Partager cet article

Science

Du repas du Jeudi-Saint au sacrifice du Vendredi-Saint : le Saint-Suaire et la nappe de la Cène sont-ils le même objet ?

Du repas du Jeudi-Saint au sacrifice du Vendredi-Saint : le Saint-Suaire et la nappe de la Cène sont-ils le même objet ?

Le blog Pageliasse a retranscrit une conférence de Daniel Couture concernant une découverte du Professeur John Jackson, spécialiste mondial du St Suaire (à propos du Saint-Suaire on lira avec intérêt pourquoi les évangéliques rejettent violemment toute idée d’une authenticité du Saint Suaire). Extrait :

[…] En 1978, lors des examens scientifiques du STURP, le professeur Jackson avait remarqué sur un des côtés du St Suaire des groupes de taches. Pressé par le temps, il ne put s’y attarder. Mais avec le matériel obtenu lors de cette étude (photos de toutes espèces), il est arrivé tout de même à plusieurs observations importantes.

Sur un côté du St Suaire, celui de la plaie du cœur, donc le côté droit de Notre Seigneur (n’oublions pas l’aspect ‘miroir’ de l’image), il y a cinq groupes de taches. Ces taches ont été identifiées comme étant des taches de charoset, la sauce juive utilisée lors du repas pascal juif. Cette sauce est faite d’un mélange de raisins, de noix et de pommes ou poires. Grâce à l’ultraviolet, sous l’effet duquel, la cire devient noire et les amandes blanches, le professeur peut garantir que les taches sur le St Suaire ne sont pas des taches de cire mais de quelque chose qui a de la noix dedans.

Il y a cinq groupes de taches, espacés également, et seulement sur un côté du tissu précieux. Cela s’explique si on comprend que la table de la Dernière Cène était un triclinium, un grand U carré. Les convives étaient placés à l’extérieur de la grande table, 5 sur un côté + 3 au milieu + 5 de l’autre côté.

Ces goutes de sauce, toutes bien visibles à l’œil nu—certaines étant d’un bon centimètre de largeur—sont bien tombées à la verticale sur la nappe (les formes sont arrondies), et elles ont pénétré le tissu. L’une d’elle, tout au bord, est un peu oblongue, allongée, comme si, à ce point précis, la nappe dépassait légèrement la table et prenait un angle vertical. De plus, les goutes les plus éloignées du bord de la nappe, ne le sont qu’à une longueur de bras. Donc, il suffisait d’allonger le bras pour atteindre la sauce.

Que font ces taches sur le St Suaire? Il n’est pas concevable que l’on ait utilisé cette nappe, sur laquelle il y a du sang et les marques du corps de Notre-Seigneur, après la résurrection. Procédons alors par élimination. Enlevons du St Suaire tout ce qui est clairement identifié : il reste une nappe de grande qualité avec des taches de sauce juive rituelle. Or le Jeudi-Saint, il y eut, avant l’institution de la Sainte Messe, un repas pascal qui incluait une telle sauce.

Selon le professeur Jackson et d’autres exégètes, la table de la Dernière Cène était un triclinium, un grand U carré. La question qui suit immédiatement est de savoir où était la place d’honneur à ce triclinium. Si vous inversez le U, la place d’honneur est la première place à gauche, et la dernière place est en face. Il faut bien se rappeler que nous sommes le soir du Jeudi-Saint, où Notre-Seigneur veut donner à ses Apôtres une profonde leçon d’humilité. Dans ce contexte, selon Jackson, Notre-Seigneur donna la place d’honneur à Pierre, et prit pour lui-même la dernière, en face de Pierre, se mettant ainsi après Jean.

Or il y a à Rome, à St-Jean-du-Latran une relique de la table de la Dernière Cène. En 2017, Jackson et son épouse Rébecca, une juive convertie, obtinrent la permission d’aller l’analyser, ils purent l’observer pendant 5 heures. Sa conclusion : cette relique au Latran est la partie centrale du triclinium. Les dimensions du triclinium étant assez impressionnantes et requérant plusieurs nappes, le St Suaire aurait été la nappe du côté où Notre-Seigneur se trouvait avec quatre autres apôtres.

