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L'Eglise : Vie de l'Eglise

De la gouvernance dans l’Eglise

De la gouvernance dans l’Eglise

La dernière chronique du Glaive de la Colombe, fruit de cinq ans de rumination sur les méfaits des ressources humaines dans l’Eglise, s’attaque au management au sein e l’Eglise. Extrait  :

[…] La gouvernance que nous dénonçons dans l’Eglise est contraire à l’esprit apostolique du gouvernement. Elle peut cependant séduire des catholiques bien intentionnés, notamment dans la mouvance charismatique, liée historiquement au Pentecôtisme américain, et sociologiquement au milieu des affaires. Quoi qu’il en soit, l’Eglise reposant, comme la famille, sur des principes « de vérité, de mansuétude et de justice », il n’est pas surprenant de la voir désarmée de prime abord face à l’esprit managérial, par nature dissimulateur et manipulateur. Les fidèles, bénévoles ou salariés, tendent déjà par eux-mêmes à se dévouer plus que de mesure, pour l’amour de Dieu. Le respect accordé spontanément au clergé et une conception mal éclairée de l’obéissance les entretiennent également dans une docilité souvent excessive vis-à-vis d’un supérieur ecclésiastique. N’étant pas chargé de famille, celui-ci peut quant à lui ne pas avoir toujours conscience des contraintes matérielles ou personnelles de ses subordonnés. S’il s’agit de ses fidèles, les distinctions entre salariat et bénévolat, for interne et for externe risquent par ailleurs de s’estomper. Entre gens de bonne volonté et conscients de leurs faiblesses, on peut espérer que les frictions relationnelles du quotidien comme les réelles injustices se règlent aussi bien que possible par le bon sens, éclairé par la doctrine sociale et le droit, purifié par la prière et les sacrements. On voit mal en revanche cet équilibre subtil se maintenir entre un leader inspiré on ne sait trop par quoi et les amas de terre glaise auxquels il réduit inconsciemment ses frères par la kabbale managériale. Il en est ainsi des meilleures institutions : elles n’échappent pas à la corruption lorsqu’un esprit pervers en prend le contrôle. Emprise et abus d’autorité ne sont pas plus systémiques dans l’Eglise que dans l’Etat, et même plutôt moins : c’est la part d’obscurité des hommes qui incarnent ces institutions qui en est la cause.

Compte tenu de ses fondements sulfureux, l’esprit managérial devait faire davantage souffrir l’Eglise et ses membres, plus particulièrement les âmes sacerdotales et consacrées. Se vouant à l’amour de Dieu et du prochain, ces serviteurs inutiles et défaillants ne peuvent adopter sans violence la logique managériale d’efficience par la robotisation de l’homme. Ainsi, le lien personnel, conçu traditionnellement par analogie avec le corps humain ou la famille, se raidit-il en devenant artificiel. C’est sensiblement le cas de la paternité spirituelle sensée unir l’Evêque, ou le Supérieur de communauté, avec son clergé. Quel père digne de ce nom resterait-il insensible à la souffrance de ses enfants comme le sont bien des Ordinaires vis-à-vis de la détresse matérielle ou personnelle de leurs subordonnés, quand ils n’en sont pas à l’origine ? Face à une hiérarchie maltraitante, le clerc, assimilé assez étrangement à un travailleur indépendant, ne dispose pas des mêmes protections sociales que le salarié, notamment contre le harcèlement. Dans ce domaine, l’Eglise managériale ne manque pas de ressources : report d’ordination, refus de prolongation d’études, retard de remboursements professionnels, nomination inappropriée, logement insalubre, destitution arbitraire voire infamante etc. Si le golem venait à se souvenir de ses droits et prendre un conseiller canonique, on ne manquerait pas de culpabiliser ce fils ingrat poursuivant celui qui l’aura élevé au sacerdoce et entretenu.

Si l’esprit managérial infiltré dans l’Eglise torture particulièrement les âmes sacerdotales, il ne se contente pas de les malmener de l’extérieur, mais tord profondément celles qui s’exposent à lui imprudemment. Sous l’effet de la « managérialisation » universelle, tout n’est plus que processus et mouvement : le monde ne connaît plus le repos. L’individu n’est plus qu’un ensemble de compétences qui doit s’adapter au système finalisé en étant toujours plus fluide. De même, dans l’Eglise managériale, les prêtres sont gagnés par l’activisme « missionnaire » jusqu’à l’épuisement : oubliant que sainte Thérèse de Lisieux devint sainte patronne des missions sans jamais quitter son Carmel, ils perdent le sens de la contemplation et du repos spirituel. Et pour bien des gouvernances diocésaines, seuls les prêtres de paroisse sont vraiment « utiles », notamment par l’argent qu’ils rapportent. Les autres, comme les ermites, sont suspectés d’égoïsme ou de paresse.

