avec toutes les compétences que cela requiert.

Pour nous, responsables d’établissements catholiques de santé et médico-sociaux, il est donc inconcevable de participer à l’euthanasie des personnes qui nous sont confiées, ou de les assister dans leur suicide. Ce serait une atteinte à leur vie, en complète contradiction avec le bien des patients, notre raison d’être et notre foi. Cela nous est strictement impossible, non seulement en raison de notre foi, mais aussi par respect pour les patients et la médecine. En cela, nous rejoignons tous les soignants opposés à ces pratiques.

Or, la proposition de loi, actuellement examinée par le Sénat, nous ferait l’obligation d’accepter la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté dans nos établissements, sur les personnes qui nous sont confiées. Cette obligation s’imposerait à tous les hôpitaux, cliniques, maisons de retraites (EHPAD), foyers d’accueil pour personnes handicapées ou en situations d’urgence, etc., publics comme privés, y compris à tous les établissements confessionnels. La proposition de loi stipule que « le responsable de l’établissement ou du service est tenu d’y permettre » la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté.

Une telle obligation serait une violence impossible à supporter, car elle nous obligerait à collaborer personnellement avec la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté, en nous en rendant complices. Cela porterait aussi atteinte à toutes les personnes qui choisissent nos établissements parce qu’elles partagent notre foi ou savent que nous respecterons leur vie et celles de leurs proches. Nous voulons rester fidèles au service des patients, à la finalité thérapeutique de la médecine, et à Dieu.

Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne clairement à propos de l’euthanasie qu’« une action ou une omission qui, de soi ou dans l’intention, donne la mort afin de supprimer la douleur, constitue un meurtre gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect du Dieu vivant, son Créateur. » (n° 2277). Quant à la coopération volontaire au suicide, elle « est contraire à la loi morale » et « à l’amour du Dieu vivant » (Catéchisme de l’Église Catholique n° 2280 à 2282).

Si ce texte était adopté, nous n’aurions pas d’autre choix que l’objection de conscience. Nous serions alors des délinquants au regard de la proposition de loi, coupables de « délit d’entrave », et passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Nous nous exposerions aussi à la sanction des Agences régionales de santé. Il s’agit de la législation la plus répressive au monde en la matière. Aucun autre pays ne prévoit une répression pénale contre les établissements objecteurs.

Une telle obligation mettrait ainsi en péril nos établissements, et notre raison d’être. C’est pourquoi nous demandons instamment que le caractère propre des établissements confessionnels de santé et médico-sociaux soit respecté, si ce texte devait être adopté, ce qu’à Dieu ne plaise. C’est une question de justice.

C’est aussi un droit fondamental. Le respect du caractère propre des établissements confessionnels est reconnu par le droit européen et international des droits de l’homme qui protège notre liberté de fonctionner dans le respect de nos convictions morales et religieuses, « contre toute ingérence injustifiée de l’État ». La Cour européenne des droits de l’homme a souvent souligné que la liberté de religion serait illusoire sans le respect de ce « principe d’autonomie », qui résulte des libertés d’association et de religion. Car la liberté de religion est par nature collective et protège aussi les communautés et institutions fondées sur l’adhésion à une religion.

En outre, le droit à l’objection de conscience est l’un des aspects de la liberté de religion. Il consiste en « une protection contre l’obligation d’agir à l’encontre d’une conviction religieuse sincère », selon les termes du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Or, comme le soulignait le président de ce comité, Sir Nigel Rodley, « le droit de refuser de tuer doit être accepté complètement ». Il serait injuste de ne prévoir une clause de conscience que pour certains professionnels de santé, et d’en exclure les établissements. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe l’a d’ailleurs rappelé, dans une résolution de 2010 sur « le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux », en affirmant que « nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d’aucune sorte pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister (…) une euthanasie (…), quelles qu’en soient les raisons ». Nul ne devrait être forcé, de près ou de loin, à donner la mort ou à faciliter un suicide. Ce droit est élémentaire et nous en demandons le respect.

Liste des signataires : 

Sr Maria del Monte Ruiz Garcia, Supérieure Générale des Petites Sœurs des Pauvres ;

Sr Marie-Anne Marot, Filles de Sainte Marie de la Providence de Saintes ;

Hugues Morel, Président, et Edouard Petit, Directeur général de l’Alliance Basile Moreau ;

Sr Clémence Sanon, Supérieure Générale des Sœurs Augustines de la Miséricorde de Jésus ;

Sr Marie Thomas Fabre, Supérieure Générale de l’Institut des Petites Sœurs des Maternités Catholiques, présidente de l’Alliance des Maternités Catholiques ;

Sr Marie-José Villain, Supérieure Générale de la Congrégation des Sœurs Hospitalières de Saint Thomas de Villeneuve.

Tonio Borg, ancien Commissaire européen à la santé, Professeur à l’Université de Malte ;

Javier Borrego, ancien juge à la Cour européenne des droits de l’homme et au Tribunal Supreme d’Espagne ;

Guillaume Drago, Professeur à l’Université de Paris Panthéon-Assas ;

Jean-Christophe Galloux, Professeur à l’université de Paris Panthéon-Assas, Membre de l’Académie nationale de pharmacie ;

Joël Hautebert, Professeur agrégé des facultés de droit,

Jean-Michel Lemoyne de Forges, Professeur émérite de l’Université de Paris Panthéon-Assas ;

Joël Benoît d’Onorio, Professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille, Président de la Confédération des Juristes catholiques ;

Krzysztof Wojtyczek, Professeur à l’Université Jagellonne de Cracovie, ancien juge à la Cour européenne des droits de l’homme ;

Alfred de Zayas, ancien expert indépendant des Nations unies pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable ;

Grégor Puppinck, initiateur de la tribune. Directeur de l’ECLJ, Ancien membre du Panel d’experts de l’OSCE sur la liberté de conscience et de religion.

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