St Jean 13, 21-29

Cet arrangement des places (Pierre à la 1ère place d’honneur, Jean en 12e et Notre-Seigneur en 13e) autour du triclinium jette de la lumière sur d’autres passages de l’Évangile. Voici le texte de St Jean 13,21ss. Jésus annonce la trahison d’un des présents. Saint Pierre, placé en face de Saint Jean, lui fait signe et celui-ci, discrètement, demande : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus répondit : « C’est celui à qui Je présenterai du pain trempé ». Et ayant trempé du pain, Il le donna à Judas Iscariote, fils de Simon. Et quand il eut pris cette bouchée, Satan entra en lui. Et Jésus lui dit : « Ce que tu fais, fais-le au plus tôt ».

Voici comment Jackson reconstitue la scène de façon ingénieuse. Quand Jean pose la question à Jésus, au milieu de la commotion qui suivit l’annonce du traître (« Vivement attristés, ils commencèrent chacun à Lui dire : Est-ce moi, Seigneur ? », Mt 26, 22), Jésus, l’air de rien, appelle Judas. Celui-ci se lève de son lit-divan et vient se mettre au bout de la table, où se trouve Jésus. Pendant ce mouvement, Jésus répond discrètement à l’oreille de Jean, trempe le pain et le donne à Judas qui arrive alors à ses côtés. C’était tellement naturel, « qu’aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi Il lui avait dit cela ». Et Judas sortit. Seul Jean avait tout suivi et tout compris.

Jackson remarque que sur la partie faciale, près des pieds, à gauche du 5e groupe de taches, il y a une autre série de taches qui part bien d’une longueur de bras mais qui se dirige vers le bout du St Suaire. Ces taches pourraient s’expliquer par le passage concernant Judas, puisqu’il n’y a pas de lit-divan au bout de la table. C’est exactement comme si quelqu’un avait donné un morceau trempé à une personne se tenant debout au bout de la table ! Et c’est visible à l’œil nu ! Nous aurions ainsi sur le St Suaire des traces de la désignation du traître tel que décrit en St Jean 13, 23.

Argument liturgique : l’usage du corporal pour la messe

Le professeur Jackson a aussi un argument liturgique. L’étude de toutes les liturgies des premiers siècles, les différents rites catholiques et schismatiques, nous apprend que le corporal, à l’origine, était plus large que nos corporaux actuels, et était replié pendant la messe pour recouvrir le calice. Le nom d’origine du corporal est le composé palla corporalis. Voici ce que l’on trouve dans le Rational de Durand de Mende (+1330) : Le corporal, appelé aussi linceul, ne se distinguait pas autrefois de la palle. Palle vient de pallium, manteau ou couverture : les nappes et les corporaux qui couvraient l’autel étaient appelés pallae. Le corporal était autrefois aussi long et aussi large que le dessus de l’autel, et il était si ample qu’on le repliait sur le calice pour le couvrir. Mais, comme cela était embarrassant, surtout depuis qu’on a fait l’élévation du calice, vers le XIIIe siècle, on a fait deux corporaux plus petits, l’un qu’on étend sur l’autel, et l’autre plié d’une manière propre à couvrir le calice. L’on a mis ensuite un carton entre deux toiles, afin qu’il fût ferme et qu’on le prit plus commodément, et on lui a toujours laissé le nom de palle.

D’ailleurs dans le Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie (Cabrol et Leclerc, 1914, vol. 3) on lit : « CORPORAL. Si l’on tient à remonter le plus haut possible, le premier corporal sera la nappe qui dut servir à Jésus-Christ au Cénacle ; en fait, tout, ce que nous pouvons en dire, c’est qu’il célébra un repas dont les éléments reposaient, selon toute vraisemblance, sur le linge étendu sur la table. Les plus anciens autels étaient-ils couverts pendant le sacrifice eucharistique ? On peut à peine en douter, bien qu’il n’existe pas une description détaillée et une mention formelle pour la période primitive. »

Dans certains Ordres religieux, la pratique de couvrir le calice avec un corporal un peu plus ample que les nôtres aujourd’hui, a perduré pendant des siècles. C’est le cas des Chartreux, des Cisterciens, des Dominicains. (A l’abbaye Sainte Marie de Hauterive, près de Fribourg en Suisse, dans les années 1970, le Père Abbé dom Bernard Kaul avait remis en usage bon nombre d’éléments du rite cistercien, notamment celui du corporal replié sur les oblats.) Ajoutons que jusqu’à une date récente, et peut-être encore aujourd’hui, beaucoup de prêtres, dans leur dévotion, pensaient à l’ensevelissement du Christ en repliant le corporal à la fin de la messe : il pouvait s’y trouver encore quelque parcelle du Corps du Christ.