Mais si l’esprit managérial est particulièrement nocif, c’est dans le rapport à la vérité qu’il fausse, ce qui ne peut être que préjudiciable pour des âmes consacrées à la Vérité incarnée. En effet, comment des prêtres conserveraient-ils un jugement droit en s’imprégnant de principes contraires à la foi et à la morale catholiques ? Le plus troublant est que cette « conversion managériale » puisse coexister avec de réelles qualités sacerdotales et une parfaite bonne conscience comme chez ce prêtre promoteur du management pastoral qui affirmait innocemment que le modèle du manager existait dans l’Evangile…en Judas. Quitte à prendre pour modèle un traître, nous lui préférons saint Pierre qui nous a transmis l’exemple du pasteur catholique et de l’anti-manager (Saint Pierre 1, V, 1-5).

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7 commentaires

  1. « N’étant pas chargé de famille, celui-ci peut quant à lui ne pas avoir toujours conscience des contraintes matérielles ou personnelles de ses subordonnés. »

    Tout le clergé séculier devrait avoir l’obligation de faire au moins une fois par an une « retraite inversée » dans le monde profane. Quinze jours à trimer dur en horaire posté entouré d’inconnus, de païens et de mécréants pour ramener péniblement le SMIC, ça leur montrerait le gouffre énorme entre ce qu’ils pensent du monde et ce que le monde est réellement.

    Le management est typique des systèmes administratifs qui refusent de s’adapter. L’Église d’aujourd’hui est comme la République : une grosse et froide administration qui refuse d’évoluer et fonctionne donc comme un « broyeur d’humains » afin de survivre (nous humains, sommes devenus le combustible de la machine infernale).

    Le message du Christ (le fond) ne doit pas changer mais toute l’institution de l’Église (la forme) doit être revue. Le problème de faire un gros nettoyage institutionnel, c’est que cela mettrait en lumière tous les cadavres planqués dans les placards et ça, le faux clergé enkysté ne le souhaite absolument pas.

    Le synode actuel n’est qu’un mixte entre « toilettage de surface » et « néo-management », il n’a pas vocation à résoudre les problèmes structurels/systémiques. Je suis partisan de laisser cette Église institutionnelle crever de sa propre incurie. Concernant les bons prêtres qui se retrouvent entre le marteau et l’enclume, la solution est simple :

    1 – Les laïcs qui veulent vraiment du changement se regroupent en dehors des paroisses officielles et achètent des logements pour les mettre à disposition de leurs bons prêtres le jour venu.
    2 – Mise sous pression des diocèses pour que les choses changent radicalement et rapidement. En cas de refus, extraction des bons prêtres et messes « dans les catacombes »
    3 – Réorientation de l’argent versé aux diocèses vers l’édification de nouvelles structures hors d’atteinte des faux bergers.
    4 – Regarder les diocèses couler ou muter en ONG humanitaro-écologique

    PS : Ne venez pas me seriner avec la FFSPX ou autres « noyaux durs isolés » qui existent déjà. Là, je parle d’une « planification territoriale générale et de base » pour tous les laïcs de toutes les paroisses de France et de Navarre.

  2. L’article entier est : De l’Eglise managériale : les ressources humaines – Le Glaive de la Colombe
    ttps://leglaivedelacolombe.fr/2023/05/29/de-leglise-manageriale-les-ressources-humaines/
    Que penser de cet article ?

    • @VIVANT

      Commencez par nous dire ce que vous vous en pensez.

    • Après l’avoir lu en entier, plutôt du bien.
      distinction salutaire entre gouvernance et gouvernement, …
      Dénonciation salutaire et argumentée de l’idéologie “managériale”, y compris malheureusement dans l’Eglise, …
      Et vous ?

  3. “Le plus troublant est que cette « conversion managériale » puisse coexister avec de réelles qualités sacerdotales et une parfaite bonne conscience comme chez ce prêtre promoteur du management pastoral qui affirmait innocemment que le modèle du manager existait dans l’Evangile…en Judas.”

    Oui, il va falloir faire le ménage pour arrêter ce manège infernal !

  4. le ménage se fera tout seul,

  5. La liste des manipulations de l’institution actuelle de l’Eglise (au moins celle de France), sur de nombreux prêtres et laïcs, est malheureusement exacte. Ce qui ne veut pas dire que tous les responsables religieux sont concernés, mais un certain nombre, qui par cooptation progressive ont pris le pouvoir … Idem pour les laïcs, les vrais bénévoles n’ont quasiment pas droit à la parole, encore moins à la décision, par contre les salariés les mieux rémunérés, oui …

    ” une conception mal éclairée de l’obéissance” … il y aurait tout un chapitre à écrire dessus.
    Rappelons que même vis à vis d’une autorité légitime, nul n’est tenu d’obéir à un ordre illégitime, …. Cela s’applique aussi à une soi disant obligation vaccinale, qu’elle vienne d’un Etat, d’un employeur, ou du Vatican!

    la “gouvernance” … : c’est effectivement un mot piégé, introduit dans la novlangue actuelle pour remplacer la notion de gouvernement des hommes par les hommes, (avec ses limites et défauts, certes … ) par cette “gouvernance” des choses ou ressources humaines (c’est à dire nous…) par des procédures et normes, et maintenant des robots et des chat GPT …

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