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Culture de mort : Avortement

Dire que l’avortement est une liberté est absurde, car l’IVG n’est pas une faculté naturelle de la personne

Dire que l’avortement est une liberté est absurde, car l’IVG n’est pas une faculté naturelle de la personne

Tribune de Grégor Puppinck, directeur de l’European Centre for Law and Justice, parue dans Valeurs Actuelles :

Manifestement, le gouvernement ne sait pas ce qu’est une liberté et ce qui la distingue d’un droit.

Après bien des hésitations, il propose d’ajouter à la Constitution une phrase alambiquée disant que

« la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Une telle phrase, quand on la compare à la qualité juridique de la Constitution, est symptomatique d’une forme de décadence. D’abord quant à son objet, car l’avortement n’a rien à faire dans une Constitution. Ensuite, quant à son expression, car parler de “liberté garantie” est redondant. Plus encore, c’est toute la phrase qui l’est car elle n’ajoute rien à ce qui est déjà, à savoir que la loi organise l’accès à l’IVG.

La seule nouveauté consiste à inscrire dans la Constitution que l’IVG est une “liberté”. Mais là encore, c’est maltraiter le droit.

Il convient de rappeler brièvement ce que sont une “liberté” et un “droit”, et donc pourquoi ces notions essentielles ne peuvent pas s’appliquer à l’avortement.

Une “liberté” est une faculté naturelle de la personne que l’État s’engage à respecter parce qu’il estime que cette faculté est bonne. Il s’agit par exemple des libertés d’expression, de pensée, de mouvement ou d’entreprise. Toute personne possède naturellement ces facultés, et tout ce que l’on demande à l’État, c’est de ne pas en entraver l’exercice, d’en garantir le libre exercice, sans que cela nuise à autrui.

Il en va très différemment d’un “droit”. Un droit n’est pas une faculté naturelle de la personne, mais une chose, un bien que l’on peut réclamer à autrui et finalement à l’État au nom de la justice. À la différence d’une liberté, un droit suppose une relation avec un tiers, et consiste en une obligation de l’un envers l’autre. Il va de soi que personne ne possède un droit d’avorter à l’égard d’un tiers. Au plan collectif, la situation est un peu différente car la garantie d’un droit répond à un besoin fondamental de la personne qu’elle ne peut pas satisfaire entièrement par elle-même et qui nécessite donc l’intervention de la société. Il s’agit par exemple des besoins d’instruction, de santé ou de sécurité. Ces besoins/droits sociaux découlent de la raison d’être de l’État, qui est de garantir la pérennité de la société. En cela, un droit s’oppose à une liberté, car il nécessite l’action d’un tiers et finalement de l’État.

Dire que l’avortement est une liberté, comme le propose le gouvernement, est donc absurde, car l’IVG n’est pas une faculté naturelle de la personne. C’est d’autant plus absurde que l’IVG est en réalité le résultat de contraintes diverses ; ce n’est pas un acte “libre”.

L’IVG, au contraire, pourrait entrer dans la catégorie du “droit” si l’on estimait que pouvoir avorter était un dû, une exigence de justice. Cela supposerait soit que l’avortement vienne corriger une injustice entre deux personnes — ce qui n’est évidemment pas le cas —, soit que la société estime que l’avortement est un besoin fondamental de la personne, au même titre que l’instruction ou la santé. C’est sur ce terrain que se place la gauche. Mais cela suppose que l’avortement soit un bien en soi, au même titre que la santé ou la sécurité. Or ce n’est évidemment pas le cas ; pour preuve, personne n’avorte par plaisir.

En fait, l’avortement est un mal que l’on ne souhaite à personne et, comme tel, il ne peut être ni une liberté ni un droit. Ainsi, dans la loi Veil, l’avortement est seulement toléré dans certaines circonstances, comme un moindre mal.

Un moindre mal s’exprime toujours en droit comme une exception à un principe, en l’occurrence au respect de la vie et de la dignité humaines, mais jamais comme un droit ou une liberté en soi ; et encore faut-il que ce “moindre mal” permette de préserver un bien aussi grand que le mal auquel il est consenti, à savoir la vie de la mère.

On ne peut pas faire dire n’importe quoi au droit. Un mal, même estimé nécessaire, ne peut pas être un droit ou une liberté, mais seulement une exception. Il serait bon que le législateur s’en souvienne. C’est pour cette raison que le gouvernement et le Parlement se sont empêtrés en cherchant une formulation. Le droit obéit à une rationalité propre qui est celle de la justice. Il appartient au législateur de la servir, et non de s’en servir à des fins politiciennes.

Si le législateur voulait vraiment faire le bien, il regarderait en face les statistiques d’avortements en France et en Europe. Il constaterait que la France fait figure d’exception, avec deux fois plus d’IVG qu’en Allemagne toutes proportions gardées. Que l’IVG baisse dans les autres pays, et continue d’augmenter en France. Si le législateur voulait vraiment faire le bien, il mettrait en œuvre une politique de prévention de l’avortement.

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1 commentaire

  1. « pour preuve, personne n’avorte par plaisir »

    Mdr cette naïveté.

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