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Dimanche de Pâques

Dimanche de Pâques

De Dom Guéranger :

La nuit du Samedi au Dimanche voit enfin s’épuiser ses longues heures ; et le lever du jour est proche. Marie, le cœur oppressé, attend avec une courageuse patience le moment fortuné qui doit lui rendre son fils. Madeleine et ses compagnes ont veillé toute la nuit, et ne tarderont pas à se mettre en marche vers le saint tombeau. Au fond des limbes, l’âme du divin Rédempteur s’apprête à donner le signal du départ à ces myriades d’âmes justes si longtemps captives, qui l’entourent de leur respect et de leur amour. La mort plane en silence sur le sépulcre où elle retient sa victime. Depuis le jour où elle dévora Abel, elle a englouti d’innombrables générations ; mais jamais elle n’a tenu dans ses liens une si noble proie. Jamais la sentence terrible du jardin n’a reçu un si effrayant accomplissement ; mais aussi jamais la tombe n’aura vu ses espérances déjouées par un si cruel démenti. Plus d’une fois, la puissance divine lui a dérobé ses victimes : le fils de la veuve de Naïm, la fille du chef de la synagogue, le frère de Marthe et de Madeleine lui ont été ravis ; mais elle les attend à la seconde mort. Il en est un autre ce pendant, au sujet duquel il est écrit : « O mort, je sciai ta mort ; tombeau, je serai ta ruine. ». Encore quelques instants : les deux adversaires vont se livrer combat.

De même que l’honneur de la divine Majesté ne pouvait permettre que le corps uni à un Dieu attendît dans la poussière, comme celui des pécheurs, le moment où la trompette de l’Ange nous doit tous appeler au jugement suprême ; de même il convenait que les heures durant lesquelles la mort devait prévaloir fussent abrégées. « Cette génération perverse demande un prodige, avait dit le Rédempteur ; il ne lui en sera accordé qu’un seul : celui du prophète Jonas. » Trois jours de sépulture : la fin de la journée du Vendredi, la nuit suivante, le Samedi tout entier avec sa nuit, et les premières heures du Dimanche ; c’est assez : assez pour la justice divine désormais satisfaite : assez pour certifier la mort de l’auguste victime et pour assurer le plus éclatant des triomphes : assez pour le cœur désolé de la plus aimante des mères.

« Personne ne m’ôte la vie ; c’est moi-même qui la dépose ; j’ai le pouvoir de la quitter, et j’ai aussi celui de la reprendre ». Ainsi parlait aux Juifs le Rédempteur avant sa Passion : la mort sentira tout à l’heure la force de cette parole de maître. Le Dimanche, jour de la Lumière, commence à poindre ; les premières lueurs de l’aurore combattent déjà les ténèbres. Aussitôt l’âme divine du Rédempteur s’élance de la prison des limbes, suivie de toute la foule des âmes saintes qui l’environnaient. Elle traverse en un clin d’œil l’espace, et pénétrant dans le sépulcre, elle rentre dans ce corps qu’elle avait quitté trois jours auparavant au milieu des angoisses de l’agonie. Le corps sacré se ranime, se relève, et se dégage des linceuls, des aromates et des bandelettes dont il était entouré. Les meurtrissures ont disparu, le sang est revenu dans les veines ; et de ces membres lacérés par les fouets, de cette tête déchirée par les épines, de ces pieds et de ces mains perces par les clous, s’échappe une lumière éclatante qui remplit la caverne. Les saints Anges, qui adorèrent avec attendrissement l’enfant de Bethléhem, adorent avec tremblement le vainqueur du tombeau. Ils plient avec respect et déposent sur la pierre où le corps immobile reposait tout à l’heure, les linceuls dont la piété des deux disciples et des saintes femmes l’avait enveloppé.

Mais le Roi des siècles ne doit pas s’arrêter davantage sous cette voûte funèbre ; plus prompt que la lumière qui pénètre le cristal, il franchit l’obstacle que lui opposait la pierre qui fermait l’entrée de la caverne, et que la puissance publique avait scellée et entourée de soldats armés qui faisaient la garde. Tout est resté intact ; et il est libre, le triomphateur du trépas ; ainsi, nous disent unanimement les saints Docteurs, parut-il aux yeux de Marie dans l’étable, sans avoir fait ressentir aucune violence au sein maternel. Ces deux mystères de notre foi s’unissent, et proclament le premier et le dernier terme de la mission du Fils de Dieu : au début, une Vierge-Mère ; au dénouement, un tombeau scellé rendant son captif.