Ajoutons à ces considérations une autre, que Jackson ne connaissait pas : les 2e et 3e prières de la bénédiction des corporaux, du Rituel. Les voici :

2e : Omnipotens sempiterne Deus, bene+dicere, sancti+ficare, et conse+crare digneris linteamen istud ad tegendum, involvendumque Corpus et Sanguinem Domini nostri Jesu Christi Filii tui…

Dieu tout-puissant et éternel, daigne bénir, sanctifier, et consacrer ce linge pour couvrir et envelopper le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus Christi ton Fils…

3e : Omnipotens Deus, manibus nostris opem tuae benedictionis infunde; ut per nostram bene+dictionem hoc linteamen sanctificetur, et Corporis et Sanguinis Redemptoris nostri novum sudarium, Spiritus sancti gratia efficiatur…

Dieu tout-puissant, mets en nos mains la puissance de ta bénédiction, afin que par notre bénédiction ce linge soit sanctifié, et par la grâce du saint Esprit devienne le nouveau suaire du Corps et du Sang de notre Rédempteur…

Depuis les temps apostoliques, la pratique était d’utiliser une nappe pour célébrer les saints mystères ; l’une d’elle, le corporal, recouvrait le calice, (cette pratique dura au moins pendant le premier millénaire pour le rite latin, et continua dans certains ordres religieux après coup) ; le rite de recouvrir le calice ne peut venir que du désir de refaire quelque chose qui remonte aux origines de la messe (un peu comme le ‘hunc’ calicem de la consécration, alors que nos calices ne sont pas celui de la Dernière Cène).

Bref : la Dernière Cène fut célébrée sur une nappe qui le lendemain enveloppa le corps sanglant de la Victime. Et c’est cette nappe, ayant servi de linceul, désormais inoccupée et affaissée, que Jean et Pierre virent le matin de Pâque. Vidit et credidit : il vit et il crut (Jean 20, 8). Tout cela est signifié par le corporal. N’oublions pas que le Concile de Trente nous invite à contempler les mystères derrière tous les éléments de la liturgie.

Réfutation de deux objections scripturaires

– Si on interprète Marc 15,46 pour dire que Joseph d’Arimathie est allé acheter un linceul le vendredi, il ne peut pas avoir été utilisé le jeudi soir. Mais le texte grec permet de traduire par un plus que parfait : le tissu avait été acheté.  Quand? On ne le sait pas. La plupart des traductions disent qu’il est allé acheter le linceul après la mort de Jésus. Ce n’est pas dans le texte.

– De même pour Mattieu 27,59 : « Joseph l’enveloppa d’un linceul blanc » (pur ou propre). Or s’il y avait des taches, il n’était pas vraiment blanc, pur ou propre. De plus, prendre une nappe salie n’est pas convenable pour un ensevelissement, surtout celui-là. Mais blanc, pur ou propre, ne se dit pas dans ce cas de la propreté matérielle, mais plutôt légale, rituelle, concernant la façon dont le tissu avait été fabriqué. Par conséquent, prendre un tissu pur qui avait quelques taches de sauce d’usage liturgique, donc symbolique, n’a pas été considéré inconvenant pour envelopper le corps de Notre-Seigneur, couvert de plaies sanglantes.

Conclusion

Reconstituons les évènements de l’après-midi du Vendredi Saint selon Jackson et quelques ajouts concernant la Ste Vierge.

