Dom Samuel Lauras, cistercien-trappiste, a trente-cinq ans de vie monastique, d’abord à l’abbaye de Sept-Fons en Bourbonnais puis, à partir de 2002, en République tchèque, à Notre-Dame de Nový Dvur (que nous avons évoquée ici et là) dont il est l’abbé. Il vient de publier Fils de lumière en temps d’épreuve.
Avec cet essai sur les conflits du monde chrétien, Dom Samuel délivre une réflexion sur les attitudes qui sont susceptibles, aujourd’hui, de soutenir courage et fidélité. Nous, chrétiens, vivons sur une fracture. Une fracture de société. Une fracture écologique. Une fracture politique. Une fracture dans l’Église où le mal s’est introduit dans des proportions effarantes. Les moines éprouvent, comme tous, cette fracture. Peu parviennent à regarder cette réalité en face. Les décisions à prendre exigent du recul et un sang-froid tels qu’il semble impossible de s’en sortir seul. À l’homme, c’est impossible, mais rien n’est impossible à Dieu. Et si le remède était spirituel ? S’il fallait, simplement et dans un premier temps, commencer par se regarder mutuellement autrement, chercher l’équilibre instable entre Amour et Vérité, et tourner notre coeur vers le Seigneur ?
Imaginez que vous ayez un jour un différend avec le pape. Ce qu’il a dit vous a choqué, ce qu’il propose vous semble imprudent. Que ferez-vous ? Si le différend concerne un point secondaire, ne bougez pas, priez pour lui et mettez-vous à sa place : sa charge n’est pas une sinécure. Si la question en débat touche à l’essence de ce qui vous tient à coeur, écrivez-lui. Ecrire au pape ? Pourquoi pas ! Eventuellement, passez par le nonce. […] “Ecrire au pape ! L’avez-vous fait ?”, me demande un frère curieux. Je lui réponds : “Si on te le demande, tu diras que tu n’en sais rien. Attends, pour le vérifier, l’ouverture des archives vaticanes.” Pas de pression pour respecter la liberté du pape.
Jeanne Smits a émis quelques réflexions divergentes :
Garder le silence et prier…
C’est un conseil d’ordre général que j’ai entendu plusieurs fois ces derniers jours, ces derniers mois : dans la situation de crise où se trouve l’Eglise, mieux vaudrait ne s’occuper de rien, fuir internet, bannir de nos lectures les sites qui dénoncent l’apostasie. N’écoutons plus ceux qui se désolent de cérémonies « catholiques » paganisées au cœur de la chrétienté, des déclarations et des actes douteux, voire matériellement hérétiques du pape François, et de la confusion… qui me semble pourtant véritablement sans précédent. […]
Je crois que nous avons en effet l’obligation comme jamais de prier non seulement pour la papauté en général mais pour ce pape en particulier, qui pose des actes objectivement scandaleux. Il encourage objectivement les plus petits qu’il est censé confirmer dans la foi à croire et à faire ce qui n’est ni vrai, ni bon : se prosterner devant une Terre idolâtrée, imaginer que la doctrine traditionnelle sur le mariage ait pu changer. Je sais que l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique a reçu cette promesse : les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Ce qui signale, soit dit en passant, que les portes de l’enfer font tout pour la faire chanceler, et ça ne date pas d’aujourd’hui !
Alors, devons-nous simplement faire confiance à cette promesse, à la Providence divine dont nous sommes absolument certains qu’elle est à l’œuvre ? Attendre et voir venir ? La leçon de la barque dans la tempête ne nous dit pas cela, ce me semble : il faut identifier le mal, et il faut demander les grâces nécessaires pour en sortir. Nous sommes ainsi faits, libres et dotés d’une intelligence, que nous devons prier, demander à Dieu le bien qui nous est nécessaire et qui est nécessaire au monde qui nous entoure. Il est notre Père. Tout est dit.
Nous devons aussi être armés face à ce qui se présente à nous sous l’apparence du bien. Savoir, par exemple, qu’on ne se prosterne pas devant une couverture dressée par terre selon les rites du culte de la Pachamama, la Terre-Mère des Andins mais plus largement la « Gaïa » adorée par les écolo-panthéistes modernes, à cause du Premier commandement. Et il nous faut le dire et en rendre compte si nous en avons reçu la possibilité, parce que la vérité doit être dite, sous peine de voir le monde catholique sombrer dans un indifférentisme dont il n’aura même pas conscience.
Car c’est bien beau d’encourager les catholiques de s’accrocher à ce qui leur a toujours été enseigné… quand le drame de notre temps est que l’immense majorité des catholiques n’a justement pas été catéchisée, et ignore une grande part sinon l’essentiel de sa foi !
[…]