"Aurore, 37 ans, mère d'une famille de quatre enfants, enceinte d'un cinquième, s'est dit qu'elle pourrait « vendre » ce bébé à un couple en désir d'enfant. Elle ferait ainsi d'une pierre deux coups : éponger ses dettes et satisfaire ceux qui se rêvent parents. D'autant qu'avec Internet, recruter ce type de clients est un jeu… d'enfant. Aurore dépose donc des petites annonces sur le site Auféminin.com et sur divers forums. Marché conclu avec un premier couple. La spirale de l'argent facile tourne la tête de cette femme qui décide de renouveller l'expérience avec d'autres couples. Elle pratiquera ainsi plusieurs inséminations artisanales, en contrepartie de 12 000 à 15 000 euros selon les cas, mue aussi par le désir de « donner du bonheur » aux couples en mal d'enfant, de devenir leur « nounou prénatale » a-t-elle confié au tribunal. Sauf que celle qui a inconsciemment mêlé son destin à celui de la Déesse du jour a rapidement transformé ce business illégal de vente d'enfant en une perfide machinerie diabolique.
Des enfants vendus deux fois
Ainsi, Aurore avait promis un enfant à un couple d'homosexuels de Loire-Atlantique, conçu avec les gamètes de l'un d'eux. Neuf mois plus tard, elle annonce à ce couple que l'enfant est mort-né. Mais la réalité est tout autre : Aurore a entre-temps (re)vendu cet enfant à un autre couple d'homosexuels. Pis, le père biologique de cet enfant s'avérera être le mari d'Aurore.
Un an plus tard, un couple toulousain d'homosexuels passe commande à Aurore, inséminée artisanalement avec les gamètes de l'un d'entre eux. Neuf mois passent et Aurore annonce la mort du nourrisson. Celui-ci a, entre-temps, a été vendu et confié à un couple d'hétérosexuels qui s'était vu refuser l'agrément pour adopter. C'est le père biologique de cet enfant âgé de trois ans, à savoir l'un des Toulousains, qui entend le récupérer, qui fera éclater l'affaire, mettant au jour ces ventes illégales de bébés."
La mère est poursuivie pour escroquerie. Mais tenez-vous bien : aucune incrimination ne vise la vente et l'achat d'enfant. C'est pourquoi l'association Juristes pour l'enfance s'est constituée partie civile dans cette affaire :
"l'association a fait état devant le tribunal de trois autres infractions. La première est le crime de réduction en esclavage, qui est le fait d'exercer à l'encontre d'une personne l'un des attributs du droit de propriété, en l'occurrence l'achat et la vente d'un enfant. « Cette infraction pourrait s'appliquer aussi bien à la mère porteuse qu'aux commanditaires », estime Me Le Gouvello. La loi sanctionne par ailleurs la pratique d'insémination artisanale, punie de deux ans de prison et 300 000 euros d'amende si elle est pratiquée en dehors d'un établissement de santé et d'un encadrement médical. Et le délit de simulation d'enfant, qui consiste à déclarer à l'état civil l'enfant d'une femme autre que celle qui a accouché, aurait pu lui aussi s'appliquer au cas d'espèce a fait valoir l'avocate. Le tribunal rendra son jugement le 22 mars 2016."