Le silence le plus profond règne encore, à ce moment où l’Homme-Dieu vient de briser le sceptre de la mort. Son affranchissement et le nôtre ne lui ont coûté aucun effort. O Mort ! Que reste-t-il maintenant de ton empire ? Le péché nous avait livrés à toi ; tu te reposais sur ta conquête ; et voici que ta défaite est au comble. Jésus, que tu étais si fière de tenir sous ta cruelle loi, t’a échappé ; et nous tous, après que tu nous auras possédés, nous t’échapperons aussi. Le tombeau que tu nous creuses deviendra notre berceau pour une vie nouvelle ; carton vainqueur est le premier-né entre les morts ; et c’est aujourd’hui la Pâque, le Passage, la délivrance, pour Jésus et pour tous ses frères. La route qu’il a frayée, nous la suivrons tous ; et le jour viendra où toi qui détruis tout, toi l’ennemie, tu seras anéantie à ton tour par le règne de l’immortalité. Mais dès ce moment nous contemplons ta défaite, et nous répétons, pour ta honte, ce cri du grand Apôtre : « O Mort, qu’est devenue ta victoire ? Qu’as-tu fait de ton glaive ? Un moment tu as triomphé, et te voilà engloutie dans ton triomphe. »

Mais le sépulcre ne doit pas rester toujours scellé ; il faut qu’il s’ouvre, et qu’il témoigne au grand jour que celui dont le corps inanimé l’habita quelques heures l’a quitté pour jamais. Soudain la terre tremble, comme au moment où Jésus expirait sur la croix, mais ce tressaillement du globe n’indique plus l’horreur ; il exprime l’allégresse. L’Ange du Seigneur descend du ciel ; il arrache la pierre d’entrée, et s’assied dessus avec majesté ; une robe éblouissante de blancheur est son vêtement, et ses regards lancent des éclairs. A son aspect, les gardes tombent par terre épouvantés ; ils sont là comme morts, jusqu’à ce que la bonté divine apaisant leur terreur, ils se relèvent, et, quittant ce lieu redoutable, se dirigent vers la ville, pour rendre compte de ce qu’ils ont vu.

Cependant Jésus ressuscité, et dont nulle créature mortelle n’a encore contemplé la gloire, a franchi l’espace, et en un moment il s’est réuni à sa très sainte Mère. Il est le Fils de Dieu, il est le vainqueur de la mort ; mais il est aussi le fils de Marie. Marie a assisté près de lui jusqu’à la fin de son agonie ; elle a uni le sacrifice de son cœur de mère à celui qu’il offrait lui-même sur la croix ; il est donc juste que les premières joies de la résurrection soient pour elle. Le saint Évangile ne raconte pas l’apparition du Sauveur à sa Mère, tandis qu’il s’étend sur toutes les autres ; la raison en est aisée à saisir. Les autres apparitions avaient pour but de promulguer le fait de la résurrection ; celle-ci était réclamée par le cœur d’un fils, et d’un fils tel que Jésus. La nature et la grâce exigeaient à la fois cette entrevue première, dont le touchant mystère fait les délices des âmes chrétiennes. Elle n’avait pas besoin d’être consignée dans le livre sacré ; la tradition des Pères, à commencer par saint Ambroise, suffisait à nous la transmettre, quand bien même nos cœurs ne l’auraient pas pressentie ; et lorsque nous en venons à nous demander pour quelle raison le Sauveur, qui devait sortir du tombeau le jour du Dimanche, voulut le faire dès les premières heures de ce jour, avant même que le soleil eût éclairé l’univers, nous adhérons sans peine au sentiment des pieux et savants auteurs qui ont attribué cette hâte du Fils de Dieu à l’empressement qu’éprouvait son cœur, de mettre un terme à la douloureuse attente de la plus tendre et de la plus affligée des mères.

Introït

Ce chant d’entrée est le cri de l’Homme-Dieu sortant du tombeau, et adressant à son Père céleste l’hommage de sa reconnaissance.

Resurréxi, et adhuc tecum sum, allelúia : posuísti super me manum tuam, allelúia : mirábilis facta est sciéntia tua, allelúia, allelúia. Dómine, probásti me et cognovísti me : tu cognovísti sessiónem meam et resurrectiónem meam.

