Deux motions proposant de lutter contre la pornographie en ligne et ses méfaits ont été déposées à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :
Les deux propositions de résolutions visent à lutter contre les conséquences néfastes de la pornographie en ligne sous deux angles légèrement différents. La première, introduite par le député allemand, Frank Heinrich (CDU) s’intitule « Dimension sexiste et effets de la pornographie sur les droits humains » (Doc. 14864) et se concentre sur la violence sexiste souvent mise en avant dans la pornographie. Cette proposition a été acceptée par le Bureau de l’Assemblée et le rapport accompagnant le projet de résolution est en cours de rédaction. La deuxième proposition, plus récente, a été déposée par le député Dimitri Houbron (LREM) et est largement soutenue par la délégation française : « Pour une évaluation des moyens et des dispositifs luttant contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques » (Doc. 15077).
Compte tenu de la grande proximité de cette deuxième proposition de résolution avec celle du député allemand qui a déjà été approuvée, il est probable que le Bureau de l’Assemblée les fasse « fusionner », en demandant à M. Heinrich de prendre en compte le contenu de la deuxième proposition et éventuellement d’inclure une autre commission dans la rédaction du texte final.
Quelle que soit la décision du Bureau, ces deux propositions s’inscrivent bien dans le sillage de résolutions déjà adoptées par l’Assemblée parlementaire. Une première résolution fut adoptée en 2011 : « Combattre les images d’abus commis sur des enfants par une action engagée, transversale et internationalement coordonnée » (Res. 1834), ainsi qu’une deuxième en 2016 : « Lutter contre l’hypersexualisation des enfants » (Res. 2119). Cette série de textes semblent bien indiquer un intérêt croissant des élus pour protéger les enfants et tous les citoyens d’un problème grandissant.
En effet, c’est à travers l’internet que la pornographie a pris un essor vertigineux : 92 milliards de vidéos pornographiques ont été vues sur un site pornographique majeur rien qu’au cours de l’année 2016[i].
Le Centre européen pour le droit et la justice a donc produit un rapport qu’il a envoyé à de nombreux membres de l’Assemblée pour qu’ils puissent apprécier tout l’enjeu de ce problème et réfléchir aux solutions possibles.
Une analyse, même succincte de ce sujet, permet de se rendre compte que la recherche scientifique prouve l’influence pathologique de la pornographie sur le cerveau humain, et tout particulièrement sur celui des enfants. Au-delà de toute question morale, les impacts négatifs sur le développement humain sont scientifiquement démontrés, notamment :
- Une dépendance constatée qui s’accroit avec les visionnages.
- Une baisse notable de la motivation et une altération du contrôle des impulsions personnelles.
- Un accroissement des stéréotypes et de comportements violents et à risques.
- L’usage de la pornographie nuit également aux couples eux-mêmes, tant dans la confiance entre ses membres qu’en matière de violence intrafamiliale.
Enfin, la réalisation du « contenu en ligne » nécessite de vraies personnes, des acteurs, eux-mêmes bien souvent victimes d’abus ou de véritables trafics pour soutenir une demande mondiale gargantuesque. Cette demande génère un marché légal, mais surtout un marché noir de films pornographiques et pédopornographiques qui implique un trafic d’êtres humains, y compris d’enfants.
Ces constatations ne sont finalement pas réellement contestées ; c’est la mise en œuvre des restrictions en ligne qui pose les difficultés les plus sérieuses et qui freine l’action politique. Les députés souhaitant lutter contre la pornographie en ligne se heurtent à de fortes résistances qui sont peut-être dues à la puissance financière de cette industrie. En effet, à l’heure où de nombreux sites ou écrits en ligne sont efficacement supprimés au titre de « discours, d’appel ou d’incitation à la haine », il est étonnant que les États ne trouvent pas les moyens techniques ou juridiques pour juguler la pornographie en ligne.
Ces difficultés invoquées pour ne pas agir sont également un argument biaisé, car ce n’est pas parce qu’on ne peut pas absolument empêcher certains délits qu’on ne doit pas prendre des mesures pour les réduire au minimum. La pornographie contrevient dans ses principes et ses effets à de multiples conventions internationales et aux droits de l’homme qu’elles garantissent.
Comme l’ECLJ le montre dans son rapport, des mesures de restrictions existent ou sont envisagés dans certains pays. Bien que parfois imparfaites ou limitées, ces mesures sont réalisables et permettent une réduction réelle de l’exposition à la pornographie et la diminution des contenus criminels.
L’ECLJ espère donc que ces propositions de résolutions seront suivies avec intérêt par les membres de l’APCE et suivies d’effets par les États qui se doivent de mettre en place des mesures pour réellement protéger leurs citoyens ; tant ceux qui regardent, que ceux qui sont exploités.
Nous allons agir activement auprès de l’Assemblée pour qu’elle prévoit des solutions juridiques et techniques aux États européens, comme nous en proposons dans notre rapport. Abonnez-vous ci-dessous à notre lettre d’information pour être tenu au courant de la suite qui sera donnée à ce sujet.