Dans Présent de mercredi, Rémi Fontaine rappelle le fameux discours Vaclav Havel en 1992 à l’Académie française des sciences morales et politiques, intitulé « En attendant Godot » :
"Sur son expérience du communisme avec son régime « (post-)totalitaire » du mensonge institutionnalisé, il nous livre d’abord sa conviction, à l’instar de Soljenitsyne, qu’il n’y avait pas d’autre alternative que la dissidence d’abord individuelle : « Une attente animée par la croyance que résister en disant la vérité est une question de principe, tout simplement parce qu’on doit le faire, sans calculer si demain ou jamais cet engagement donnera ses fruits ou sera vain. Une attente forte de cette conviction qu’il ne faut pas se soucier de savoir si, un jour, la vérité rebelle sera valorisée, si elle triomphera, ou si, au contraire, comme tant de fois déjà, elle sera étouffée. Redire la vérité a un sens en soi, ne serait-ce que celui d’une brèche dans le règne du mensonge généralisé. Et aussi, mais en deuxième lieu seulement, une attente inspirée par la conviction que la graine semée prendra ainsi racine et germera un jour… » […]
Et ce n'est pas seulement sous un régime communiste qu'il faut se montrer dissident :
« Je succombais à cette forme d’impatience, ô combien destructrice, de la civilisation technocratique moderne, imbue de sa rationalité, persuadée à tort que le monde n’est qu’une grille de mots croisés, où il n’y aurait qu’une seule solution correcte — soi-disant objective — au problème ; une solution dont je suis seul à décider de l’échéance. Sans m’en rendre compte, je succombais, de facto, à la certitude perverse d’être le maître absolu de la réalité, maître qui aurait pour seule vocation de parfaire cette réalité selon une formule toute faite. Et comme il revenait à moi seul d’en choisir le moment, il n’y avait aucune raison de ne pas le faire tout de suite…
« Je constatai ainsi avec effroi que mon impatience à l’égard du rétablissement de la démocratie avait quelque chose de communiste. Ou plus généralement, quelque chose de rationaliste, l’unité des Lumières. J’avais voulu faire avancer l’histoire de la même manière qu’un enfant tire sur une plante pour la faire pousser plus vite. » […]
Cela dit pour les catholiques français qui, en cette année électorale, « attendent Godot » dans un régime laïciste où ils sont manifestement « encerclés, enserrés, colonisés de l’intérieur » mais où ils continuent à se mentir à eux-mêmes et à mentir à leurs proches en croyant et faisant croire que Jeanne d’Arc peut arriver sans dissidence de leur part, sans rompre avec l’accoutumance de ce relativisme subliminal (selon l’expression de Benoît XVI), qui les rend à la fois serfs et complices, victimes et supports de ce totalitarisme sournois, pantins de ce nouveau et subtil Panthéon totalitaire."