Je suis ressuscité, et je suis encore avec Vous, Alléluia : Vous avez posé votre main sur moi, alléluia ; Votre sagesse a fait des merveilles, alléluia, alléluia. Seigneur, Vous m’avez éprouvé et vous me connaissez : vous avez été témoin de ma mort et de ma résurrection.

Graduel

Le Graduel est formé de ces joyeuses paroles que l’Église a extraites du Psaume CXVII, et qu’elle répète à toutes les heures du jour en cette solennité de la Pâque. Aujourd’hui, l’allégresse est un devoir pour tout chrétien ; tout nous y engage, et le triomphe de notre bien-aimé Rédempteur, et les grands biens qu’il a conquis pour nous. La tristesse aujourd’hui serait une protestation coupable contre les bienfaits dont Dieu a daigné nous combler en son Fils, qui non seulement a daigné mourir pour nous, mais encore a voulu pour nous ressusciter.

Hæc dies, quam fecit Dóminus : exsultémus et lætémur in ea. Confitémini Dómino, quóniam bonus : quóniam in sǽculum misericórdia eius.
Voici le jour que le Seigneur a fait, passons-le dans l’allégresse et dans la joie. Célébrez le Seigneur parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde est éternelle.

Alleluia

Le verset Alléluiatique nous donne un des motifs de la joie qui doit nous faire tressaillir aujourd’hui. Un festin est dressé pour nous ; l’Agneau est prêt ; cet Agneau est Jésus immolé, et désormais vivant : immolé, afin que nous soyons rachetés dans son sang ; vivant, pour nous communiquer l’immortalité qu’il a conquise.

Allelúia, allelúia. Pascha nostrum immolátus est Christus.
Allelúia, allelúia. Le Christ, notre Pâque, a été immolé.

Séquence

Pour accroître la joie des fidèles, la sainte Église ajoute à ses chants ordinaires une œuvre lyrique dans laquelle respire le plus vif enthousiasme envers le Rédempteur sortant du tombeau. Cette composition a reçu le nom de Séquence, parce qu’elle est comme une suite et un prolongement du chant de l’Alléluia.

Víctimæ pascháli laudes ímmolent Christiáni. A la victime pascale, que les Chrétiens immolent des louanges.
Agnus rédemit oves : Christus ínnocens Patri reconciliávit peccatóres. L’Agneau a racheté les brebis : le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec son Père.
Mors et vita duéllo conflixére mirándo : dux vitæ mórtuus regnat vivus. La vie et la mort se sont affronté en un duel prodigieux : l’Auteur de la vie était mort, il règne vivant.
Dic nobis, María, quid vidísti in via ? Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu en chemin ?
Sepúlcrum Christi vivéntis et glóriam vidi resurgéntis. J’ai vu le tombeau du Christ vivant, et la gloire du ressuscité.
Angélicos testes, sudárium et vestes. J’ai vu les témoins angéliques, le suaire et les linceuls.
Surréxit Christus, spes mea : præcédet vos in Galilǽam. Il est ressuscité, le Christ, mon espérance : il vous précèdera en Galilée.
Scimus Christum surrexísse a mórtuis vere : tu nobis, victor Rex, miserére. Amen. Allelúia. Nous le savons : le Christ est ressuscité des morts : ô Vous, Roi vainqueur, ayez pitié de nous. Amen. Alléluia.

 

Offertoire :

Terra trémuit, et quiévit, dum resúrgeret in iudício Deus, allelúia.
La terre a tremblé et s’est tue lorsque Dieu s’est levé pour rendre justice, alléluia.

Communion

Pendant que les ministres du festin pascal distribuent la nourriture sacrée, l’Église célèbre, dans l’Antienne de la communion, le véritable Agneau pascal, dont l’immolation mystique a eu lieu sur l’autel et qui demande à ceux qui se nourrissent de lui la pureté du cœur, figurée sous l’apparence de l’azyme qui le dérobe à nos regards.

Pascha nostrum immolátus est Christus, allelúia : itaque epulémur in ázymis sinceritátis et veritátis, allelúia, allelúia, allelúia.
Le Christ, notre Pâque, a été immolé, alléluia : ainsi mangeons-Le avec les azymes de la sincérité et de la vérité, alléluia, alléluia.

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