Celle-ci mise à part, personne le Vendredi Saint, ne pensait que Notre-Seigneur allait mourir, ni les Juifs, ni les disciples. Jésus n’avait-il pas dit : « Je suis la Résurrection et la vie »? N’était-il pas plus puissant que la mort? Cependant, vers 15h00, il expire. Il y a le tremblement de terre, le coup de lance au côté. Certainement ensuite un moment de stupéfaction et d’abattement. Joseph d’Arimathie et Nicodème sont tout près. Ce sont des hommes importants, riches, avec le sens pratique. Il semble naturel que la première chose à faire soit de consulter la Mère, c’est tout de même son Fils qui vient de mourir, et c’est elle qui doit décider ce que l’on fera du corps de Notre-Seigneur.

Joseph lui propose d’utiliser son sépulcre neuf qui se trouve à 50 mètres à peine, sur la paroi de la carrière que les romains utilisaient un peu plus bas que le calvaire (aujourd’hui il y a 18 marches pour descendre du calvaire). Et pour envelopper le corps ? Qui a eu l’idée de prendre cette nappe? N’oublions pas qu’il s’agit ici d’un homme qui avait été considéré comme le Sauveur, même si cette espérance était déçue à ce moment. Joseph ayant acheté cette nappe l’a-t-il aussi proposée à la Sainte Vierge qui voyait certainement la valeur du sacrifice du Calvaire ? Ou cela venait-il d’elle-même, la corédemptrice, l’Immaculée, si elle avait pressenti ce qui s’était passé au Cénacle ? De toute façon, à un moment donné, cela fut décidé et quelqu’un alla chercher la nappe (les saintes femmes étaient là aussi, ne l’oublions pas). Puis les deux hommes demandent le corps au centurion, qui les envoie à Pilate (700 mètres à parcourir), et qui fait venir le centurion pour s’assurer de la mort de Jésus. Pilate accorde enfin aux deux hommes leur requête. Maintenant, il faut des échelles, des outils pour retirer les clous, etc.  Tout cela prend du temps. Et il faut faire vite, car l’ensevelissement doit être terminé vers 18h00 et chacun doit retourner chez soi. C’est la loi du sabbat.

Ensuite il y a la descente de croix, sans doute un moment de déploration quand la Sainte Mère tient le corps torturé de son Fils, la descente du calvaire par un sentier, puis une petite procession avec le corps de Notre-Seigneur au sépulcre.

Normalement, quand on achète un linceul mortuaire, il vient avec des bandelettes pour attacher le mort. Mais ici, comme c’est une nappe de grande qualité, et non un linceul normal, il n’y a pas de bandelettes.  Et on est pressé par le temps (un détail important à ne pas oublier dans tout cet ensevelissement, fait de façon précipitée.) Alors, selon une coutume très ancienne, on décide de couper une bande le long de la nappe, et celle-ci servira de bandelette.  Jackson a reconstitué tout cela dans son studio.

On étend la première partie de la nappe, puis le corps, puis on recouvre le corps passant par-dessus la tête. La partie du dessus étant un peu courte, on relève la partie du dessous pour l’attacher, avec la bande, à la plante des pieds qui sont à la verticale (car sur le St Suaire on voit les taches de sang des plaies des pieds). On attache ainsi les pieds, on passe autour des genoux (pour les tenir, comme on le voit sur le St Suaire), et on termine en faisant un nœud autour du cou. La bande est assez longue pour faire tout cela.

Le matin de Pâques, Pierre et Jean voient le St Suaire « et les linges qui l’accompagnaient affaissés à leur place, alors que la mentonnière n’était pas affaissée, tout en restant enveloppée, et à la même place que lors de l’ensevelissement de Jésus » (Carmignac), faisant une protubérance. (Vidit et credidit).

Si le professeur Jackson a raison, le St Suaire serait ainsi le premier corporal utilisé pour la messe sacramentelle du Jeudi saint (cf. taches de charoset), qui enveloppa par la suite la Victime sanglante, le Vendredi Saint (cf. taches de sang), et sur lequel Notre-Seigneur, ressuscitant, laissa des marques de sa Résurrection du jour de Pâques (cf. fibres jaunies).

 

 

La photo illustrant ce post est l’image du Saint-Suaire reproduite par intelligence artificielle.

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services